mercredi 31 décembre 2008

Chronique # 54 : or rouge, masques blancs

30 décembre 2008


Dans un croisement entre un conte de Noël et un poisson d’avril, fêté le 28 décembre dans les pays de culture hispano-américaine (le fameux Día de los Santos Innocentes), hier mon chéri faisait la queue à Whole Foods, le supermarché bio quand la caisse enregistreuse est tombée en panne. Après un moment de perplexité, le caissier réapparait et avec la personne qui ensache les courses, ils commencent à sortir un par un les articles de la cliente des sacs en papier kraft. Le caissier note sur un bloc chaque code barre que lui dicte l’ensacheur sachant chasser le fou rire qui s’empare de mon ami à 20h00 passées, avec deux clients devant lui. Pour tuer le temps, il m’appelle et me demande s‘il peut lâchement abandonner le caddie et rentrer à la maison. Non, mon amour, j’ai vraiment besoin du papier alu, prends ton mal en patience ou dis leur que puisque le scanner ne fonctionne pas, tout est gratuit. Quand son tour fut venu, le caissier note article par article le lait cru et la sole, les olives sans les peser, les carottes, la roquette, le papier alu. L’ensacheur remplit trois sacs. « Vous avez du liquide pour payer? » demande le caissier. « Ma foi, oui, enfin pas assez pour toutes les courses ». Le caissier sourit, tamponne le ticket du parking et dit bonsoir. L’ensacheur pousse le caddie avec les trois sacs. « C’est bon, vous pouvez y aller. »



Si je vous dis que Whole Foods a la réputation d’être cher, vous comprendrez son surnom « Whole Paycheck » (=toute ma paye) et notre incrédulité. En anglais, il existe cette expression qui veut dire que rien n’est gratuit, « there is no such thing as a free lunch » (=les déjeuners gratuits n’existent pas). Pourtant, hier nous nous sommes pincés et nous avons dîné aux frais de John Mackey.



En rangeant le reste des courses, je cherche la provenance du rouleau de papier aluminium. Made in Canada. Un tableau de Léon-Augustin Lhermitte (1844-1925) me revient en mémoire. Léon-Augustin Lhermitte vous connaissez, sans vous en douter, parce que nous avons tous vu des reproductions de ‘La Leçon de vivisection de Claude Bernard’ dont l’original est accroché à l’Académie de Médecine.



Là, je pense au portrait d’Henri Sainte-Claire Deville, entouré de ses étudiants à l’Ecole Normale Supérieure : http://www.scholarsresource.com/browse/museum/5432


Sainte-Claire Deville est le scientifique qui du temps où l’avenir ne s’inventait pas dans la Silicon Valley avait mit au point le procédé d’extraction de l’aluminium à partir de la bauxite. Bien que très courant sur terre, l’aluminium fut pendant longtemps un métal aussi rare et cher que l’or, tant il était très difficile de le purifier. Napoléon III était fasciné par la transformation de « l’argile en argent » -l’alumine à partir duquel est fabriqué l’aluminium est une poudre blanche. En 1856, un scientifique lui apporta un casque militaire en aluminium. L’idée plut à l’empereur mais elle n’était pas viable d’un point de vue économique. En revanche, ses invités d’honneur dinaient avec des couverts en aluminium et les autres un service en argent.



Tout avait débuté en 1821, quand Pierre Berthier avait découvert un minerai contenant plus de 50% d’oxyde d’aluminium dans une mine près des Baux de Provence ; il l’appela la bauxite. En 1827, Friedrich Wöhler réussit à obtenir quelques paillettes de métal pur, grâce à un procédé chimique. Sainte-Claire Deville remplacera le potassium par du sodium et produira les premiers lingots d'aluminium. Ils seront montrés lors de l’Exposition Universelle de 1885. Ce sont aussi les travaux de Deville qui inspireront « De la Terre à la Lune » quand Jules Verne parle d’un obus creux suffisamment léger mais résistant, qui puisse être tiré directement par un canon braqué sur la Lune. De la science-fiction au décollage industriel, adviendra Charles Martin Hall. En 1886, dans le hangar de ses parents, il invente le procédé d’extraction de l’aluminium par électrolyse, c'est-à-dire le passage d’un courant dans une solution chimique. Il fondera ensuite ce qui deviendra l’entreprise Alcoa, l’un des trois géants du secteur, avec Rio Tinto et Rusal.



Made in Canada ? Mon œil. Le paquet devrait plutôt avoir marqué made in Guinea. J’y pense soudain à cause du coup d’Etat à Conakry la semaine dernière.



La Guinée recèle 30% des réserves mondiales en bauxite et presque 100% des réserves africaines. L’Australie et la Jamaïque arrivent loin derrière. Elle extrait le précieux minerai qui sert à fabriquer des milliards de canettes et les fuselages des avions et les frigidaires, les jolis scooters, l’atomixer, dans trois principaux sites, Sangaredi, Kindia et Fria, sous concession étrangère. Elle exporte donc la matière première qui est ensuite transformée et reçoit le label Made in Ukraine, Made in ailleurs.



Visite guidée de la carrière de Fria, mais avant, vous voyez où se trouve la Guinée ? Cela peut toujours servir pour le Trivial Poursuit. il y a trois Guinées : la Guinée ex-française qui a dit non au Général de Gaulle lors du référendum de l’Union Française en 1958. Elle entoure le Sierra Léone et le Libéria comme un escargot. Juste au-dessus, sur la côte, vous avez la Guinée-Bissau, ex-portugaise. Carrément un demi- continent plus bas, vous avez la Guinée Equatoriale, ex-espagnole, voisine du Cameroun et du Gabon. Donc confondre la Guinée Equatoriale avec la Guinée tout court c’est comme de mélanger l’Espagne et les Pays-Bas Espagnols. Et comme un bon dessin vaut mieux qu’une lourde description, voici une carte :


Fria et Kindia figurent sur la carte. Sangarédi est située dans le même coin. Maintenant, en route pour le pays de l’or rouge.






Merci de m’avoir accompagnée lors de cette sortie pédagogique que j’ai d’abord organisée à mon propre usage, quand effarée, j’ai réalisé mon indifférence affairée, le 23 décembre, entre l’atomixer, les préparatifs de la dinde et l’œuf cuit sous vide pendant 45 minutes, devant un coup d’Etat. J’ai mis une semaine à sortir de ma turpitude bedonnante et de me rappeler, grâce à ma madeleine de Deville que la Guinée fait la moitié de la France. Donc, je vous remercierais si vous restiez encore un peu.




Quand Sékou Touré, le père de la nation meurt en 1984, un général prend le pouvoir. Lansana Conté ne le lâchera plus pendant un quart de siècle. Il est mort mardi dernier. Si comme ma grand-mère il fallait coûte que coûte trouver quelque chose de positif à dire, ce serait que sa poigne d’aluminium trempé préserva son pays de la violence dans laquelle s’enfonçaient ses voisins, le Libéria et la Sierra Leone.




Voilà, maintenant que ma grand-mère a le dos tourné, Conté était un potentat corrompu mais calculateur qui comprit que pour garder le pouvoir et traire les étrangers, il fallait payer la piétaille armée et divertir les gradés.



Les contrats de concession des carrières de bauxite représentent 90% des rentrées d’argent. Ils ont été signés du temps de Sékou Touré, souvent en des termes défavorables. Mais au lieu de nationaliser, à l’irakienne et de mettre les vautours dehors, Conté a surfé sur le mécontentement de la population, maintenue dans une pauvreté d’ autant plus incroyable que le pays est riche de diamants, d’or, de terres arables et de bauxite. A la place, il a manipulé le ressentiment légitime, pour mieux plumer les multinationales qui ont régalé, tant que les trains pouvaient circuler. Roger-Gérard Schwarzenberg bien avant de devenir maire de Villeneuve-Saint-Georges avait écrit un traité de sociologie politique, qui m’avait beaucoup dérangée quand j’étais étudiante. Il décrivait le phénomène de la corruption dans les pays nouvellement indépendants. Non seulement la richesse de leur sous-sol ne leur permettait pas de sortir du sous-développement, mais elle représentait une sorte de « malédiction de Midas » (d’habitude, cette expression est plutôt réservée au cas des pays détenteurs de pétrole). De son côté, dans « Peau noire, masques blancs », paru dans les années 50, le sociologue Franz Fanon étudiait les ravages de la colonisation dans la psyché du colonisé. Sommes-nous condamnés à reproduire les schémas du passé ?



Il est trop tôt pour savoir si le coup d’Etat intervenu en Guinée est une ruse de la Raison pour faire avancer la démocratie. Une chose est sure, les multinationales ont fait des investissements faramineux. Rio Tinto par exemple avait un sérieux litige avec le gouvernement en place au sujet d’une concession à Simandou, à l’Est du pays dans laquelle il devait investir 6 milliards de dollars ; le montant du prêt d’urgence accordé aujourd’hui à GMAC après qu’ils aient finalement réussi leur opération de transmutation de la dette en actions et qu’ils puissent donc devenir une holding financière et recevoir l’argent du TARP. Le prix de l’aluminium a été divisé par deux depuis août. Le nouveau régime travaillera-t-il pour sa population ou business as usual, marionnette et marionnettiste, continuera-t-il à puiser dans son capital minier comme dans un distributeur de billets que la Suisse lave plus blancs et que Dubaï vous prend de la main ? Meilleurs vœux aux Guinéens de tous les pays !



Gabrielle Durana
Chroniques du tsunami financier-all rights reserved.



