mardi 27 janvier 2009

Complainte du tsunami de Paris

Contre-plan de relance du Parti...
Vu par une San Franciscaine
De la paraphrase Sans que cela se voit

Trop

bien écrit, et parsemé
de bonnes idées, par exemple:
mise en chantier de 300.000 logements sociaux
en deux ans
allongement de la durée d' indemnisation du chômage
500 euros pour ceux qui gagnent
leur pauvreté
importance d'avoir un budget federal

La critique est facile et l'art de reformer
périlleux

Crunch
C' est pas du chocolat
Crédit
Passera pas par moi

2% de PIB pour suivre les conseils
de mon ami, le Diable
3 fois moins que le plan Obama
500 euros pour acheter des écrans plats
des habits made in China
c' est une relance
qui s' arrêtera quelques patés de maison
pas loin
Je recycle
Je recycle
du traitement social du chômage
Je n'achète pas
du traitement économique
à la mode USA
printed in China

Mes emplois de demain
lavent
plus vert de blanc
La machine est cassé
va donc chez Darty

Le bouclier est toujours là
T' as le bonjour
de ceux qui ne travaillent pas

L'Etat
qui êtes aux cieux
descendez sur la terre
qui est si jolie
sans M. Sarkozy

Ou est mon new Deal?

Gabrielle Durana
Paris le 27 janvier 2009
All rights reserved

lundi 26 janvier 2009

Chronique # 64: le Dow Jones ne marque plus l’heure de Wall Street

24 janvier 2009

Les Rois Mages ont emporté 1000 points dans leur caravane. Plus ils s’éloignent de l’étoile du Berger et plus le Dow Jones baisse. Vendredi, il clôturait à 8077 points.

Sur cinq séances que compte une semaine, Londres ne connaissait qu’un jour de hausse pour une baisse totale de 2,28%. A Francfort, mercredi était le seul jour dans le vert et le DAX perdait 4,29%. Quant au CAC40, il est resté dans le rouge et a encaissé un recul hebdomadaire de 5,56%. De passage à Paris, mes amis me disent que la seule manière dont la crise est palpable est l’assèchement du crédit. Alors les indices seraient-ils plus déprimants que le monde réel ? Portons la montre à l’oreille pour vérifier qu’elle fait tic-tac.
Le Dow Jones Industrial Average est un indice pondéré de valeurs boursières. Cela veut dire qu’on a choisi 30 valeurs jugées représentatives parmi les milliers d’entreprises cotées à Wall Street (du temps de la révolution industrielle, elles étaient 12, d’où le nom), et qu’on leur a accordé un poids relatif dans le panier global.

Oui mais en fonction de quel critère ? Le Dow Jones est pondéré par les prix. Le diviseur est 7.964782. Cela veut dire que quand une action cotée en bourse perd 1$, l’indice baisse de 7,96 points, quelle que soit la capitalisation du titre. Autrement dit, quand une action chère baisse de 1$, cela compte autant que quand une action bon marché perd un dollar, alors qu’évidemment la variation de la deuxième va représenter un pourcentage plus important.

J’ai l’air de chipoter sur des broutilles mais en ces temps difficiles, il n’y a pas qu’entre l’Ukraine et la Russie que les compteurs ne savent plus compter.
L’économiste James Bianco prend l’exemple du jour de l’élection d’Obama pour montrer qu’il y a de l’eau dans le Dow Jones. Mais d’ abord, il faut que je vous explique une règle de jurisprudence constante, au moins jusqu’au tsunami : le Dow Jones, gardien de l’indice éponyme est censé expulser du panier toute action qui tombe en dessous de 10$.

Voici les actions qui étaient tombées en disgrâce le 20 janvier 2009. Je vous ai indiqué le symbole entre parenthèses pour que si un jour vous vous embêtiez chez le coiffeur et qu’y trainât Les échos ou le Financial Times, vous puissiez vous livrer au même exercice avec d’autres cotations.
Citi (C) =2,80$
General Motors (GM)=3,50$
Bank of America (BAC) = 5,10$
Les fabriquants d’aluminium Alcoa (AA)= 8,35$

Si le cours de toutes ces actions venait à tomber à zéro, le Dow Jones perdrait seulement 157.3 points
(2,80+3,50+5,10+8,35) X 7.964782 = 157.30

Maintenant si toutes les banques importantes faisaient faillite, cela nous donne :
Citi (C)=2,80$
Bank of America (BAC)=5,10$
American Express (AXP)=15,60$
JP Morgan (JPM)=18.09$
Egale une chute du Dow Jones de 331,25 points. Juste pour mémoire, le jour de l’entrée en fonctions d’Obama, l’indice avait perdu 332.13 points, soit plus.

Ajoutons General Electric qui offre beaucoup de financements, même si ce n’est pas son identité première.

General Electric (GE)=12.93$

La chute de la maison Wall Street serait de : (12,93+2,80+5,10+15,60+18,09) X 7,964782= 434.24 points. Pas de quoi se jeter par les fenêtres si vous regardiez tomber l’indice à l’heure où tout le monde applaudit. Pourtant vous comprenez intuitivement que si les cinq plus importantes institutions financières passaient par pertes et fracas, la commotion causerait un tsunami thermonucléaire.

Comme quand vous vous promenez dans un palais des miroirs, vous êtes en train de faire l’expérience déroutante d’un indice déformé (distorted).

Au lieu de prendre ses responsabilités et de congédier les actions qui ne sont plus représentatives puisqu’ elles sont tombées trop bas et d’en prendre d’autres qui aient une cote plus élevée, le Dow Jones attend que les cours remontent. Or comme une batterie qui est déchargée, le Dow Jones ne pourra pas repartir à la hausse parce que le mécanisme entretient un effet pervers.

Si donc toutes les actions du Dow Jones en dessous de 10$ et si toutes les entreprises financières allaient à vau l’eau, soit 7 des plus grandes entreprises nationales faisaient faillite, en incluant GE, cela ferait une perte pour le Dow Jones de seulement 528,65 points.

Voici maintenant le haut du palmarès :
IBM (IBM)=81.98$
Exxon(XOM)=76.29$
Chevron (CHV)=68,31$
Procter & Gamble (PG)=57,07$
Johnson & Jonson (JNJ)=56,75$
3M (MMM)=53,92$
Wal-Mart (WMT)=50.56$

Si Wal-Mart le géant mondial des hypermarchés mettait la clef sous la porte cela nous donnerait une chute du Dow Jones de 404 points. Si la sentence de mort tombait sur IBM, la chute serait alors de 652,95 points. Cela veut dire qu’IBM a plus d’influence sur l’indice que toutes les entreprises financières, les Trois Grosses, Alcoa et General Electric réunies. Really ?

Que le Dow Jones n’ait pas éjecté de son panier General Motors ou Citigroup, cela s’explique par des raisons politiques. En attendant, l’indice sur-déprimé a un effet déprimant auto entretenu ; ce qui à son tour déprime l’économie, via le moral des dirigeants d’entreprise. C’est comme si le miroir de la fête foraine vous renvoyait l’image que vous êtes grosse, du coup, vous dites, c’est fichu et vous vous vengez en vous gavant de MacDonald’s. Et plus vous vous gavez et plus le miroir amplifie votre image de manière plus que proportionnelle.

Comprenez que d’ abord le Dow Jones baisse, parce que l’économie est en crise ; mais ensuite la baisse de l’indice, son frein à remonter, un effet de cliquet pervers entretiennent la mauvaise presse.

La solution : il faudrait remplacer les actions tombées en disgrâce par des titres plus forts.

Autre leçon à retenir : prenez les indices pondérés par les prix, comme le NASDAQ, le Dow Jones ou le DAX avec des pincettes. Le CAC 40, lui, évite ces distorsions. C’est un indice pondéré par les capitalisations (prix des actions multiplie par leur nombre) et non par les prix. Si une action tombe dans les bas-fonds, l’indice ne la ramasse pas, il la remplace. Quand l’économie repart, il n’a pas besoin de prozac.

Gabrielle Durana
Chroniques du tsunami financier- all rights reserved

Courriel des lecteurs :

Un correspondant de Montevideo m’écrit : « Il faut accepter que la houle n'est qu'a la moitié de celle du tableau d'Hokusai. Quand on prête un livre c'est presque toujours un cadeau. Quand on prête à des millions d'impécunieux c'est pareil. Les petits propriétaires vont garder leurs maisons grâce a Obama, les agents financiers vont lécher leurs blessures et s'apaiser un jour ou l'autre, et même quelques uns vont faire de gros profits. Le vrai problème c'est la récession dans l'économie réelle: chute de la production et des échanges, fermetures d'entreprises, réduction des salaires, licenciements, etc. et là je ne voudrais pas être dans les chaussures d'Obama et ses pareils; les miennes, ça suffit. J'attends tes conclusions sur le Dow Jones; ça concerne directement les petites économies de mon fils. Je regrette ne pas être parmi vous à la réunion des secrétaires, mais à la maison on a d'autres chats à fouetter: la fermeture de notre consulat en l'Uruguay. »

samedi 24 janvier 2009

Chronique # 63 : veille de fête


Wall Street, le 20 janvier 2008

22 janvier 2008

Au moment où les Obamas posaient leurs manteaux au 1600 Pennsylvania avenue, tout le monde applaudissait à Wall Street. Le Dow Jones avait encore connu une journée inénarrable, avec -336,59 points de base soit 4% de baisse. Les milieux d’affaires regretteraient-ils déjà le bon Bush ? En fait, pendant que les petites mains dans les salles de bal installaient les lampions, le système bancaire britannique s’écroulait.

Le lundi 19 janvier, la Royal Bank of Scotland avait annoncé que ses pertes pour 2008 allaient probablement atteindre 28 milliards £, soit 31 milliards €, soit 41 milliards $. Stop- envoyer argent-stop Pour adoucir la nouvelle, elle expliquait que ce chiffre calamiteux s’expliquait par des dépréciations d’actifs sur sa participation dans la banque ABN Amro, le mammouth néerlandais qu’elle avait racheté en 2007, en partenariat avec la belge Fortis et l’espagnole Banco Santander.
Un peu de plomberie de quand ça ne fuit pas : lorsque Google veut mettre la main sur Yahoo, Mountain View téléphone à Synnyvale et dit : « ton action aujourd’hui cote 18$, je t’en offre 22$ ». Avant même que les papiers soient faxés, le cours de l’action Yahoo va monter. Si vous êtes actionnaire et que vous êtes logique (les gens détiennent aussi des actions pour des raisons sentimentales, de mode, d’habitude etc.), vous vendez tout de suite ; car avant que les pourparlers ne se terminent, nous arriverons à Pâques ou à la Trinité et en attendant, votre argent peut faire des petits ailleurs. Là, ce fut la même chose : Royal Bank of Scotland, Santander et Fortis offrirent aux actionnaires d’ABN Amro une belle prime sur le cours, et empruntèrent pour financer l’acquisition.
Tout se passe comme dans un rêve de banquier : les vendeurs sont désintéressés et les bilans des trois partenaires désormais garnis de belles actions ABN Amro ont gonflé.
Maintenant ça siphone. Au lieu de s’apprécier, les actions d’ABN Amro s’écroulent parce que le tsunami, les subprimes et tutti quanti. Les bilans du triumvirat se perforent. Ils sont forcés de reconnaitre des pertes, liées à l’écart entre le prix d’acquisition et la nouvelle cotation de plus en plus abyssale des actions d’ABN Amro.
Pour éviter l’insolvabilité, qui ferait l’effet d’une chute d’astéroïde, le gouvernement britannique en octobre promet de l’argent frais, si les actionnaires privés mettent la main au portefeuille aussi. Aide-toi, le gouvernement t’aidera. La date limite arrive. Les actionnaires privés ne veulent pas recapitaliser. Le gouvernement se dédit et acquiert 58% de RBS. Arrive la fin du trimestre, la vérole n’est pas passée. Les écarts d’acquisition (goodwill impairment charge) s’élèvent à 15 ou 20 milliards de £, les pertes totales avoisinent les 28 milliards £. C’était la syphilis.
Heureusement, le gouverneur de la Banque d’Angleterre n’avait pas appris la nouvelle par la chaine Bloomberg. Pour amortir le choc, il avait prévu d’annoncer une batterie de mesures le même jour destinées à colmater le système bancaire et l’aider à se relever. A l’adresse de RBS, le gouvernement acceptait de modifier les termes de l’accord et resignait un chèque. La super-nationalisation poussait la part de l’Etat à 70% du capital.
Immédiatement, la Barclay’s et la Lloyd’s sont attaquées aussi. Ce jour-là, l’action RSB perd 66% de sa valeur. L’indice Dow Jones Stoxx qui suit la cote de 600 valeurs européennes enregistre une baisse de 2,1%.
Voici les cours du surlendemain pour les trois banques. Comme vous pouvez le constater, la chute est libre mais pas gratuite.
Ne vous laissez pas méprendre par les pourcentages. Si la RBS remonte de 21,4% le lendemain, cela ne représente que 12,5 pence. (Dans les années 80, Thatcher avait privatisé un grand nombre d’entreprises et pour impulser l’actionnariat populaire, les actions furent cotées en centimes ; vous savez c’est comme quand vous étiez petit et que vous échangiez votre pièce de 1 franc contre des pièces jaunes pour augmenter votre sentiment de richesse). Par comparaison, le 13 octobre 2008, le jour où le gouvernement britannique était intervenu pour éviter la faillite, la même action cotait encore 200 pence, soit deux livres.
Quelques heures après la cata de la City, les gens de Harlem à Chicago, de San Antonio à Boston enroulaient leurs écharpes, chaussaient leurs bottes et le New York Stock Exchange commençait une autre séance.
La rumeur glaciale que le secteur bancaire mondial est techniquement insolvable se répand. Le vent mauvais arrivait d’Angleterre mais quand State Street, un dépositaire de fonds de placements (funds custodian) qui boursicote à ses heures annonce des pertes pour 2008 à hauteur de 9,1 milliards, l’agence de notation Moody’s baisse sa note d’un cran et le cours de l’action s’effondre :-59% en une seule séance. Pourquoi tant d’émoi ? Imaginez que vous ayez confié votre petit cochon à votre voisine, une petite grand-mère et que la chaine Bloomberg annonce que la gentille mémé a perdu mille fois votre petit cochon. Les deux informations ne sont pas connectées mais votre cœur se soulève : je croyais que mes actions étaient dans une maison en pierre.

La rumeur de l’insolvabilité monte. JP Morgan Chase, le nouveau donneur de leçons s’étouffe. Le cours de Citigroup abandonne 20%, celui de Wellsfargo 24%. Bank of America qui au lendemain de la faillite de Lehman Brothers avait acquis Merrill Lynch a de plus en plus de mal à digérer et perd aussi 29%.