Bijou en Aluminium (19eme siecle)



Alumine





lundi 29 décembre 2008

Chronique # 53 : la treve des confiseurs

Erratum et précision :

Dans la 50eme chronique, sur Madoff, Marlène une lectrice tradeuse me signale que mon illustration du « trading desk » relève de Star Wars plus que d’une salle de trading. Elle m’écrit : « Rassure moi ce trading desk n'existe pas vraiment ou alors il est partagé par plusieurs personnes....avant j'avais 6 screens de taille 22 pouces et c'était déjà beaucoup. Même les pros ne suivent que quelques marchés à la fois max ...qui est ce surhomme?!! »
Dans la même chronique : j’avais écrit « il appert que Bernie Madoff avait créé sa firme de courtage ». Le verbe apparoir existe. Il est utilisé dans sa forme archaïque par les juristes pour avancer des faits qui ne sont pas établis mais seulement allégués.

Lundi 29 décembre 2008

Quand j’ai vu que l’enveloppe contenait un bon de réduction de 1000 dollars, enrubanné dans une fleur rouge, j’ai regardé à nouveau. Notre code postal nous avait valu des lettres de John McCain et de Sarah Palin nous demandant des sous pour éviter que Barack Obama ne capitule en Irak. « A gift for you & a $500 gift for a cause » (=un cadeau pour vous et un don de 500$ pour une bonne cause). Si les soldes commençaient avant Noël et que Cartier s’y mettait aussi...Cela m’a rappelé quand les télémarkéteurs essayaient de nous vendre des cuisines Vogica de deux fois la taille de notre chambre de bonne, rue des Pyramides.

J’ouvre l’enveloppe suivante. Pas d’erreur, c’est bien mon nom. Au 1er janvier 2009, mon assurance santé chez Kaiser Permanente passe de 132$ à 166$ par mois. « 25% d’augmentation » me dit mon compagnon qui a toujours une calculatrice allumée dans le cerveau gauche. Kaiser Permanente c’est de la médecine à but non lucratif... Plus que 27 jours pour Barack Obama.
La veille du réveillon de Noël, la question sur la Chaine de Bill (Gates) est de savoir comment Bush pourra ne pas laisser tomber les Trois Grosses, ce qui écornerait sérieusement le futur de son souvenir, tout en ne prêtant pas le flanc aux critiques de son parti, qui joue à « plus conservateur que moi, tu meurs ».
La réponse tombe le soir même sur la Chaine du Maire (Bloomberg). Les Deux Grosses (Ford a déclaré qu’il ne voulait pas d’argent) ont signé un accord avec le Trésor par lequel elles s’engagent à présenter un autre texte d’ici au 17 février 2009. Ce Plan de Restructuration devra assurer « la viabilité à long terme, la compétitivité internationale et l’efficacité énergétique » (‘long-term viabiliality, international competitiveness and energy efficiency’). Et comme le TARP c’est pour la plomberie et non pour l’électricité, le bras financier de General Motors qui était un organisme de prêt industriel (an industrial loan company) va demander la permission à la Fed de se transformer en holding financière (bank holding company), comme Merrill Lynch, Goldman Sachs, Morgan Stanley, American Express et Discover.

Juste pour être sûr que vous comprenez. Imaginez que Sarkozy ait dit que pour aider Renault et PSA, elles devaient se transformer en banques comme la BNP et la Société Générale. N’imaginez pas tant des guichetiers avec des bonbons dans une coupole et des distributeurs dans le mur, il s’agit plutôt de permettre à GM et à Chrysler d’accéder à toutes les facilités de financement auprès de la banque centrale : financement d’urgence à la « discount window », prêts à court terme contre dépôts d’actifs en garantie etc. GMAC fournit 70 à 80% de leur financement aux concessionnaires de General Motors pour l’achat des voitures et des camions. Sans lui, qui peut acheter un véhicule au comptant ?

Si vous avez suivi, vous vous dîtes, il y a un truc. Trois jours plus tôt, Bush exigeait des concessions de la part de la United Auto Workers. Ont-ils cédé trois jours plus tard, là où ils juraient qu’ils préféraient la mort par écartèlement ? Rassurez-vous, les analystes sur Wall Street TV le lendemain hurlaient bien à la gabegie. Bush avait accordé l’argent sans obtenir aucune garantie sérieuse, ni de la part des PDG ni de la part des syndicats.

Petite leçon de grammaire. En anglais, vous avez plusieurs auxiliaires de mode pour indiquer l’obligation. Must vous contraint ; have to, quoi qu’un peu moins fort vous oblige aussi. Avec ought to, on entre dans l’obligation morale, sans sanction extérieure. Quant à shall, il contient une idée de futur et exprime une intention.

Sous la tête de chapitre « Restructuring targets » (=objectifs de la restructuration) de l’accord, on lit que les entreprises et leurs succursales devront s’efforcer (shall use their best efforts) de « baisser les rémunérations, y compris les salaires et la protection sociale, versées à leurs salariés sur le territoire américain de manière à ce qu’au plus tard le 31 décembre 2009, elles atteignent une moyenne comparable et vérifíée par le Ministre du Travail, des tarifs pratiqués par Nissan, Toyota et Honda sur leurs sites américains ».

Evidemment tout est dans le shall, qui institue une obligation de moyens et non une obligation de résultats. Et comme la ministre du Travail de Barack Obama sera Hilda Solis, une syndicaliste de 51 ans, fille d’immigrés mexicain et nicaraguayen, on comprend mieux que l’UAW ait signé des deux mains.

Comme disait Harvey Milk, la politique c’est du théâtre. On dit non, non, non, ce qui pour un psychanalyste fait deux « non » de trop. On cancane, on nasille, on marmotte avec les Républicains et quand l’heure de la migration approche, on siffle. Les canards sortent de la mare. Avec beaucoup plus d'entrain, et sans coin-coin, on débloque les 4 milliards d’urgence (13,4 milliards en tout) et on part retrouver Laura qui finit les cartons à Camp David.

Selon la State Secretary, Condolezza Rice, les Américains se mettront bientôt à remercier Bush.

Tableau suivant, Ben Bernanke déclare qu’ « à la lumière des circonstances inhabituelles et exigeantes qui frappent les marchés financiers et compte tenu de tous les autres faits et circonstances, le Conseil des Gouverneurs [de la Fed] a décidé de transformer [le bras financier de General Motors] en banque sans plus tarder »[i]. Et sur ordre du Conseil des Gouverneurs, moi, Jennifer J Johnson, secrétaire du Conseil, je rends la décision effective au 24 décembre 2008.
Le lendemain de Noël les problèmes n’étaient pas partis. 38 milliards d’obligations arrivaient à échéance le vendredi 26, à minuit heure de New York. De plus pour devenir une holding financière, encore faut-il que vous puissiez rassembler les apports, 30 milliards pour démarrer. GMAC espérait réunir les fonds grâce à une opération assez compliquée d’échange de dettes contre des actions (debt-for-equity exchange ; en anglais « equity » veut dire « capital »).
Nous sommes lundi soir et nous ne savons toujours pas si GMAC a réussi à convaincre ses créanciers de faire le pari de la résurrection. A en juger par le coût des CDS (Credit Default Swaps) en cas de défaillance de GM, le pessimisme était plus fort que les montagnes. Certes mercredi dernier, avant l’accord de Bush et de la Fed, il vous en coûtait pour assurer 10 millions de dette GM sur 5 ans, 4,3 millions de frais initiaux et 500.000 dollars par an et vendredi, le prix de la police d’assurance était retombé à 2,55 millions de frais et toujours 500.000 $ de primes annuelles. Mais aujourd’hui, l’action GM clôturait à 3.60$. En outre, on apprenait une heure et quart avant la fin de la séance que le milliardaire Kerkorian avait vendu toutes ses actions Ford, soit 6,1% du capital. [Chrysler n’est pas côté en bourse.]

Cours de l’action Ford du 22 au 29 décembre 2008

Que penser de tout ceci ? Que les autorités politiques et monétaires sont prêtes à faire à peu prêt n’importe quoi pour éviter un autre astéroïde. On vient à peine de stabiliser le système financier. Il ne faut pas désespérer Wall Street. Que sauf dans la religion et les contes de fées, on ne peut ressusciter quelqu’un qui est déjà mort. Il faut donc espérer que GMAC a réussi à rassembler les 30 milliards pour former sa banque ; sinon c’est direct le redressement judiciaire.
Par ailleurs, tout le monde est conscient que recapitaliser une, deux ou trois grosses ne les transformera pas en Apple de l’automobile ; de même qu’avec suffisamment de milliards, on n’aurait pas transformé la région lilloise en un deuxième plateau de Saclay. Certes il y avait de l’argent dans la Silicon Valley, mais si c’était l’élément suffisant, le Lichtenstein ou la Suisse auraient inventé Internet.