La rumeur est fondée même si les estimations divergent. Les pertes des banques américaines dans les 12 à 18 prochains mois pourraient s’élever à 1 trillion, or comme leur capitalisation boursière (valeur de toutes les actions multipliées par le nombre d’actions) en ce moment s’élève à 1,5 trillion de $, la recapitalisation s’impose. Ou alors c’est la banqueroute.
Le venin dans le corps de Mithridate ne le tue pas. Mais il y a pire pour un banquier : le nom que l’on n’invoque pas en vain, le mot qui commence par un N. Le 44ème Président s’essuyait les pieds sur son paillasson, une heure après, la séance était sonnée avec -336.59 points.
Le lendemain, Geithner lors de son audition par le Sénat afin d’être confirmé comme ministre des finances déclare que seule une « solution globale » (a comprehensive plan) qui excise les actifs pourris des bilans des banques, qui les recapitalise (il ne dit pas nationalise), et qui aide les emprunteurs à ne pas perdre leur maison alors que les prix de l’immobilier fondent, seule une « solution globale » donc peut assainir le système financier. Sinon, les banques zombies vont hanter la place de New York pendant des années. Il fait écho à Paul Krugman, le prix Nobel d’économie qui déclarait que l’économie de l’incantation (« vodoo economics ») qui consiste à faire du saupoudrage en pensant que les agents économiques vont être rassurés et que tout va rentrer dans l’ordre ne marchera pas. La pensée magique croit mais n’agit pas.
Le parler-vrai de Geithner dut plaire à la belle, car le Dow Jones remontait de 279 points, soit 3,5%. Les actions de Bank of America trampolinaient de 31%, du jamais vu depuis 1980, après son PDG et cinq membres du conseil d’administration dépensaient leur propre argent pour racheter des actions de leur banque. Vous voyez que j’y crois… Citigroup et JP Morgan augmentaient aussi de 25% chacune, après d’autres rachats par leurs dirigeants. Mais, on partait de si bas, que le pourcentage vous faisait éclater de rire. Pour couronner la journée de répit, Barack Obama venait de signer l’ordre qui mettra plusieurs mois à sortir du rêve : le démantèlement et la fermeture définitive de Guantanamo, le camp de concentration off shore.
Le lendemain, quand j’arrivai à l’aéroport pour m’envoler vers Paris, le Dow Jones avait reperdu -105 points.
Justement la prochaine fois, je vous parle du Dow Jones qui descend, qui descend, qui descend.
Gabrielle Durana
Chroniques du tsunami financier, all rights reserved

PENDANT MON SEJOUR A PARIS, LE TSUNAMI NE S’ARRETE PAS, MAIS SA NARRATION DEVIENT PLUS SPORADIQUE.

Courrier des lecteurs : à propos de la défaite en 40 dont je parlais dans « L’étrange tsunami », un lecteur de Bruxelles m’écrit : « Je confirme la teneur de ton erratum, le 3ème mari de ma mère décédé il y a bientôt 10 ans, Centralien officier dans les chars en 1939 et donc capitaine de blindés s’est retrouvé au combat direct (dont un lourd blindé français anéanti avec ses hommes tués et les 2 ? autres neutralisés par l’ennemi) avec des unités de panzers sur le front (très provisoire) de l’Oise en mai/juin 1940 après la percée allemande à travers les Ardennes belges et françaises du 10 mai 1940. Il a été fait prisonnier dans un OFLAG d’où il s’est finalement évadé […] Chaque fois que nous en discutions, il n’avait pas du tout l’impression de ne pas s’être battu mais plutôt d’avoir été mal préparé au combat avec des unités blindées insuffisamment concentrées et équipées au plan logistique et matériel en général (les blindages de son char étaient semble-t-il plus épais et plus solides que ceux des panzers allemands en 1940 mais ceux-ci plus légers et mieux motorisés et en plus grand nombre avaient une plus grande force de percussion globale sans oublier le support aérien…cela s’est inversé bien évidemment dans la suite du conflit notamment avec la 2nde bataille de France en juin/juillet/août 1944 […] »


mercredi 21 janvier 2009

Chronique # 62: l’acompte

Courrier des lecteurs :

Un lecteur m’envoie des nouvelles de Kiev, où quatre ans après la Révolution Orange, sous couvert d’énergétique le pays vit en fait une crise politique avec son voisin russe, en sus du tsunami. Il écrit : « Sur le terrain on s'attend à l'horreur sans trop savoir quelle forme elle prendra exactement. Ajoutez que la très grande majorité des crédits sont libellés en dollars (comme en Hongrie par ex) -les gens sont squeezés entre une réduction de leur pouvoir d'achat de 20% + et un enchérissement de leurs dette de 40 ! »
20 janvier 2009

Deux millions de personnes s’étaient groupées dans les rues de Washington pour assister par -5®C, à la cérémonie de passation du pouvoir entre George W Bush et Barack Obama, le premier président noir, ou African-American, comme disent les gens ici. Ils étaient arrivés avant l’aube, ils venaient de Harlem, de San Antonio ou de Jackson, emmitouflés dans leur sourire, prêts à verser des stalagmites de joie quand le 44ème président poserait la main sur la bible d’Abraham Lincoln, et répèterait le serment dicté par le Chief Justice de la Cour Suprême ; cette même Cour qui en 1896, dans un arrêt Plessy contre Ferguson avait déclaré que les Noirs et les Blancs étaient « separate but equal » (=séparés mais égaux).

Avec trois heures de décalage horaire, nous nous levions tout juste et suivions sur CNN l’installation dans la tribune officielle des anciens Présidents et de leurs vénérables épouses : le père du sortant marchait à tout petits pas, en s’aidant de sa canne, Jimmy Carter était fringant et Bill Clinton s’habituait à devenir le mari de, maintenant qu’Hillary mi-jubilatoire allait être Secretary of State[1]. Dick Cheney, le vice-président qui donne des ordres de torturer sans tortiller avançait dans un fauteuil roulant, poussé par une infirmière. La veille, il s’était fait un mauvais tour de reins en finissant de ranger ses cartons dans l’Aile Ouest.

Je ne sais pas si vous souvenez de cette scène dans l’Education Sentimentale de Flaubert où le personnage de l’arriviste se marie avec le bon parti. La messe est célébrée à l’église de la Madeleine et au moment où s’ouvrent les portes, de l’autre de côté de la Seine, surgit l’Assemblée nationale. L’architecture est rarement le fait de coïncidences. Ainsi, à Paris, la perspective du Carrousel du Louvre aux Champs Elysées, à l’Arc de Triomphe et à la Grande Arche est-elle tracée pour éblouir les dignitaires et les masses.

En 1963, Martin Luther King avait prononcé son discours « I have a dream » (=je fais un rêve) devant 250.000 personnes, depuis les marches du Lincoln Memorial, l’difice bâti en souvenir du héros de la Guerre de Sécession. Il y dénonçait les injustices dont ses compagnons étaient encore les victimes sur les lieux mêmes, où cent auparavant les esclaves étaient vendus aux enchères. Certes en 1957, la Cour Suprême dans un arrêt Brown versus Board of Education avait condamné la ségrégation scolaire, mais il avait fallu attendre trois ans et qu’Eisenhower envoie l’armée pour que neuf enfants noirs fussent acceptés dans une école de Little Rock dans l’Arkansas. Entre temps, Rosa Parks avait refusé de céder sa place à l’avant du bus et avait été arrêtée à Montgomery dans l’Alabama.

Le mouvement des droits civiques était scandé par les manifestions (protests), le boycott et les marches. Il hésitait entre la radicalisation et la non-violence, tandis que les avocats du NAACP[2] risquaient le passage à tabac ou le meurtre. Il faut voir ou revoir « Mississipi burning » (1988), pour se remettre dans l’ambiance. Les lois dites de Jim Crow (du nom d’une chanson folklorique raciste) avaient contourné la Proclamation d’Emancipation de 1863, en faisant du lynchage une bavure collective, en interdisant les mariages mixtes ou en rendant le vote difficile. Ces lois racistes ne furent vraiment abolies qu’un siècle plus tard, en 1964, quand le Congrès sous l’impulsion de Lyndon Johnson adopta le Civil Rights Act.