L’innovation est toujours liée à un terreau fertile, la Silicon Valley aujourd’hui, avec à son cœur Stanford, ou le Ministère de la Défense américain (Department of Defense) au temps de la Guerre Froide. L’innovation est aussi liée à des personnalités, Vinod Koshla pour Sun Microsystem (ce Sun-là vient de Stanford University Network) ou Steve Jobs pour Apple ou Pixar (Pixar est maintenant contrôlé par Disney) ou Larry Page et Sergey Brin pour Google.
Au pied de la Silicon Valley, une entreprise comme Tesla (du nom de Nikola Tesla (1856-1943), un scientifique serbe qui inventa le téléphone avant Edison, le moteur à induction et les rayons X) commercialise déjà des voitures électriques en série. Son PDG, Elon Musk a 37 ans. Il est l’un des fondateurs de PayPal, qu’Ebay a acheté en 2002 pour 1,5 milliards de $. En cinq ans d’existence, l’entreprise a développé deux modèles. Le premier est une voiture de luxe, un cabriolet décapotable (roadster). Il coûte 109.000$ et est fabriqué en Angleterre. Pour la fabrication du modèle S, vendu 60.000$ -pas vraiment donné mais pas complètement faramineux-, une usine devait être construite à San José, la capitale de 1millions d’habitants de la Silicon Valley. Le PDG avait fait le tour des investisseurs et levé 100 millions de $. L’usine ne payerait pas de loyer les dix premières années puis verserait 1,5 million de dollars pendant les dix années suivantes, puis le loyer devenait ajustable au prix du marché. La production devait démarrer en 2010. Elle allait créer 1000 emplois. Pour devenir réalité, le PDG devait encore trouver 150 millions supplémentaires.
Arriva la faillite de Lehman Brothers.
Le carnet de commande du cabriolet est plein avec plus de 1100 voitures en attente ; et Tesla n’a besoin d’en vendre que 1000 pour rentrer dans ses frais. Il est donc cornélien de voir que d’ un côté on injecte 14 milliards de dollars au Michigan alors que l’usine Tesla de San José reste dans le tiroir.
Pourtant cette vision est simpliste. D’abord, l’usine ne se concrétise pas à cause du credit crunch, et non parce que l’Etat-c’est-Hank a enlevé le TARP de la bouche de Tesla. Ensuite, Ford fabrique des bus et General Motors des camions. Ce n’est pas très sexy mais cela aide bien pour les transports en commun. En outre, une entreprise comme Tesla ferait vivre 2200 familles (les deux usines, plus les centres de recherche et le personnel administratif). Des Trois Grosses dépendent 2,5 à 3 millions de personnes. Enfin, tout le monde ne peut pas s’offrir une voiture qui lui coûterait deux ans de salaire (salaire médian américain en 2006 : 32.000$). Conduire la même voiture que Leonardo DiCaprio, George Clooney ou Gavin Newsom, le maire de San Francisco vous donnera des frissons mais ne révolutionnera pas tout un secteur économique. Cela s’appelle une niche, comme les supermarchés bio ou les montres Rolex. Vraiment cette histoire est peu ragoutante. En guise d’avenir qui s’invente, votre rêve est plein de cambouis et il ne rêve pas.
Demain, je vous raconte pourquoi si vous faites du poisson en papillotes, vous devriez prêter plus attention aux coups d’Etat.
Gabrielle Durana
Chroniques du tsunami financier, all rights reserved

Le gouverneur de la Californie visite le site de Tesla à San Carlos. Il est lui aussi sur la liste d’attente.

[i] “In light of the unusual and exigent circumstances affecting the financial markets, and all other facts and circumstances, the Board has determined that emergency conditions exist that justify expeditious actions on this proposal […]”

mardi 23 décembre 2008

Chronique # 52: mon utopie ne connait pas les tsunamis

Dubai Silicon Oasis (Brian McMarrow)

22 décembre 2008


La Suisse du désert, le Miami de l’Iran, le Singapour du Golfe Persique, le Las Vegas du Moyen-Orient, Dubaï dont le nom rime avec Shanghaï et Mumbaï est devenue en deux décennies un centre d’affaires et de tourisme mondial.

Son gigantisme immobilier, symbolisé par l’hôtel sept étoiles en forme de voile, le Burj Al Arab (la tour des Arabes), ses centres commerciaux pharaoniques et ses archipels d’îles artificielles, Le Palmier et l’île Monde, son absence décomplexée de prétention culturelle, à la différence de sa voisine Abu Dhabi qui essaye d’ attirer des bébés du Louvre et du Guggenheim, son ambition technologique, avec son Village de la Connaissance, sa Media City, avec un bureau d’Al Jazzera la plus importante chaine privée de langue arabe, son Internet City, où il n’ y a pas de censure, et sa Silicon Oasis laissent le voyageur incrédule : mirage ou réalité ? Les deux mon capitaine.

Mille milliards de mille sabords de tonnerre de Brest, Cheikh Mohammed !

Dubaï Société Anonyme (Incorporated, comme on dit en anglais) ne s’excuse pas d’exister, ni de pas d’accorder de droits politiques ou sociaux à ses habitants, à 85% étrangers, de l’expatrié de Sa Majesté à la prostituée venue du froid et à l’immigré du Bangladesh. Ils sont venus gagner de l’argent et non démarrer un syndicat et peuvent donc être expulsés at will, c’est à dire sans motif, comme dans une entreprise anglo-saxonne.

Dubaï ne semble pas non plus particulièrement soucieuse de lutter contre le réchauffement climatique, il y fait pourtant 50 degrés Celsius l’été. Les incongruités paysagères rappellent et surpassent Las Vegas : les piscines réfrigérées, les pistes de ski sous cloche, les terrains de golf verts fluorescents sont une vérité qui ne dérange personne. Certes, l’eau des sprinklers « sent », mais on prend vite l’habitude de faire rentrer les enfants. Quant aux détritus, il y a des éboueurs qui font la queue pendant des heures pour nous en débarrasser.

(A son corps défendant, le voisin, Abu Dhabi a débloqué 15 milliards de dollars en janvier 2008 pour construire Masdar (la source en Arabe), une ville sans émissions de carbone, ni déchets, dont l’émir veut faire la « Silicon Valley des énergies renouvelables ». Pour ce prix-là, j’en prends cinq).

Ce que Cheick Mohammed el Maktoum, l’émir de Dubaï ne pouvait pas prévoir quand il s’ est lancé dans sa politique de travaux mégalomaniaque est qu’en cette fin 2008, le pétrole coterait 35 dollars du baril, ni que des milliers de petites apocalypses dans le Nevada, l’ Arizona, la Californie du Sud aient pu provoquer la chute dans la mer de grands pans de Manhattan, de Londres, de Tokyo, de Mumbaï, de Shanghaï, et qu’au lieu de mourir, l’onde se propage jusqu’ au Golfe d’Oman et au Chatt-el-Arab.


L’indice Tadawul d’ Arabie Saoudite a perdu 57,1% par rapport à décembre 2007, le Dubaï Financial Market encaisse un sévère repli aussi, à -65,16%. Sa capitalisation représente 121% du chiffre de 2005 contre 55% pour Oman. Mais le Quatar résiste mieux avec 238%, 180% pour le Koweit, 136% pour Bahrain, et 140% pour les Etats-Unis et la Grande-Bretagne.

Les actions d’Emaar, l’entrepreneur en BTP (developper) du front de mer, la Marina ont perdu 79% de leur valeur sur 52 semaines. Dans certains quartiers de Dubaï, le prix de l’immobilier a baissé de 49%, même si la moyenne n’est que de 4% dans les Emirats. Mais pour la première fois, les prix n’augmentent plus. Une note d’analyse de Morgan Stanley cet été annonçait, avant même la faillite de Lehman Brothers une baisse des prix de l’immobilier de 10% d’ici 2010.


Burj Al Arab, l’hotel 7 étoiles
Aujourd’hui à Dubaï, les seuls projets maintenus sont ceux qui avaient déjà obtenu un financement par un fonds souverain. Comme cet hôtel sous la mer, en construction ; il appellera l’Hydropolis et devrait ouvrir en 2010. Tout le reste est placé en stand by ou replatré à la baisse. Abd-al-Rahman Al-Rashed, le directeur général de la chaine saoudienne Al-Arabiya disait récemment : « don’t build it, because nobody can’t afford to come » (=arrêtez de construire, personne n’a les moyens de venir).

Programmée depuis un an, l’ouverture de l’hôtel Atlantis, un nom prédestiné par ces temps de tsunami, a eu lieu le 20 novembre dernier. 4000 homards pour 2000 invités, 5000 bouteilles de champagne Veuve Clicquot, 1000 serveurs, 500 sous-chefs, 4 chefs, le spectacle de sons et lumière surpassait celui lancé en août lors de l’ouverture des Jeux Olympiques de Beijing. Les 1589 chambres coûteront entre 800 et 25.000 dollars la nuit.

Combien de temps un éléphant Coué peut-il flotter dans le désert ?

Avant de devenir cette réincarnation de Babylone, Dubaï était un village de pêcheurs sur lequel le premier bâtiment en béton avait été érigé en 1956. Sans pétrole ou presque, il n’avait pour lui que d’être le seul port naturel en eaux profondes sur 650 kilomètres, la « Cote des Pirates ». Lorsque les Britanniques se retirèrent en 1968, le Cheikh offrit un pacte à celui d’Abu Dhabi qui, lui, possédait un douzième des réserves mondiales prouvées d’hydrocarbures. En 1971, les Emirats Arabes Unis étaient nés. Quand la taille du port ne permit plus d’écouler le volume croissant des exportations de pétrole, Abu Dhabi dépensa une partie de ses bénéfices liés au premier choc pétrolier pour moderniser les infrastructures portuaires de Dubaï.

Après la Révolution islamiste de Khomeiny en Iran, en 1979, Dubaï accueillit les réfugiés iraniens. Sa situation géographique la transforma en Miami du Golfe Persique et dans la plaque tournante du marché noir ; une sorte d’enclave binationale façon Hong-Kong.

Dans les années 80, à en croire le Wall Street Journal (daté du 2 mars 2006), Dubaï hébergeait toutes les convergences financières, politiques et commerciales louches avec une spécialité pour la protection des criminels en fuite et le blanchiment d’argent ; bref, rien que de très habituel dans un paradis fiscal. Mais quelque part au milieu des années 90, le père du Cheick actuel eut envie de changer de paradigme. Las Vegas avait entrepris de gommer son aspect Pigalle et de devenir une destination grand public (a family vacation) ; ce fut l’arrivée des répliques de la Tour Eiffel, de la Pyramide de Gisey, des canaux de Venise, des spectacles du Cirque du Soleil et des restaurants d’Alain Ducasse et des autres jet-chefs.

Le Cheikh avait tiré toutes les leçons du livre « Learning from Las Vegas » de Robert Venturi, prix Pritzker 1991. « Build it and they will come » (=bâtissez la ville et vous les ferez venir) telle avait été la philosophie des fondateurs de Las Vegas. Et il faut être arrivé, comme mon amie Bénédicte et son mari suédois en voiture, le long de cette autoroute de 600 kilomètres qui coupe le désert pour sentir la foi du charbonnier ou plutôt celle des braconniers qui voulaient instituer une ville où l’alcool, la prostitution et le jeu seraient légaux.

L’idée de bâtir une cité idéale ex nihilo est aussi vieille que la civilisation étrusque ou la République de Platon. Une très belle exposition à la Bibliothèque François Mitterrand en mai 2000 invitait à un parcours à travers les siècles du concept d’utopie.


Première édition de l’Utopie de Thomas More.
De Thomas More, on sautait à la Cité du Soleil de Campanella au XVIIème siècle.


Qui n’est pas sans rappeler la ville de rêves made in Dubaï.


Palm Island vue du ciel

L’exposition présentait de l’accomplissement utopique la face radieuse et la face sombre. Mais les exemples étaient tous situés dans le passé. Avec Dubaï, on est confronté à un cas d’utopie contemporaine, où des architectes imaginent des édifices qui incarnent des valeurs avant de répondre à des besoins. Evidemment, ce qui choque c’est que peut-être à l’exception des dérives d’Albert Speer, nous ne sommes pas habitués à des utopies …de droite.

Dans un livre paru en 2007, l’ancien ministre du Travail de Bill Clinton, Robert Reich analyse l’affaiblissement du pouvoir politique aux Etats-Unis et la montée en puissance des figures du consommateur et de l’actionnaire. Il appelle cette transformation de la démocratie et de l’économie de marché le « supercapitalisme ».

Paraphrasant le titre d’un ouvrage de Lénine (L’impérialisme, stade suprême du capitalisme), Mike Davis[i] parle de « stade Dubaï du capitalisme »[ii].

De mon côté, j'appellerai Dubai un exemple d'« hypercapitalisme ».

Vous prenez tous les éléments du rêve néolibéral : la privatisation de l’espace public avec les gated communities (des morceaux de villes privés), l’abolition des conflits de classe, -ici tout le monde est venu librement dans le poulailler libre pour maximiser son utilité-, et son corollaire la liberté contractuelle –pas de salaire minimum, pas de coalition de syndicats-, les zones libres d’impôt vous permettent de conserver votre gain au lieu d’aller le gaspiller à des dépenses collectives inutiles, la liberté de circulation des capitaux est totale, le despote éclairé un moindre mal. La communion générale dans les centres commerciaux (les malls) et la fête nationale-non officielle-le 12 janvier avec l’ouverture du Shopping Festival, parrainé par 25 centres commerciaux et qui dure un mois sont les façons modernes d’appartenir ; comme le Festival d’ Avignon ou le Carnaval de Rio. Vous enveloppez l’armée de bonnes et de maçons dans la cape d’invisibilité d’Harry Potter. Vous versez le tout dans une poêle préalablement chauffée et vous réduisez jusqu’à obtenir la savoureuse demi-glace de Dubaï.


Vous me direz que les immigrés sont exploités en Europe. Le passage dans le film autrichien « We feed the world » (2005) de Erwin Wagenhofer sur l’aberration de l’agrobusiness contemporain part d’une scène de planteurs marocains de tomates dans le Sud de l’Espagne, où vous ne savez plus très bien qui est le plus à plaindre si la tomate qui pousse sur une sorte de polystyrène ou le travailleur qui dort dans son dortoir infect. Dans l’univers Dubaï, la ville est bâtie et entretenue par des gens qui travaillent 6 jours et demi sur sept à rembourser leur dette au passeur et qui probablement ne veulent pas rentrer au pays les mains vides. Mais faut-il transposer la scène à Los Angeles en 2019 et appeler les servants des humanoïdes pour recueillir un peu de révolte des humains et qu’ils commencent à boycotter la place, comme l’Afrique du Sud de l’Apatheid ?


« We need slaves to build monuments » (=nous avons besoin d’esclaves pour bâtir des monuments), résume en désapprouvant un journaliste du Guardian. Croyez-vous que les maçons de Versailles avaient des congés payés? Alors ne venez pas nous donner des leçons de morale.


C’est bien pour ça que nous avons eu la Révolution Française.


Le comble de l’hypocrisie, pardon de la casuistique est atteint quand on nous dit que grâce à la finance islamique (46,5 milliards de dollars, 13,5% du volume de la place, d’après le magazine Forbes), les banques de Dubaï ont été moins touchées par la crise des subprimes. « L’Islam autorise le commerce mais interdit le prêt à intérêt (riba) » dit la deuxième sourate du Coran. Qu’à cela ne tienne, comme aux temps de la chrétienneté médiévale, on émet des obligations (les sukuk) qui respectent la lettre. Et le shamal emporte l’esprit vers Allah le miséricordieux.


Depuis avril dernier, des accusations de corruption planent sur la Dubaï Islamic Bank, une institution très islamique, comme le nom l’indique. Elles impliquent des entrepreneurs en BTP et des courtiers en prêts immobiliers. Parmi les personnes interrogées lors de l’enquête, on compte un ministre et deux ressortissants britanniques. Le Cheikh a annoncé publiquement que les « profits illégaux » ne seraient pas tolérés, nonobstant l’Habeas Corpus.


Pour l’instant le tsunami a révélé les vulnérabilités de Dubaï sans vraiment mettre en danger le modèle de développement. Certes la croissance pour l’année prochaine est plus que coupée de moitié, passant de 6,8% à 2,7% en 2009 ; le rythme le plus faible depuis 2001. Il est vrai également que la dette des entreprises privées atteint 89% du PIB. De plus, les revenus du pétrole des EAU, après avoir augmenté de 42.2 % en 2008 vont être réduits de 38.8 % en 2009 (376.3 milliards de $).


En fait, habituee a ne pas vivre du petrole, Dubaï peut équilibrer son budget avec un baril à 35 $ ; le problème est ailleurs. Qui viendra acheter ces sacs Gucci à 3500$ dans les malls pharaoniques en réservant la suite à 25.000$ de l’Atlantis pour toute la durée du Festival du Shopping? Dubaï se retrouve dans une situation analogue à la Chine vis-à-vis de ses principaux clients américains et européens. Le découplage, cette théorie économique qui avançait que les différentes zones économiques n’étaient plus interdépendantes est un mirage. Joker ! Le pouvoir contrôle la terre et tient les entrepreneurs en BTP dans sa main, grâce à un mélange de clanisme et de bons procédés, Dubaï a peut-être fini de croître comme le bœuf mais elle ne finira pas comme l’Islande.


Et le travailleur bengali continuera de jouer au cricket dans son compound en priant qu’il ne perde pas son emploi.

Gabrielle Durana
Chroniques du tsunami financier, all rights reserved

[i] Mike Davis s’est rendu célèbre aux Etats-Unis grâce à une histoire sociopolitique très intéressante, même quand vous n’ y mettrez jamais les pieds de la ville de Los Angeles (City of Quartz, 1992).

[ii] Dans un ouvrage collectif, publié aussi en 2007 (Paradis infernaux : les villes hallucinées du néo-capitalisme-passez outre le titre, le contenu est réellement appréciable.




The Els Club, Dubaï

Un joueur de cricket joue, la ou il y a de la place.






samedi 20 décembre 2008

Chronique # 51: le Madoff des Baskerville


19 décembre 2008

Au 885 de la 3ème avenue, dans la clameur des taxis jaunes, monte au ciel un building en granite rouge, le Lipstick (=le rouge à lèvres). Depuis le 17ème étage, Bernie Madoff, ancien président (chairman) du NASDAQ (National Association of Securities Dealers Automated Quotations), l’un des cinq fondateurs, en 1971 de cette bourse entièrement automatisée des valeurs technologiques gérait un fonds de 17 milliards de $. Le fonds de Madoff n’était pas organisé comme un hedge fund mais opérait comme un hedge fund, peut-être le plus gros HF au monde, car il recevait des fonds d’autres fonds (fund of funds).

Bernie Madoff a été arrêté le 11 décembre pour escroquerie boursière (securities fraud) et remis en liberté sous caution (le juge a exigé 10 millions mais comme on n’en paye que 10%, il avait ça dans la poche de son veston) avec port d’un bracelet électronique.

Les détails du scandale commencent à être connus. Il appert que Bernie Madoff qui avait créé sa firme de courtage « Bernard L. Madoff Investment Securities LLC » en 1960 utilisait les fonds qu’il recevait de la main gauche pour payer les intérêts aux investisseurs de sa main droite ; ce qui en droit pénal français s’appelle une « chaîne d’argent » et en anglais a Ponzi Scheme, du nom d’un escroc célèbre. Interdit depuis 1953, ce type d’escroquerie est aussi connu sous le nom de cavalerie parce qu’il faut chevaucher de plus en plus vite et ramener de nouveaux membres pour garder les apparences luisantes et éviter que le système s’écroule.