Un policier prend les empruntes digitales de Rosa Parks à Montgomery dans l’Alabama.

Alors en 1963, sur les marches du Lincoln Memorial, entouré de ses compagnons coiffés du bonnet blanc de Gandhi, Martin Luther King accusait l’Amérique de ne pas faire de place à ses citoyens de couleur. Pour apostropher le Congrès, il employait la métaphore du chèque sans provision : « Nous refusons de croire que la banque de la justice est en faillite. Nous refusons de croire qu’il n’y a pas assez de fonds dans les grands coffres à opportunités de ce pays. Donc nous sommes venus pour encaisser le chèque, un chèque qui sur simple présentation devrait nous donner la jouissance de la liberté et la sécurité de la justice. »[3].

Hier, lendemain de la date anniversaire de Martin Luther King, dans ce que les anglo-saxons appellent si joliment, de la « poetic justice », qui est bien plus que l’ironie du sort, Barack Obama se tenait avec le Capitol Hill derrière lui, devant deux millions de personnes. Sur des écrans géants, il faisait face au Mall qui pour une fois ne voulait pas dire centre commercial, avec ses fontaines, et de l’autre côté de l’obélisque, il souriait à la gigantesque statue de Lincoln.


Il semblait dire je suis venu vous verser un acompte. Et tel Roosevelt, il dénonçait la crise actuelle, « conséquence de la cupidité et de l'irresponsabilité de certains, mais aussi de notre échec collectif à faire des choix difficiles et à préparer la nation à une nouvelle ère ».
Puis dans une intéressante leçon de droit constitutionnel, après avoir juré de « préserver, protéger et défendre la Constitution » devant ou plutôt derrière Capitol Hill, le siège du pouvoir législatif, il s’apprêtait à défiler dans sa limousine-tank, le long de l’Avenue de la Constitution. Il s’arrêterait pour faire chemin à pied et saluer la foule en liesse. Puis remontant dans son véhicule blindé, escorté de quatre malabars et d’un cortège de motards, tous gyrophares dehors, disposés en V, il arriverait au 1600 Pennsylvania Avenue, la Maison Blanche.

Le Révérend Jessie Jackson déclarait : « les coffres de la banque de la confiance sont pleins à craquer ». Voilà, le conte de fées continue. Le soir, au lieu de se réunir dans un restaurant très sélect, avec ses amis millionnaires et des vedettes du show biz, le couple présidentiel a dansé de bal en bal ; y compris celui pour les moins de 35 ans dont les billets d’entrée, comme on dit en anglais coûtaient une chanson.

Pendant ce temps de la City à Wall Street, c’était la fin des banques.
Gabrielle Durana
Chroniques du tsunami financier- All rights reserved
Une cliente à la papèterie Staples, hier
[1] Ministre des affaires étrangères
[2]La National Association for the Advancement of Colored People, est la plus ancienne organisation de lute contre les discriminations raciales aux Etats-Unis. Fondée en 1909, elle incluait dès l’origine des Blancs. Devinez où elle a été fondée. Toujours sur les marches du Lincoln Memorial.
[3] “Instead of honoring this sacred obligation, America has given the Negro people a bad check, a check which has come back marked “insufficient funds”. But we refuse to believe that the bank of justice is bankrupt. We refuse to believe that there are insufficient funds in the great vaults of opportunity of this nation. So we have come to cash this check- a check that will give us upon demand the riches of freedom and the security of justice”.

lundi 19 janvier 2009

Chronique # 61: L’étrange tsunami

19 janvier 2009

Quelques semaines vous font regarder le monde avec des yeux vieillis. Le 9 décembre dans « Mon oncle d’Allemagne », j’expliquais basée sur mon vécu outre-Atlantique que les Européens n’avaient encore rien senti de la violence de la crise, et je décrivais comment les Allemands se lavaient les mains des problèmes de leurs voisins, tout en minimisant l’impact du tsunami sur leurs exportations. Fin décembre, l’euro, presqu’à parité toisait la livre ; avec non moins de superbe que si le Crédit Lyonnais jaugeait la maison Lazard, avant de la croquer.

Aujourd’hui, la Commission européenne annonce que ses principaux membres sont tous en récession : -2,3% en Allemagne, -2,0% en Italie et en Espagne et -1,8% en France. Ces chiffres ne sont pas ceux d’une mauvaise journée à la bourse, mais bien les prévisions de croissance pour une longue année 2009 qui nous apportera sa corne de disette, de chômage et des larmes. Coté britannique, les statistiques du 4ème trimestre ne seront connues qu’à la fin de cette semaine mais vraisemblablement, la croissance négative là-bas aussi avoisinerait les 1,2 à 1,3%. Pour mémoire, la dernière fois que la France avait connu une croissance négative était en 1993, avec une réduction du PIB de 1,3%.

Les sciences économiques s’appellent sciences mais à la différence des physiciens, les économistes ont rarement l’occasion d’étudier des explosions sous-marines. Ils en sont réduits à étudier le passé ou à faire de la modélisation mathématique. Aussi la période actuelle est-elle totalement fascinante. Une zone monétaire unique peut-elle survivre à des conjonctures macro-économiques divergentes ? Les forces centrifuges seront-elles contenues ? Existe-t-il une volonté politique centripète ? Peut-on sortir d’un tsunami financier, économique et social sans commencer une Troisième guerre mondiale ? Autant de questions qu’aucun économiste de ma génération n’aurait cru pouvoir se poser en grandeur nature.

Quand Marc Bloch écrit « L’étrange défaite » en 1940 pendant la bataille de France, il n’y raconte pas ses souvenirs personnels mais il essaye d’analyser avec objectivité les raisons de la défaite de l’armée française en six semaines. Lorsque j’ai lu son livre, j’avais 19 ans et j’avais été très impressionnée par sa clairvoyance ; alors qu’il ne connaissait pas la fin de l’Histoire. Un mélange de romantisme et de paresse -lire vite est un oxymore qu’on met toute sa vie à désapprendre - m’avaient toutefois fait imaginer Marc Bloch en jeune soldat, rédigeant dans sa tête comme Fernand Braudel sa fameuse thèse d’Etat « La Méditerranée et le monde méditerranéen au temps de Philippe II », ou couchant ses pensées la nuit sur l’envers de documents militaires, une sorte de Guy Mocquet avec un bloc-notes. En fait, Marc Bloch était un médiéviste rompu aux méthodes de recherche, de sélection et d’analyse des faits quand il fut saisi par l’avènement de la Deuxième guerre mondiale. En 1940, il avait 54 ans. Et il mourut en 1944, sans jamais connaître la fin de l’histoire, sous les balles de la Gestapo.

C’est en pensant à Marc Bloch que je tiens depuis quatre mois cette chronique. Son ton est plus léger, la méthode moins rigoureuse mais comme lui, j’essaie de faire sens d’un événement qui nous dépasse. Le tsunami financier sera aussi bien entendu analysé a posteriori. Un arrière-petit-disciple de Charles Kindleberger, l’auteur de l’Histoire mondiale de la spéculation financière[i] sur laquelle tous les étudiants occidentaux de la fin du XXème siècle ont étudié les bulles spéculatives, des tulipes au 17ème siècle, à la banque de Law (prononcez lass, ça impressionne) pendant la Régence à la crise de 1929 se plongera sur les séries statistiques longues et les agrégats monétaires. Il sautera dans le tunnel du temps, revisitera les trois épicentres de la crise et en ramènera une synthèse subjective mais distancée, que de futurs étudiants en sciences économiques liront en avance rapide.