Quand a-t-il commencé à ne plus investir pour de vrai et juste à utiliser le tourniquet ? Probablement lorsque les pertes sur les marchés n’ont pas permis de générer les 12 à 17% d’intérêts annuels promis sur la brochure en papier glacé.

Pourquoi un homme qui avait tout pour lui, la réussite matérielle, la reconnaissance sociale, l’estime de son concierge s’est-il lancé dans la fuite en avant ? Les Américains ont le mot sociopath ; c’est le contraire de l’histoire de Cocteau. La personne est si monstrueuse à l’intérieur et si belle à l’extérieur.

Mais tout de même, comment quelqu’un peut-il poursuivre pendant si longtemps, au moins dix ans, une arnaque estimée du propre aveu de Bernie Madoff aux agents du FBI à 50 milliards de dollars?
Il y a deux manières de répondre. Les Américains ont un autre mot. Dans l’expression “con artist” (to con someone=flouer quelqu’un), on entend la reconnaissance du génie, précoce (Picasso) ou tardif (Cézanne). Ici, au fond, l’explication repose sur la nature humaine. Il existera toujours des Arsène Lupin parce qu’une partie de l’humanité est naïve et que l’immense majorité est cupide. Jésus n’avait-il pas été crucifié avec des voleurs ?
L’autre est de regarder le contexte ; non pour excuser mais pour comprendre. Freud avait parlé de l’hystérie comme d’une « maladie culturelle » dans sa Vienne fin de siècle. Aujourd’hui, l’anorexie est souvent considérée comme secrétée par nos sociétés de l’extrême-moi et de l’image. Si je peux continuer l’exercice illégal du vocabulaire de la médecine, les CDO (Collateralized Debt Obligations) et les CDS (Credit Default Swaps) apparaissent dans un certain milieu épidémiologique. L’arnaque Madoff est la maladie nosocomiale, opportuniste, de cette finance non-régulée et en manque, comme un toxicomane, d’une dose toujours plus forte de profit.


Ce n’est pas tant que chaque financier est un Madoff qui dort ou qui s’ignore. Et dire que 8 Kerviels égalent un Madoff confond tout. Le jeune trader dont les positions (bids) à rebours, sur le marché des produits dérivés ont causé en janvier 2008 une perte de près 4,9 milliards d’euros à la Société Générale est un petit ramoneur qui voulait devenir roi. Lui aussi avait respiré l’air qui rend fou : le « toujours plus », comme disait François de Closets « et à n’importe quel prix », ou comme les Américains, depuis le film « Wall Street » (1987) d’Oliver Stone, un fils d’agent de change, justement : « Greed is good » (=la rapacité a du bon), ou « more is more » (=plus, c’est mieux).

Mais il faut distinguer l’erreur, la faute et l’intention de nuire.

On marche sur de la glace très très fine. L’erreur, cela aurait été si Jérôme Kerviel n’avait pas outrepassé ses fonctions mais que les tendances contredisent ses positions avec des conséquences catastrophiques. La faute, c’est semble-t-il ce qu’il a commis. Il a maquillé les contreseings ou hacké les systèmes de garde-fous et a misé des sommes folles pour faire gagner sa banque et récolter le respect et la reconnaissance que le système aristocratique des diplômes français ne lui aurait jamais permis d’atteindre. L’intention de nuire, c’est quand Madoff prend l’argent de la fondation Elie Wiesel et achète avec, des diamants à femme. Que la jalousie ne nous aveugle pas, ceci n’est pas une différence de degré, il y a bien une différence de nature.


Christopher Cox, le chef des gendarmes de la Bourse américaine, la Security Exchange Commission avouait son trouble le 17 décembre. « La Commission a appris que des accusations crédibles et détaillées concernant les agissements criminels de M. Madoff, remontant au moins à 1999 avaient été avancées à plusieurs reprises devant des membres de la SEC et que la Commission n’a jamais agi en conséquence. »[i]

Le lendemain, il était limogé par Barack Obama, qui annonçait le nom de sa remplaçante, Mme Mary Schapiro, la fondatrice de la FINRA (Financial Industry Regulation Authority), l’ordre professionnel des agents de change.

Comment se fait-il que Madoff ait pu dévorer 10, 20, 50 milliards et que la SEC n’ait rien vu ? Mais parce que mon cher inspecteur Grégory, ces chiens-là n’aboient pas.


Le fonds de Madoff n’était pas organisé comme un fonds spéculatif mais opérait comme un fond spéculatif. C’est seulement dans le contexte de l’absence de régulation qu’un montage financier frauduleux de la taille de l’affaire Madoff devient possible. Comme l’écrira M. Markopolos dont nous reparlerons dans une minute, si Ponzi s’était mis à imprimer des billets à ordre qui disaient “je vais doubler votre argent sous 90 jours”, il aurait été arrêté beaucoup plus tôt. « La clef du succès d’une chaine d’argent est de promettre de juteux bénéfices mais de le faire sur un terrain non régulé du marché des capitaux[ii]».


C’est aussi probablement dans le contexte du tsunami financier, où des milliers de personnes ont toutes commencé à retirer leurs fonds des hedge funds en même temps, soit par peur soit par nécessité pour éponger d’autres pertes, qu’éclate au grand jour l’escroquerie. Le montant des rédemptions explose. La main droite n’arrive plus à attirer de nouveaux investisseurs. C’est l’effet de ciseaux.

Je me propose de vous expliquer comment quelqu’un qui ne travaillait pas pour Madoff et qui n’avait pas d’informateur (whistleblower, littéralement souffleur de sifflet) est arrivé à la conclusion que le compte Madoff n’était pas bon.


Mais avant un peu de plomberie.

Quand vous achetez une action qui ira dans votre PEA (plan d’épargne en actions) ou votre portefeuille d’actions -brokerage account-, vous passez un ordre à votre banque qui le transmet à un agent de change (stockbroker). C’est la même chose pour un hedge fund sauf que le volume est des millions de fois plus importants.



Tous les petits ruisseaux des ordres ne vont pas directement se jeter dans le marché. Ils convergent vers des affluents. En échange de garantir la liquidité –le débit du fleuve-, les affluents se rémunèrent grâce à la petite différence entre le prix que vous êtes prêt à payer (bid) et le prix de vente sur le marché (offer). Ces affluents sont appelés « market makers » sur le NASDAQ et sur les marchés de gré à gré (Over the Counter). Sur le New York Stock Exchange, le système est un peu différent. Au lieu d’être en concurrence, il y a un « market maker » officiel pour chaque titre. En échange de sa situation de monopole, ce « teneur de marché » (specialist) garantit la liquidité de ce titre sur le parquet. On compte deux mille market makers aux Etats-Unis.

Bernie Madoff était un market maker. Puis vint l’idée légale et géniale de payer pour acheminer les petits ruisseaux via ses canaux à lui, ce qui dans le langage de la bourse est appelé « paying for order flow ». Madoff justifiait la chose de la manière suivante : « si votre petite amie va au supermarché pour acheter des bas, les rayonnages sont généralement payés par le fabriquant de collants ». De plus, il arguait que le prix payé par le client restait inchangé. En revanche, l’intermédiaire qui choisissait un affluent plutôt qu’un autre recevait une ristourne ; que les méchantes langues taxent de pot-de-vin (kickback).
Grâce à son stratagème, Madoff devint le plus gros market maker de Wall Street, transportant 15% des transactions du NYSE.
De même que Google est le miroir des questions que se posent les internautes, les market markers peuvent regarder ce que demandent et rejettent des millions de clients. De plus, ils ont le droit, ce sont les seuls, de faire du naked short selling. Le short selling, vous vous en souvenez, c’est quand j’emprunte une action dont je pense que le cours va baisser, je la vends et quelques jours plus tard quand il faut que je la rende, je la rachète. Mais entre temps son cours a baissé ; j’empoche la différence moins le coût de la location de l’action. Le naked short selling ou vente à découvert c’est quand je vends l’action sans l’avoir empruntée. Les market makers ont 5 jours pour solder l’opération, c’est à dire localiser le titre qu’ils ont déjà vendu. C’est bien pratique quand vous êtes le canal qui transporte tout.
En sus, Bernie Madoff avait une deuxième affaire, la Bernard L. Madoff Investment Securities LLC, où il proposait à des gestionnaires de hedge funds de gérer l’argent à leur place. Il exigeait la discrétion et promettait en retour des profits de 12 à 17%. Il agissait donc comme leur agent.

Sur le papier épais des brochures, la stratégie exposée aux gestionnaires de fonds et aux quelques « friends of the family » (les amis qui sont comme ma famille) était plus tranquillisante que votre poids en Prozac : “The hedge fund’s objective is long term growth on a consistent basis with low volatility » (= le but de ce fonds est une croissance de long terme, sur une base cohérente et avec une volatilité faible).
Puis quand il fallait justifier comment il allait générer 12% de profits qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il enronne ou qu’il fasse beau, il exposait sa stratégie top secrète mais qu’il vous explique quand même pour que vous compreniez.
La « split-strike conversion » est une stratégie assez compliquée mais qui ressemble à quelqu’un qui achèterait suffisamment de billets de loterie pour que quels que soient les résultats, il ait couvert ses chances de gagner.
Un exemple pour que, comme M et Mme Crédule, vous compreniez.
Je suis Bernie Madoff et je suis un as de la finance, plus fort que Warren Buffet et George Soros réunis. Que puis-je pour vous servir ?
Ma stratégie top secrète : sur l’indice S&P 100, je choisis 30 à 35 titres de grandes entreprises qui suivent les tendances générales du marché, par exemple American Express, Boieng, Citigroup, Coca Cola, McDonald’s, Exxon, General Motors, Merckx etc.
J’achète 100 actions de chaque, au total, j’investis vos 300.000 $.
Puis pour vous protéger des risques de mauvaises surprises, j’achète des contrats d’ options (des puts et des calls) mais sur tout l’indice S&P100, ce qui inclut les actions que je détiens et de l’assurance sur celles que je ne détiens pas. J’achète suffisamment de contrats pour couvrir vos 300.000$.
Puis, je « démembre » l’assurance qui porte sur tout l’indice et je vends des puts sur celles dont je n’ai pas besoin.
Le temps passe, les options arrivent à maturité, je fais mes petits calculs. Si le marché a baissé, je suis couvert grâce aux calls qui me donnent le droit de vendre à un prix convenu. Si le marché a augmenté, je peux faire un bénéfice car j’ai des puts qui me permettent d’acheter à bas prix et ensuite je revends à profit.
Je peux gagner de l’argent de trois manières : d’ abord, je reçois les dividendes, ensuite j’ai gagné de l’argent en vendant mes calls inutilisés qui portaient sur des actions que je ne détenais pas, enfin, comme je vous disais, je peux vendre les actions dont le cours a augmenté.
Mais ceci a bien sûr un coût qui vient en déduction : le prix des contrats d’options puts qui vous protègent.
Vous n’avez pas compris ? Ce n’est pas grave, signez-là. Enfin, si vous voulez, je ne vous force pas. De toute façon, normalement le fonds est fermé à de nouveaux entrants. J’ai trop d’argent et pas assez de temps. Mais si vous insistez, je ferai une exception.
Reprenez votre chèque. Vous êtes sûrs ? Je ne veux pas que vous fassiez quelque chose qui vous met mal à l’aise.
La split-strike conversion est l’une parmi une kyrielle de stratégies, utilisées par les hedge funds. Elle a pour effet secondaire de freiner le potentiel à la hausse d'une action ou d'un panier d'actions mais l’avantage de l’inconvénient est qu’elle protège contre les reculs trop brusques. Sans que ce soit une traduction exacte, je l’appellerai la martingale avec pinces de parachute, comme les ascenseurs qui se mettent en sécurité quand le câble en acier casse.
Un jour, un propriétaire de fonds et son fort en maths vont à une réunion d’information de Madoff qui leur fait le même numéro. Le propriétaire dit : let me think about it (=je vais y réfléchir).
Sur le chemin du retour, le patron dit à Harry Markopolos : « Pourquoi payer un autre à gérer notre argent avec cette stratégie ? Bâtis-moi un modèle qui permet de savoir quelles sont les actions qu’il faut choisir et faisons cela nous-même. »
Harry Markopolos utilisa toute sa science de modélisation mathématique.
Il n’y avait rien à faire, l’ordinateur n’arrivait jamais à sortir les mêmes taux de profits que Bernie Madoff. La fameuse stratégie de je-prends-des-risques-de-bonus-pater-familias rapportait maximum 5,80%.
Il prit le problème à l’envers. Bon, supposons qu’il gère 20 milliards de $... s’il faut acheter pour 20 milliards d’options puts… Ah ? C’est bizarre, on obtient plus que le nombre d’options en existence. Tiens ? C’est pareil pour les calls. Et puis, le coût de tous ces puts pour se protéger est prohibitif. Le compte n’était jamais bon.
Harry Markopolos commença à avoir des soupçons. De deux choses l’une, se dit-il soit Bernie Madoff est un arnaqueur, soit c’est un malfrat.
Premier scénario : Bernie Madoff utilise ses fonctions de « market maker » pour acheter juste avant qu’il ouvre les vannes de son affluent les mêmes actions que ses clients et il les vend dès que le cours remonte du fait du volume des ordres. Du détournement de flux de transaction (paying for order flow), légal et génial, on serait passé imperceptiblement à l’exploitation du contenu du flux ; ce qui s’appelle faire du front running (littéralement, vous accourez devant) et est assimilé à un délit d’initié.
Harry Markopolos dont l’étude de la firme Madoff était devenue le passe-temps (« my fantasy sport ») utilise un modèle mathématique très sophistiqué, le Black-Scholes Option Pricing Model pour calculer la valeur d’une option call (qui vous permet de vendre) avant qu’elle n’atteigne le marché.
Il computa les données de 253 jours de trading. Les résultats furent les suivants :
1 minute = 3 centimes
5 minutes= 6 centimes
10 minutes= 10 centimes
15 minutes=12 centimes

Il se rappela que quand les gens avaient des doutes sur la capacité de Madoff à prévoir les tendances du marché (en anglais, market timing), d’aucuns disaient que Bernie voyait le flot des transactions couler sur sa gouttière et que c’était pour cela qu’il était toujours en avance d’un trade.

Markopolos restait sceptique. D’ accord pour la gouttière, mais ce n’est pas la seule qui mène à Rome.

Second scénario : Bernie Madoff a monté une « chaîne d’argent » et fait semblant d’investir dans les options du S&P 100. Voilà qui expliquerait pourquoi sa stratégie rapporte 12% comme une montre suisse, pourquoi les options ne crèvent pas le plafond de la quantité existante, pourquoi il ne veut pas que son nom soit divulgué par les gestionnaires de fonds, pourquoi il ne facture pas des frais de 1% de garde et de 20% des profits comme tous les autres hedge funds et surtout, surtout pourquoi il accepte de payer 12 à 17 % d’intérêt pour emprunter l’argent avec lequel il travaille, alors que vu son volume d’activité, au moins 20 milliards de $, il pourrait largement lever des fonds pour un petit peu que le taux interbancaire, le libor. CQFD!
“Allo, la SEC ?”

1999, 2002, 2005, avril 2008.

« Allo, ici Christopher Cox, mon chien a mangé mon téléphone. »

Gabrielle Durana
Chroniques du tsuanami financier, all rights reserved.








jeudi 18 décembre 2008

Chronique # 50: : les 3 Grosses et la Maison Blanche sont dans un bateau


18 décembre 2008
Nous nous étions quittés dans la nuit de jeudi à vendredi dernier, au moment où la cloche du Sénat américain sonnait la fin de la législature. Boitant, les canards battus rentraient à la maison, les cartons dans le coffre de la Prius, avec le sentiment du sabotage accompli. Une majorité de la chambre haute venait de refuser de ratifier le prêt-relais de 14 milliards de $ ; les 3 Grosses iraient mariner au tribunal de commerce. Maintenant, si vous n’aimez pas les fêtes, n’en dégoutez pas les autres, pardon, je dois aller faire mes courses de Noël.

Puis, le lendemain une rumeur enfle, court, sprinte jusqu’ à Wall Street. Dick Cheney, qui quelques jours plus tard se vantera sans ciller d’avoir autorisé l’utilisation de la technique de la noyade simulée (waterboarding) comme méthode d’interrogation (« Was it torture ? I don’t believe it was torture » = était-ce de la torture ? Je ne pense pas que c´était de la torture) dans les oubliettes de Guantanamo s’inquiète de son souvenir dans le futur.
Bush décroche son téléphone : « Allo, Hank, Dick dit qu’il faut refaire l’électricité avec l’argent de la plomberie pour ne pas s’électrocuter ».

- Comment ça, c’est toi qui décide ? Diiiiiick !

- Tu crois que j’ai pitié, peut-être ?…

- Je sais, mais sinon on ira tous rejoindre Herbert Hoover au dépotoir de l’Histoire. Dick, il dit, toi compris.

Hank pose son combiné. La petite souris sur son bureau descend sur le tapis, se faufile dans l’entrebâillement de la porte.
La fiction s’arrête là.
Quinze minutes plus tard, le Dow Jones repassait dans le vert.



Le même jour, le prix Nobel d’Economie Joseph Stiglitz publie une tribune libre dans le Financial Times. Selon lui, le mal est fait, l’anticipation de la possibilité de la faillite a déjà dissuadé les acheteurs potentiels de choisir une Chrysler, une Buick ou une Chevrolet. Donc, autant aller trouver le juge des faillites qui a le pouvoir d’effacer des dettes. Je sais que ce n’est pas drôle, mais cela m’a fait rire parce que quand je préparais l’agrégation, le directeur de notre département nous avait donné le conseil suivant. Si à l’oral, on nous demandait de citer un économiste de référence sur un sujet particulier et qu’on séchait : « Répondez Stiglitz » avait-il conseillé, « vous ne pouvez pas vous tromper, il a écrit sur tout ».

Finalement la bourse, après avoir démarré la séance avec une chute de 3%, clôturait ce jour-là sur une hausse inespérée de +0,75%.
Tout le monde part en week-end en pensant que l’argent du TARP (Troubled Assets Relief Program) va servir à financer les 14 milliards dont Chrysler, General Motors et Ford ont besoin pour arriver au 6 janvier, quand la nouvelle majorité s’installe à Capitol Hill.
Lundi, mardi, mercredi, le facteur n’est pas passé, passera-t-il un jour avec le mandat ?
Mercredi, Robert Reich, un conseiller économique de Barack Obama (parmi un panel aussi varié que les parfums chez un marchand de glaces) peste contre l’utilisation de l’argent du TARP. En démocratie, le Parlement vote le budget. S’il refuse de voter les 14 milliards, le pouvoir exécutif n’a pas la légitimité pour défaire la décision. De plus, le pouvoir législatif a décidé que le TARP était pour les banques. Il faut donc s’incliner : dura lex, sed lex (la loi est dure mais c’est la loi). Enfin, plaide-t-il, si on commence à distribuer de l’argent pourquoi pas aussi aux journaux ? Ils vont bientôt disparaître, malgré leur utilité, vu que tout le monde fraude, comme des passagers clandestins (free riders) et lit en ligne mais refuse de payer. Et quid des Etats, comme la Californie qui sabrent dans les dépenses sociales et les emplois non statutaires, puisqu’ ils sont à court de plusieurs milliards de rentrées fiscales ? Sans parler des villes qui avaient investi dans les titres pourris comme les CDO.
La bourse attend, elle espère.