Il y a quelque chose de risqué mais d’irrésistible à vouloir sélectionner au quotidien les faits qui semblent pérennes, à essayer de les mettre en relation les uns avec les autres et à offrir, à s’offrir une explication, non pas un roman familial comme disent les psychanalystes mais le roman d’une génération. Voilà ce qui nous est tous arrivé et qui a ciselé notre perception du monde.

Jeudi dernier, 15 janvier, le Conseil des gouverneurs de la Banque Centrale Européenne a abaissé le taux de base directeur, le « refi rate » auquel les banques commerciales peuvent se refinancer, d’encore 0,5%. Quatre jours après la conférence de presse, résonne encore l’avertissement de Jean-Claude Trichet : « Globalement, le niveau d’incertitude reste exceptionnellement élevé ».

Avec une inflation tombée à 1,6%, la question de savoir si oui ou non, l’Europe adoptera comme les Etats-Unis une politique de taux d’intérêt à zéro pourcent (Zero interest rate policy ou ZIRP) tombe en obsolescence.





D’autres questions affleurent, imminentes. Un lecteur qui partage son temps entre Paris et Rio (et l’ile où Cary Grant et Deborah Kerr s’arrêtaient dans « An affair to remember » ? Ben, non, maintenant, il y a l’avion…) m’écrivait l’autre jour : « Comment faut-il comprendre "rappelez-vous que la bourse ce n'est pas l'Empire du Mal, c'est la plomberie générale de l'économie, son marché des capitaux, " ? N'est ce pas un tuyau qui remet à tout instant la même eau dans la tuyauterie en circuit quasi-fermé ? Sauf les émissions d'actions qui sont utiles aux entreprises et ne rentrent pas dans le circuit fermé, "l'eau " qu'elles apportent sert-elle réellement à faire tourner la roue du moulin ? Qu'apportent les bourses, si elles servent pour l'essentiel de leur activité à enregistrer les échanges journaliers de fortunes entre fortunés ? Ne sont elles passées, au fil du temps, de lieu de regroupement et de distribution de l'épargne pour l'investir au profit de la société, en des sortes de grands casinos ? »

La dégradation, la veille de la réunion de la BCE de la note attribuée à la dette publique de la Grèce, par Standard & Poor donne une bonne illustration de la manière dont le marché des capitaux est une institution qui n’est pas que self-serving. Comme lors d’une coupure d’électricité, vous vous rendez alors compte que du distributeur d’eau dans la porte du frigo à votre téléphone sans fil, au micro-ondes, à l’ordinateur, tout dans cette maison fonctionne à l’électricité. Si la Grèce veut lever des fonds pour financer sa relance, parce que ses dépenses vont excéder ses rentrées d’impôts, le coût de l’émission d’obligations est directement lié au risque perçu par les agents. « L’eau » ne tourne pas en circuit fermé. Elle est redirigée vers certains tuyaux et pas d’autres, en fonction de la prime de risque. Le débiteur remboursera-t-il en temps et en heure ? Remboursera-t-il ?

On pourrait discuter de l’indépendance et de la qualité du travail des agences de notation financières, comme j’avais commencé à le faire dans une chronique du mois d’octobre intitulée « Alan Greenspan bat sa coulpe un peu ». Quelle est l’alternative à un mécanisme de marché pour lever des fonds ? Un ministère par secteur d’activité comme sous l’Union Soviétique ? Un Diable qui compte les billets dans sa poche et les dispense depuis les portes du FMI ?
Que l’économie financière s’emballe de manière cyclique et endogène est une réalité. Que de longues périodes de prospérité soient suivies d’un brutal retournement de conjoncture où le prix des tulipes ne monte plus et soudain la montagne de bulbes roule et s’effondre porte un nom : un moment Minsky ; du nom de Hyman Minsky (1919-1996) un économiste américain qui se décrivait comme un keynésien radical et qui a étudié en détail le rôle de l’accumulation de la dette dans la genèse d’une crise.
Pour lui, le système financier contrairement au credo néo-classique ne tendrait pas vers l’équilibre stable. Il serait au contraire par nature instable. De même que John Maynard Keynes avait identifié les « animal spirits » (que l’on traduit en français par « esprit d’entreprise »), comme base de la décision d’investir, Minsky décortique le désir de spéculer et l’instabilité consubstantielle qu’il crée par l’accumulation d’un excès de dette.
Il identifie les différents comportements des emprunteurs qui tous poussent vers l’abîme. Voici sa typologie avec les noms qu’il leur avait donnés (malgré leur actualité, les œuvres de Minsky ne sont pas traduites en français):
- Les Hedge Borrowers : Les emprunteurs à la marge qui remboursent leurs dettes exigibles avec la trésorerie générée par les profits antérieurs.
- Les Speculative Borrowers : les spéculateurs qui achètent dans l’idée de revendre demain quand le prix aura augmenté mais quim si le prix demeurait constant n’auraient pas les moyens de s’acheter l’actif et de terminer de le payer.
- Les Ponzi Borrowers : les emprunteurs dans une chaine d’argent qui prennent le capital des uns pour payer les intérêts des autres ; du nom de Charles Ponzi, l’arnaqueur aux timbres postes.
A la lumière de Minsky, vous avez reconnus la casting complet du tsunami : les hedge-funds, les princes du casino, les spéculateurs de rien du tout, les Madoffs made in USA ou made in India ; comme le scandale Satyam Computer Services, du nom d’un géant de la sous-traitance (« allo, je voudrais réserver un billet »), dont le PDG voilà 10 jours a révélé qu’il avait fabulé 76% de ses recettes et 98% de ses profits de septembre 2008.
En fait, il manque quelqu’un qui brille dans le noir, mais continuez.
La réponse de Minsky à ce portrait de groupe ? Si on ne peut pas changer la nature humaine, on peut changer la règle du jeu. Régulation, pourquoi es-tu partie ? T’avais-je chassée ?
Mais revenons à ma laine de mouton irlandaise.
La situation en Irlande s’est considérablement assombrie : le chômage est galopant et avoisine déjà les 10%. Les entreprises internationales ferment et délocalisent vers des pays à main d’œuvre moins chère. La vulnérabilité du système financier irlandais est soudain révélée et on dit que le Diable s’essuye les pieds sur le paillasson.
L’expérience, si j’ose l’appeler ainsi, de l’Islande nous enseigne qu’aucun pays en difficulté ne quittera la zone euro. Au contraire. Une analyse au premier niveau tendrait à faire penser que la sortie est la solution puisqu’elle permettrait la dévaluation compétitive. Mais le prix à payer serait tellement fort pour les finances publiques et pour l’endettement privé qu’il équivaut à vendre son alliance pour aller acheter du pain. Il existe d’autres moyens même s’ils sont peu glorieux.
Mon analyse et elle sera peut-être contredite par les faits est qu’il existe une solidarité de fait entre les membres de l’Eurozone. Certes, il n’y a pas de gouvernement fédéral pour prendre des impôts allemands et insuffler de la relance en Grèce, en Irlande ou en Espagne (en France, aussi on en voudrait un peu). Certes, il n’existe pas de Trésor européen qui pourrait émettre des euro-obligations pour financer une relance au niveau supra-étatique, comme Tim Geithner, le futur ministre des Finances de Barack Obama s’apprête à la faire à hauteur de 850 milliards de $ et à en distribuer une partie aux Etats (en Californe, à la fin du mois, vous serez payé en reconnaissances de dettes, les fameux IOU)[ii]. Mais si un membre de la Monnaie Unique venait à ne plus pouvoir faire face à sa dette, la BCE et les banques centrales des autres Etats-membres pourraient parfaitement grâce aux opérations d’open market intervenir sur le marché monétaire et acheter de la dette espagnole, grecque ou française sur le marché secondaire. Une décision du Conseil des gouverneurs suffit. Probablement, les gouvernements pousseraient le pays fautif à boire une potion slimfast, mais le risque de contagion les ferait payer d’abord et discuter ensuite. Comme quoi l’eau de la claire fontaine fait vraiment tourner la roue du moulin.
A Gaza, les hostilités ont cessé comme par politique, 36 heures avant la cérémonie d’investiture de Barack Obama.

Gabrielle Durana
Chroniques du tsunami financier, all rights reserved



[i] « Manias, Panics, and Crashes: A History of Financial Crises »1978
[ii] I owe you= je te dois. Prononcez aïlle-eau-you.

jeudi 15 janvier 2009

Chronique # 60: le tsunami social est arrivé

Campagne d’aide aux chômeurs à New York en 1932 (le slogan sur la pancarte annonce : « on s’en sortira ! »)

14 janvier 2009

Si cela peut vous consoler, Wall Street connait une agonie interminable. La bourse perd aujourd’hui encore 2,9%, la deuxième chute à trois chiffres depuis début janvier et la 6ème cotation en baisse consécutive. Gardons à l’esprit que Gaza en est à son 19ème jour de raid et que j’ai du tiramisu dans mon réfrigérateur, mais sinon difficile de ne pas sentir le blues du tsunami. A 8200 points, le Dow Jones fait triste figure et avec 11,1 millions de demandeurs d’emplois, Main Street est dans le même Titanic. Ah, Obama, sauve-nous des hedge funds qui sont rentrés de vacances et du deleveraging qui n’en finit pas de purger !

Ce matin, je vais acheter un cadeau pour le bébé d’une amie (pince-moi, je consomme ?) quand je vois une queue dans Chinatown digne de la soupe populaire. Ils attendent tranquillement, pas d’enfant qui braille ou de sans-abri. D’ ailleurs, ils n’ont même pas tous l’air asiatique. « Excusez-moi, la queue c’est pour… ? »

« Acheter le numéro spécial de Spiderman où il vient en aide à Barack Obama. » En vente chez votre marchand de journaux pour la modique somme de 5,99$ et une heure et demi de queue. Me revient tout de suite en mémoire cette exposition que j’avais vue au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme à Paris : « De Superman au Chat du rabbin ». On y voyait des vignettes des années 40, où Superman aidait Roosevelt à terminer la Seconde guerre mondiale et à traduire Adolf Hitler et Joseph Staline devant la Société des Nations. Je ressors du kiosque. Non vraiment la queue, trop peu pour moi. Je poursuis mon bonhomme de chemin vers les mégasoldes de Macy’s.

A la caisse, j’attends une minute et demie.


Commerce de détail aux Etats-Unis pour les trois derniers mois de 2008
Ma petite déflation est en train de nécroser des pans de l’appareil productif. 2,6 millions d’emplois ont été détruits en un an, dont deux millions en quatre mois. La population active n’avait pas connu une telle hémorragie depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Evidemment, il faut comparer en termes relatifs. En 1945, la population américaine s’élevait à 133 millions. Aujourd’hui, nous sommes 303 millions.

Voici un tableau qui retrace l’évolution de la population active depuis 1945. Comme vous le constaterez, les Etats-Unis sont une gigantesque machine à créer des emplois. Ce fait mérite d’être relevé parce que je viens d’un pays qui n’a jamais connu le plein-emploi depuis que je suis née. Et, non, les postes proposés ne sont pas tous payés au SMIC, même les emplois peu qualifiés. Tout simplement parce que quand vous avez des tensions sur le marché de l’emploi, si vous voulez des bras, il faut les payer. Pour votre information, le SMIC fédéral s’élève depuis le 24 juillet 2008 à 6,55$. Mais c’est un plancher à partir duquel les Etats ou les communes peuvent imposer des normes plus généreuses. Par exemple à San Francisco, le salaire minimum est fixé à 9,79$ et même les salariés à temps partiels doivent recevoir une couverture santé.

Bien entendu ce ne sont pas les présidents qui embauchent. Leur politique économique dessine un contexte dans lequel les entreprises prennent la décision de créer des emplois pour faire des profits. Toutefois si vous êtes George W Bush, vous vous dites que vous aviez « créé » un million d’emplois en 2007 et qu’en partant vous laissez un solde positif de 3 millions par rapport à l’an 2000. Tout autre personne âgée de plus de huit ans se souvient des 23 millions d’emplois crées en deux mandats clintoniens ; alors que la population croissait de près de 10%. Oui, je sais les chiffres laissent rêveurs quand on pense à nos hommes politiques français, qui nous expliquent par A+B que 3 millions de chômeurs c’est 3 millions de racaille ou d’immigrés clandestins. Au moins l’Espagne, elle a compris que toutes ces classes dangereuses sont prêtes à se remonter les manches et n’ont qu’un désir : se gorger d’atomixers, de frigidaires et d’écrans plasma.


La dernière fois que le marché du travail se dégradait à la vitesse actuelle (+2,3% de chômage en un an), c´était en 1980. Aujourd’hui, 23,2% des demandeurs d’emploi le sont depuis plus de 27 semaines, ce qui correspond à la définition américaine[i] de chômage de longue durée (long-term unemployement). Dit autrement cela équivaut à 2,6 millions de personnes, en hausse de 1,3 millions par rapport à 2007.

(La definition française de chômage de longue durée est théoriquement de six mois ou plus mais dans beaucoup de publications, on trouve des colonnes de chômage de plus d’un an, ou plus de deux ans, c’est le phénomène du chômage de très longue durée).

Comme le montre le tableau ci-après, le chômage dure en moyenne 10,5 semaines aux Etats-Unis.

Je sais que vous n’aimez pas les tableaux mais en économie ne pas partir des données, c’est faire preuve au mieux de paresse intellectuelle, au pire de mauvaise foi politique. Ici le chiffre entouré en jaune indique que 50% des chômeurs cherchent un emploi depuis plus de 10,5 semaines et les 50 autres %, depuis moins de 10,5 semaines. Quant au chiffre entouré en vert, il montre le chômage de longue durée (sans tenir compte des variations saisonnières).


Sur les 143,3 millions de personnes qui détiennent un emploi, 116,8 travaillent à temps plein et 26,2 à temps partiel. Il est facile de déduire que le temps partiel est subi et non choisi du fait qu’un an auparavant les chiffres se répartissaient entre 121,5 millions de travailleurs à temps plein et 24,7 millions de salariés à temps partiel. On voit bien donc que la dégradation de la situation économique a fait tomber de nombreux salariés dans le sous-emploi et que le cliché de l’Américain qui a trois jobs (ce qu’on appelle le moonlighting, littéralement travailler à la lumière de la lune) n’a pas résolu le problème.




Au total, alors que la durée légale du travail est de 40 heures, la semaine de travail effective s’élève à 33h30, son plus bas niveau depuis 1964 (avant il n’y avait pas de statistiques). Dans l’industrie, la durée effective est plus élevée, avec presque 39,9h, mais en baisse par rapport à décembre 2007 de1,2 heure ; or rappelez-vous que nous étions déjà en récession à l’époque, car ici la crise a éclaté en août 2007. Tout concourt donc à étayer la thèse du sous-emploi. L’Américain workoholique est un autre mythe rendu obsolète par le tsunami.

Comme le montre le tableau suivant, les disparités sont néanmoins très importantes selon le secteur d’activité (attention le mot industry est un faux ami, il veut dire secteur d’activité) :





Donc si le tsunami social est arrivé et tous sont touchés, tous n’en meurent pas de la même manière. Le taux de chômage varie grandement selon que vous travaillez dans le bâtiment (15,3%), dans le secteur hôtelier (9,5%), dans l’industrie (8,3%), dans les services aux entreprises (8,1%), dans le commerce de détail (7,2%, c'est-à-dire la moyenne actuelle), dans les transports (6,7%), dans la banque (5,6%), dans l’éducation ou dans les métiers de la santé (3,8%).
La question que vous vous posez, je vous lis dans les pensées (« euh, la technologie, euh qui permet d’avoir l’impression que, euh, je suis dans le cerveau d’à côté ») : les vieux s’en sortent-ils ?