Juste pour garder la pression Chrysler annonce qu’elle fermera 30 de ses usines pendant un mois à partir de vendredi. Quant à Ford, 9 usines sur 15 seront placées en chômage technique, la première semaine de janvier.
Aujourd’hui jeudi, coup de torchon, la Maison Blanche communique. « Le Président ne s’est pas encore décidé ». Un redressement judiciaire « méthodique » (‘orderly’) pourrait être la solution, si … les syndicats ne font pas des concessions.
Maintenant ma partie préférée de tout ce théâtre.
Sur la tête des 3 Grosses ont été passés des contrats d’assurance-décès. Vous n’avez pas oublié les produits dérivés qui couvrent le risque de faillite ? Il y en a pour 290 milliards de Credit Default Swaps.
Voilà, pour les queues, maintenant parlons des chiens.
Sur le marché des junk bonds, ces obligations pourries qui rapportent un taux d’intérêt plus fort parce que les entreprises qui ont emprunté avaient reçu une mauvaise note, les constructeurs automobiles et leurs satellites de financement aux consommateurs représentent 10% du volume total.
Les Cassandre annoncent que la faillite d’une, deux ou trois Grosses entrainerait l’ouverture du volume deux du tsunami à cause des pertes subies par les détenteurs de ces obligations pourries, principalement des banques et autres investisseurs institutionnels.
En fait, répond l’amant de sa mère tout ça c’est beaucoup de bruit pour rien. Comme dans certains CDS, la banque A promet de payer à la banque B mais que dans d’autres la banque B promet d’indemniser la banque C, qui elle a des CDS où elle est l’assureur, et d’autres où elle est la contrepartie, quand on aura consolidé tout ça, ce n’est plus 290 milliards, mais juste 16 milliards qui changeront de mains.
16 milliards, ce n’est pas plus que 14 milliards ? Donc si je résume : soit on donne 14 milliards du TARP, soit les banques et AIG qui ont reçu les 335 milliards de la moitié du TARP devront dédommager quiconque leur présentera un CDS en bonne et due forme. Sauf qu’on aura perdu 3 millions d’emplois et qu’on a déjà vu ce qu’avait coûté le règlement de la faillite de Lehman Brothers. 6 milliards en CDS. Vous êtes sûrs ?

Gabrielle Durana
Chroniques du tsunami financier, all rights reserved.





Le plus haut responsable du climat aux Nations unies, Yvo de Boer essaye une voiture solaire suisse au sommet sur le réchauffement climatique à Poznań, (Pologne). Le taxi solaire vient de terminer un tour de du monde de 40.000 km.

mercredi 17 décembre 2008

Chronique # 49: Les américains débarquent sur la planète ZIRP


16 décembre 2008


Regardez le graphique. Vous ne trouvez pas que la Fed cherche à imiter la grande vague d’Hokusai ? A la fin de ces 9 ans de variations des taux de base, nous sommes le point microscopique rouge en bas à droite. Nous essayons de contrer la violence de la crise en comptant sur le yang des banquiers centraux. Peut-on leur faire confiance pour ramener l’économie à bon port ? Aujourd’hui, le Fed a abaissé son taux de base de trois-quarts de point. Il est maintenant si bas qu’au lieu d’être un taux fixe, il est devenu un taux-cible (target rate) ou taux-pivot, entre 0 et 0,25%.

Bienvenus sur la planète ZIRP (Zéro Interest Rate Policy). Mais avant que vous vous alarmiez, comprenez bien ce qui vous alarme. Que l’argent soit devenu presque gratuit n’est pas la raison pour laquelle retentissent les sirènes. Tremblez plutôt devant les chiffres du chômage : 500.000 personnes ont perdu leur emploi en novembre 2008 et 400.000 ont arrêté de chercher. Transpirez quand vous constatez que les banques arrosées par la moitié du TARP ne poussent toujours pas à prêter. Titubez car en un mois, l’indice des prix à la consommation a baissé de 1,7%.

Maintenant, au cas où vous n’auriez pas peur, permettez-moi de lever votre voile de l’inconscience sur l’heureuse année 2009 qui nous attend.

Nous sommes entrés en déflation. Comme au couvent, une fois entrés, il est surhumain d’en partir. Aux Etats-Unis, les prix ne sont pas tombés d’ autant, aussi vite, depuis 1947. A l’époque, le pays sortait de la guerre, il était en surcapacités et ignorait que le Baby Boom était sur le point de démarrer la plus grande course à la consommation de l’histoire moderne.
Aujourd’hui, les prix baissent en valeur absolue parce que les gens n’achètent pas. Comme me faisait remarquer le taxi qui me ramenait hier du quartier de Castro où j’étais allée voir le film de Sean Penn sur la vie de Harvey Milk -le premier homme politique américain, ouvertement gay et qui a payé de sa vie son combat pour l’égalité des droits et la vie hors du placard-, l’essence coûtait 4,50 $ les 4 litres (le gallon) en juillet, elle est retombée à 1,60$. La bonne nouvelle ne suffit pas à expliquer la chute des prix. Si les MacDonalds et les Burger Kings sont pleins et rapportent à leurs actionnaires, les courses de Noël sont aux abonnés absents. Une grande chaine de magasins de jouets vient même de faire faillite.
Anthropologie des cartes de vœux pour 2009. Traditionnellement, aux Etats-Unis, les cartes ne sont pas vierges mais tartinées de longs textes prêts-à-sentir ; souvent très poétiques ou romantiques ou bien tournés. Il vous en coûtera 7 dollars mais vous n’avez plus à penser, juste à timbrer. Les slogans sont décidés quelques mois en avance et rappelez-vous qu’à la différence de l’Europe, ici nous sommes en crise depuis août 2007. Florilège :
« Let’s spend some time together », en jouant sur le double sens du verbe to spend (=dépenser de l’argent mais aussi passer du temps).
J’ai reçu cette autre : “I wanted to say that this Holiday season you are a gift wrapped up in your own unique package with so much to give. I also wanted to say thank you for sharing your gift with me.” (=Je voulais te dire que ces fêtes-ci tu es un cadeau emballé dans ton propre papier-cadeau et que tu as beaucoup à offrir. Je voulais te remercier de partager cela avec moi).
Quant à mes cartes de vœux ? J’avais pris en novembre une photo d’un gars au début de la rue de Wall Street qui tenait un panneau en croix. Sur un fond blanc, il avait écrit : « Capitalism is dead » (=le capitalisme est mort). J’y suis retournée trois fois, il était toujours là.
Je ne suis pas convaincue que les américains aient durablement découvert que le bonheur vient de moins d’avoir et de plus d’être. A en juger par la quantité d’annonces sur les sites comme Craigslist ou Ebay qui commencent par « ma fille/mon fils vend… », les enfants lèvent des fonds pour la nouvelle console ou l’American Girl Doll du jour (=marque de poupées faites sur mesure pour la modique somme de 120 dollars et plus).
Je ne vous parle pas de San Francisco où, depuis la fermeture des hôpitaux psychiatriques par Reagan dans les années 80, les SDF (homeless ou panhandlers, littéralement agitateurs d’écuelle) sont de notoriété publique et pour la plus grande épouvante des touristes une image classique, comme la maison bleue ou le Golden Gate Bridge. A New York en revanche, j’ai vu en novembre pour la première fois des gens faire la manche dans le métro. C’était dans l’Upper East Side, sur la ligne qui menait au Guggenheim. En fait, en tant que Parisienne, j’avais toujours été épatée par la « propreté » (sic) des rues de Manhattan ; jusqu’ à ce que j’apprenne le sale petit secret de Giuliani. Il n’avait pas résorbé la pauvreté, il lui avait juste interdit de citer dans la Grande Pomme. Paul Claudel disait « La tolérance ? Il y a des maisons pour cela » ; Guiliani et Bloomberg reprennent en cœur : « La pauvreté ? Il y a Brooklyn, Harlem, le Bronx. Circulez ou je vous mets une amende ».
Nous ne vivons pas la Grande Dépression, avec les enfants vagabonds cachés dans les trains et chapardant de la nourriture. Le terme de hobo désigne spécifiquement les clochards des années 30 et Walker Evans, dont les archives sont déposées au Metropolitan Museum a immortalisé en noir et blanc les visages de ces Américains, le regard bleu douloureux.
Pour l’instant c’est la Petite Déflation, -1,7%. Avec des magasins qui liquident et des consommateurs qui s’inquiètent d’être liquidés de leur travail. De plus, tout le monde anticipe que les prix vont continuer à chuter, alors pourquoi acheter maintenant ? Comme me répétait mon premier patron dans la galerie où je travaillais : « no urgency, no sale » (=sans urgence-que le tableau soit vendu-, on ne vend rien). Donc, tout le monde attend. Et effectivement, les entreprises continuent de baisser leur prix et de licencier en attendant que les choses aillent mieux, ce qui conduit à qu’elles empirent. En économie, cela s’appelle un cercle vicieux.
Communiqué de presse cet après-midi: « The Federal Reserve will employ all available tools to promote the resumption of sustainable economic growth and to preserve price stability.” (=La Fed utilisera tous les instruments disponibles pour retourner à une croissance soutenable et lutter contre l’inflation.) Vous ne vous rendez pas compte mais dans la langue codée des banquiers, c’est l’empire contrattaque.
Avant d’arriver à la planète ZIRP, parlons de ce qui est arrivé à la Fed depuis la faillite de Lehman Brothers et le credit crunch consécutif.
Je ne cherche pas à faire de vous un expert-comptable mais lire un bilan financier c’est comme savoir changer l’huile de votre voiture, ce n’est pas si difficile quand on dédramatise.
D’ abord le B-A, BA : le passif (liabilities) c’est ce l’on doit ; l’actif (assets), ce que l’on possède. Autre règle à retenir, les deux s’équilibrent. Actif=passif+capital.
Traditionnellement, une banque centrale a des créances sur l’étranger (réserves de change), sur l’Etat (=relations avec le Trésor) et sur l’économie.
Voici l’actif de la Fed au 10 décembre 2008 :