Disons que si la discrimination par l’âge existe, elle est beaucoup moins importante qu’en Europe. Par exemple dans les CV, on ne permet aucune référence qui puisse établir l’âge du candidat ; sauf quand la personne n’a aucune expérience professionnelle, parce que par exemple, elle vient de terminer ses études. Mais en sens inverse, il est souvent choquant pour des Européens de voir des personnes âgées travailler dans les supermarchés ou les librairies.

Voici un découpage par tranche d’âge de la population active américaine au 31 décembre 2008.

Vous constatez que la catégorie des plus de 55 ans a perdu 800.000 emplois en un an. Mais comme ici la retraite est à moitié par répartition (ce qu’on appelle pay as you go ou Social Securitý) et à moitié par capitalisation (ce qu’on appelle Individual Retirement Account ou des 401K quand le compte d’épargne retraite est bonifié par l’entreprise), les personnes ne sont pas incitées à se retirer du marché du travail. Mais depuis le tsunami, votre 401K est devenu un 201K.

Quand les charrettes déversent le trop plein de facteur travail, en général les salariés licenciés reçoivent à titre d’indemnités de licenciement une semaine de salaire par année d’ancienneté.

Dans ce contexte particulièrement dévastateur, alors que le credit crunch ne permet pas aux chômeurs de payer les courses et l’essence en tirant sur la carte bleue et que les allocations chômage (unemployment benefits) durent beaucoup moins qu’en Europe, généralement 26 semaines, que fait le gouvernement ?

George W Bush avait accordé juste avant Thanksgiving un allongement de la durée d’indemnisation de 7 semaines et de 13 dans les Etats où le chômage était supérieur à 6%. On arrive donc à 33 semaines ou maintenant presque partout à 39 semaines d’allocation chômage.

Le schéma ci-dessous rappelle que le chômage aux Etats-Unis est un trapèze sans filet. (nb : l’incapacité des économies européennes à créer des emplois me fait parfois penser que le chômage de l’autre côté de l’Atlantique est un filet sans trapèze).

Le trait gras indique le taux de chômage, le trait fin l’indemnisation de la perte d’emploi.


La grande nouveauté de l’ère Obama qui montre bien que l’ère Reagan est finie est le retour de l’Etat-Providence (welfare state); non seulement un Etat réamorceur mais un Etat protecteur. En anglais américain, to be on welfare a la connotation d’être un parasite aux crochets de la société. Entendre les économistes, Cristina Romer et Jared Bernstein, samedi dernier, autour de Barack Obama annoncer qu’ils allaient repriser la maille du tissu social avec de l’argent public paraissait donc un discours anachronique, comme si la voix de Roosevelt vous parlait au coin du feu.


Après le TARP (Troubled Assets Relief Program) destiné à sauver Wall Street, Main Street va donc recevoir l’ARRP (American Recovery and Reinvestment Plan) : 700 milliards pour la plomberie, 775 milliards pour le maçon, merci de rétablir un peu d’équité.
Le papier des économistes explique leur méthode de modélisation en détail. Selon eux, un point de PIB fabrique un million d’emplois soit une baisse de ¾ de point du chômage.

Le programme repose sur cinq piliers, comme l’Islam :

1) Une politique de grands travaux, d’investissement en matière d’éducation, de santé et d’énergies propres.
2) Des programmes sociaux pour protéger les plus faibles y compris par l’augmentation des bons alimentaires (food stamps) et de la période d’indemnisation du chômage.
3) Une aide aux Etats pour qu’ils ne suppriment pas leurs programmes éducatifs et sociaux.
4) Des incitations à l’investissement.
5) Un bouclier fiscal pour la classe moyenne qui s’appellera « Making Work Pay », littéralement faire que le travail paye.

On a tiré les leçons des années 30 et de la « décennie perdue » japonaise, ou du moins on cherche comment ne pas répéter les erreurs du passé. Le but est de hâter la sortie de la crise.

D’ ici à fin 2010, la nouvelle équipe espère ainsi avoir crée 3,6 millions d’emplois dont la moitié pour des femmes.
Le plan chiffre l’impact sur la création d’emplois de chaque objectif politique, en distinguant les effets directs et induits :


Rêver ne coûte pas cher, disent les Républicains. En revanche rembourser tout cet argent prendra une génération. Cristina Romer et Jared Bernstein répondent que les investissements d’aujourd’hui sont les profits de demain et les impôts d’après demain.

Si vous êtes sceptiques, je vous rappelle le nombre d’emplois crées sous les différentes présidences américaines. Vous doutez encore ? Ceux qui arrivent au pouvoir dans 6 jours sont les magiciens et les magiciens-stagiaires de Clinton. Vous n’y croyez pas ? Même Spiderman est avec Obama.

Gabrielle Durana
Chroniques du tsunami financier, all rights reserved
Pour commander sur Internet la deuxième édition du numéro hors série de Spiderman et Obama : http://www.toywiz.com/spidermanobama.html

Superman aide Roosevelt à terminer la Seconde guerre mondiale (source : Musée d’art et d’histoire du judaïsme,-désolée pour la qualité des photos que j’ai prises à travers la vitre.)


"J' aimerais decocher un coup de poing strictement non-aryen sur ta mandibule mais nous n' avons pas le temps : tu vas venir avec moi rendre visite a un de tes amis"
"Lachez-moi, vous me faites mal".

"Joseph, je te presente Adolf"
"Quoi?"

"Ou est-ce que tu nous emmene?"
"Prochain arret, Geneve en Suisse".

"Vous, fumiers saouls de pouvoir, qui etes responsables des maux actuels de l'Europe, qu' avez-vous a declarer?"

"Adolf Hitler et Joseph Staline, je vous declare couplables du plus haut crime de l'histoire moderne: l'agression sans motif de pays sans defense".
















mercredi 14 janvier 2009

Chronique # 59 : la dernière séance

13 janvier 2009

Les départs, c’est toujours gai. Hier matin, Hank Paulson donnait son dernier entretien sur Wall Street TV tandis que George W Bush disait adieu à la presse au 1600 Pennsylvania avenue. En une semaine, le pays a perdu 5,2% à Wall Street et en un mois, 524.000 emplois à Main Street. Le Dow Jones s’aplatit à 8848 points, le chômage se dresse à 7,2%.

Aux Etats-Unis, il existe une émission satyrique quotidienne qui passe à l’heure où je me brosse les dents. Dans la partie « Meilleurs moments de l’histoire des Présidents », j’entends la voix et j’apprends à reconnaître Lyndon B Johnson ou Eisenhower, dit « Ike ». Le comique nait de la juxtaposition par David Letterman de discours célèbres de Truman (« Les nations libres ont maintenant démontré qu’à une agression illégale, il sera répondu par la force[i] »), de Kennedy (« ich bin ein Berliner ») ou de Ronald Reagan (« Le communisme est un de ces chapitres tristes et bizarres de l’Histoire humaine dont les dernières pages sont en train de s’écrire sous nos yeux »[ii]), puis vient un extrait de George W Bush dans lequel il bafouille, il dit des choses abjectes (« Vous n’aimez pas ce qu’on vous demande de croire… on vous tue sinon »[iii]), insignifiantes (« Il y a dix ans, vous étiez quatre et maintenant –regardant autour- ben, beaucoup »[iv]) ou absurdes (« Euh, vous pourrez, euh, euh, vous aurez une technologie qui, euh, euh, qui vous permettra euh, de bavarder, de bavarder avec quelqu’un à distance, et vous aurez, euh, l’impression que l’autre personne est dans la même pièce que vous”)[v]. L’exercice de regarder est un acte de contrition. J’avale la moitié du dentifrice et je m’éloigne du téléviseur pour ne pas me mettre à pleurer.