Non, donnez-moi la main, ceci n’est pas un film de Peter Greenaway, vous n’allez pas être noyé dans les chiffres. D’ abord, comparez le chiffre marqué en bleu en bas (2.262.339) et le vert (1.377.242) sur la même ligne. En un an, le bilan de la Fed a presqu’été multiplié par trois.

Pour comprendre l’évolution, il faut chercher les plus gros chiffres sur la colonne de droite (comparaison par rapport au 12 décembre 2007). Les trois premiers chiffres en jaune montrent toutes les liquidités que la Fed a injectées dans les banques. Les ventes aux enchères (term auction credit) sont une nouveauté. D’autres postes ont été élargis.

Ensuite la ligne suivante appelée « net portfolio holdings of commercial paper » peut se traduire par « effets de commerce détenus par la Banque Centrale ». Elle montre une augmentation de 0 à 312.414 millions de dollars sur un an. C’est ce que j’ai appelé dans mes chroniques, la Fed comme prêteur en premier ressort. A cause du credit crunch, la Fed s’est mise à prêter directement à des entreprises triées sur le volet.
La dernière ligne surlignée en jaune s’appelle « other assets » (=autres actifs). Ce poste a explosé aussi : + 593,133 millions en un an. Il existe une polémique actuellement sur la qualité de l’actif de la Fed. Certains accusent la Fed de cacher la dégradation de son bilan en détenant des actifs de mauvaise qualité mais en les mettant dans la boite noire de « other assets ».
En fait, la rubrique « other assets » est un peu le coffre à jouets de la Fed dans laquelle tout est mélangé. Par exemple les swaps de devises (je te prête des dollars, tu me prêtes des euros, on fera les comptes quand on sera sortis de l’auberge) sont inscrits sous ce poste.
Une dernière remarque : regardez la colonne où aucun chiffre n’est surligné. Elle indique l’évolution par rapport à la semaine d’avant. Le bilan de la Fed a quand même grossi de 123 milliards de $ en 7 jours ! Mais on voit que c’est surtout le poste « other assets » qui explique l’enflure. Le reste, les prêts sur effets de commerce, les prêts à 24 heures, les prêts contre dépôt de garanties ou même les prêts d’urgence (discount window) se sont un peu calmés, ce qui reflète un relatif desserrement de l’étau du credit crunch.

Maintenant, un coup d’œil au passif de la Fed au 10 décembre 2008 :

Vous vous souvenez qu’un bilan est en équilibre par construction. Donc, si vous ajoutez les deux cases en bleu sur ce tableau vous obtenez le montant de la case bleue de l’autre tableau. Actif= passif+capital.

Comme vous pouvez le constater la première ligne en vert montre que les dépôts (deposits) des banques ont explosé (+1.249.038). En fait l’augmentation est beaucoup plus récente que ce que montre le tableau. Elle date du moment où la Fed a dit aux banques, si vous m’apportez des réserves non-obligatoires, je vous les rémunère. Avec le credit crunch, les banques n’osaient plus se prêter entre elles, alors même si la rémunération de la Fed est faible au moins l’Etat, lui ne fera pas faillite. Sur la première ligne, où il y a du jaune, on voit que ces dépôts ont augmenté de 112,6 milliards en une semaine. Ce qui tempère l’optimisme quant à la fonte du credit crunch.

Que conclure de tout cela ? Tout simplement que le marché monétaire a été, pour une large part, rapatrié à la FED : les banques qui ont des excès de liquidités les déposent à la FED qui, en retour, prête ces liquidités aux banques qui ont besoin de liquidités. Une situation nouvelle par rapport à celle qui prévalait avant la crise.

Maintenant que vous avez compris que vous pouvez regarder un bilan sans vous évanouir, revenons à la planète ZIRP. Sur cette planète le taux de base de l’argent est à zéro. Les banques peuvent emprunter autant qu’elles veulent à la FED sans que cela leur coûte. Une telle politique consiste à fournir au système bancaire beaucoup plus de liquidités que ce dont il a besoin via une augmentation massive du bilan de la banque centrale, dans l’espoir que les banques se mettront à prêter plus et relanceront ainsi l‘économie. C’est la politique qu’avaient menée les autorités monétaires japonaises entre 2001 et 2005. On appelle cela le quantitative easing. Les banques, dorénavant, croulent sous les liquidités, et leur pouvoir de création monétaire devient sans limites.

Création monétaire, disais-je. Avez-vous vu ‘Die Fälscher’ (2007) de Stefan Ruzowitzky qui a remporté l’Oscar du meilleur film étranger cette année ? Dans ce film basé sur des faits historiques, on voit des prisonniers dans une cage dorée de concentration fabriquer de la fausse monnaie pour les nazis.

Cette image de la planche à billets est récurrente dans l’imaginaire mais elle est anachronique. Sans doute était-ce pendant la Deuxième Guerre Mondiale que pour la dernière fois, des presses d’un pays développé ont servi à imprimer une quantité délirante d’argent (4 fois la masse monétaire britannique circulant à l’étranger et beaucoup beaucoup de faux dollars).

De nos jours, la création monétaire ne passe plus par la "planche à billets". Mais par le crédit bancaire : les crédits font les dépôts, c’est ce qu’on nous apprend en première année de sciences économiques. La masse monétaire ce sont les dépôts des clients dans les banques. Rappelez-vous une précédente chronique où je calculais combien coûterait à la France la garantie des dépôts comme en Irlande. Depuis belle lurette, M2 et M3 représentent l’essentiel de la masse monétaire ; c’est de l’argent comptabilisé sur ordinateurs et protégé par des serveurs de banques.

Pour agir sur M3, la banque centrale va se lancer dans ce que les économistes appellent des opérations d’open market. La Fed va aller sur le marché ouvert (open market) comme tout un chacun, et acheter des bons du Trésor ou des obligations et les inclure dans son bilan.

Un exemple pour bien comprendre : quand une banque commerciale se remettra à prêter et qu’elle aura besoin de transformer ces prêts en titres négociables pour récupérer du cash et continuer à prêter, en clair quand elle refera de la titrisation (rappelez-vous que mélanger les différentes salades, les déchirer et les servir en ramequins au reste des investisseurs n’est pas forcément mauvais, c’est juste qu’il faut vérifier la qualité des feuilles), donc la Fed sera là pour acheter ces titres, si personne d autre n’en veut.

Comme la racine du problème gît dans le marché immobilier, les autorités espèrent qu’en donnant le signal aux banques qu’elles pourront vendre des titres sur les emprunts immobiliers parce qu’il y aura un marché pour les faire circuler, elles recommencent à prêter. Comme en même temps, les prêts à taux fixe à 30 ans sont au plus bas et que l’immobilier a lui-même beaucoup baissé, les gens se diraient c’est le moment d’acheter. On enclencherait alors un cercle vertueux.

Ce raisonnement achoppe sur deux points qui ont un point commun : les anticipations des agents. D’ une part les gens ont peur de perdre leur emploi. D’ autre part, les mêmes et les autres pensent que l’immobilier va continuer à baisser.

Nous voilà revenus à ma Petite Déflation.

Précision liminaire : même si vous avez pu lire au moins vingt fois dans cette chronique qu’il est important de réparer la demande qui est cassée, je ne suis pas une keynésienne évangélique.

[Comme les born-again Christians, (cf : George W Bush) qui ont beaucoup pêché mais ont découvert le droit chemin grâce à la religion, les born-again Keynesians retomberaient sous le charme bêta de la relance et du soutien de la demande.]

Toutefois, quand les gens ne consomment pas, comme en ce moment, on ne peut pas faire comme si les caddies étaient pleins. Soutenir l’investissement des entreprises, fort bien. En fait, il faut les deux. L’enseignement des années 30 est que la politique de relance keynésienne est efficace pour réamorcer la pompe, mais qu’après on ne sait pas très bien comment atterrir avec elle, sur la planète croissance équilibrée. Cela, même les économistes néo-keynésiens le savent. Toutefois, comme disait l’auteur de la Théorie Générale, « à long terme nous serons tous morts ».

Je sors ma clef à molette et je répète : Sarkozy, Trichet, Merkel, Brown, Obama, Wen Jiabao, emballez-moi un vrai stimulus package, je ne me contenterai pas d’une carte de vœux !
Gabrielle Durana
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Portrait d’Allie Mae Burroughs par Walker Evans, symbole de la « Grande Crise » de 1929.