Mais hier matin, j’avais le choix entre la leçon inaugurale d’Esther Duflo[vi] au Collège de France, à la Chaire de « Savoirs contre Pauvreté » et retransmise par Internet (« la technologie, euh qui vous permet de, euh, d’avoir l’impression que l’autre personne est dans la même pièce ») et l’ultime conférence de presse de George W Bush. Entre Hoover et Condorcet, j’ai choisi de rester plantée devant C-Span[vii].

Extraits: “En termes économiques, j’ai hérité d’une récession et je finis sur une récession. Entre les deux, nous avons connu 52 mois ininterrompus de croissance de l’emploi. […] A présent, il est clair que nous sommes dans une situation économique très difficile. Quand les gens analyseront cette situation, forcément on le fera- ce problème a commencé avant ma présidence, il a évidemment éclaté pendant ma présidence. Mais ce qui compte c’est ce que j’ai fait pour y faire face. Et je concède sans complexe que j’ai mis de côté mes principes en faveur de la liberté du marché, quand mes conseillers économiques m’ont dit que la situation pouvait devenir pire que la Grande Dépression ».

Au fur et à mesure des questions, nous revisitons les meilleurs moments de l’histoire présidentielle. La banderole « Mission Accomplished » sur l’avion qui l’amenait à Bagdad en 2004 ? « Une erreur. Cela communiquait un message erroné ». L’absence d’armes de destruction massive en Irak? « Une déception de taille[viii]. Disons que les événements ne sont pas déroulé comme prévu ». Les prisonniers empilés et empalés à Abu Ghraïb ? “Une grosse déception”[ix].

Suit un monologue qui aurait pu être écrit par Eugène Ionesco pour Béranger Ier, sur le rang intact des Etats-Unis dans le concert des nations, à l’exception des « élites européennes ». On passe à l’avenir me jugera : « L’Histoire immédiate n’existe pas. On ne peut juger du bilan d’une Présidence qu’avec le passage du temps. […] Il est impossible de comparer maintenant.”[x].

La voix était emprunte de mélancolie qui expliquait que mercredi en huit, en se levant il préparerait un tasse de café pour sa femme. Tant d’ardeur à défendre un bilan « fort » laissait aussi transparaître la douleur d’être considéré comme le pire président de l’époque moderne ; record à battre avec la concurrence d’Herbert et de Richard.

Même au pays du Quatrième pouvoir et même si c’était la dernière séance, personne dans la salle n’osa poser de question sur la fermeture de Guantanamo, promise par Barack Obama ou sur les risques de poursuites judiciaires pour crimes de guerre à l’encontre de ceux qui donnèrent l’ordre de torturer dans le cadre légal. Il est vrai que le soir même on jouait la dernière saison de « 24h », la série où Jack Bauer torture, mais psychopathe au grand cœur, c’est pour que les familles dorment à poings fermés. Il est vrai aussi que Bush n’est pas Pinochet et que Guantanamo est une petite prison. Mais lance Harold Pinter d’outre-monde : « Combien faut-il tuer de personnes pour commencer à se faire appeler auteur de massacre ?

Le moment qui valait d’avoir reporté Esther Duflo arriva après 50 minutes. Bush prend soudain la contenance de celui qui pense à la mort de son père et dit : « Je crois que l’expression « le poids des responsabilités » est complètement exagérée. C’est comme si je disais, pourquoi moi ? Oh, le fardeau, ma parole, est si lourd a porter ! Pourquoi le système financier devait-il s’écrouler pendant mon mandat? C’est simplement, c’est pathétique, n’est-ce pas de s’apitoyer sur son sort ! Et je ne crois pas que le futur Président Barack Obama s’apitoye sur le sien »[xi].

Y aura-t-il un David Frost qui viendra offrir à George W Bush 4 heures d’entretien, « après le passage du temps » ? Nixon n’était pas ressorti grandi de ses interviews payantes avec un amuseur public en 1978. La télévision est une machine redoutable, opérée par un chasseur d’instants. Même sans l’astuce du montage, lorsque tout est en direct, un plan rapproché sur un visage qui se tord, sur une veine qui palpite en dit plus long qu’un mois de justifications.

Quand je reviens sur Wall Street TV, un bandeau annonce que Bernard Madoff, 70 ans vient d’être autorisé à demeurer dans son appartement-terrasse de l’Upper East Side. Si les personnes les plus indignées par la décision du juge n’étaient pas ses riches clients ruinés, on parlerait de justice de classe.

Une page de publicité, pendant laquelle le pétrole continue son drame à rebours. Puis apparaît l’énergique et très républicaine Maria Bartiromo, italienne par le nom et bien basanée par son look. Elle interroge Hank Paulson, le Secrétaire au Trésor dans ce qu’elle appelle « an exit interview », littéralement l’entretien préalable au départ.

Première question : « est-ce que le pire est encore à venir ? ». Le ministre des finances répond un gloubiboulga. La journaliste enchaîne : « Comment saurons-nous que nous sommes en train de nous en sortir ? ». Hank Paulson parle du retour de la confiance dans une mer de paroles rassurantes et dures à la fois. Maria Bartiromo cite Barack Obama qui se déclare déçu de la manière dont la moitié du TARP a été dépensée, en particulier parce qu’il n’y avait aucune contrainte pour les banques et parce que rien n’a été fait pour les ménages qui ne peuvent plus payer leur maison. Elle annonce que le futur président a demandé à Bush de parler à ses parlementaires afin qu’ils ne s’opposent pas au déblocage immédiat de la deuxième moitié des 700 milliards. Le blabla des banquiers n’est pas beaucoup plus passionnant que le blabla des politiciens alors quand le banquier est ministre… Mais Maria continue à poser ses questions dans l’indifférence rayée de généralités. Donc, le TARP c’était pour la plomberie, que pensez-vous des gens d’Obama qui disent qu’ils vont en utiliser une partie pour refaire un plancher sous les pieds des accédants à la propriété ? L’Etat-c’est-Paulson répond que s’il n’a pas fait la même chose c’est parce qu’il ne savait pas quelle couleur Obama choisirait pour vernir les lattes.

Sous la banderole « Mission accomplie », demain le tsunami social est arrivé!
Gabrielle Durana
Chroniques du tsunami financier, all rights reserved

[i] “The free nations have now made it clear that lawless aggression will be met with force."
[ii] “Communism is another sad, bizarre chapter in human history, whose last, last pages even now are being written.”
[iii] "You don't like what we tell you to believe in... well kill you."
[iv] "Ten years ago there were four, and today there are... yeah... a lot."
[v] “Uh, you'll be able to, uh, uh, you'll be able to see a technology, uh, a, a technology that will be, enable you to, uh, converse, converse with somebody over a long distance, and it will seem like the person is right there in the room with you."
[vi] http://www.college-de-france.fr/default/EN/all/cha_int/
[vii] Cable Satellite Public Affairs Network.
[viii] “Not having weapons of mass destruction was a significant disappointment. I don’t know if you want to call those mistakes or not, but they were — things didn’t go according to plan, let’s put it that way.”
[ix]“Abu Ghraib obviously was a huge disappointment”.
[x] “There is no such thing as short-term history. I don’t think you can possibly get the full breadth of an administration until time has passed: Where does a President’s — did a President’s decisions have the impact that he thought they would, or he thought they would, over time? Or how did this President compare to future Presidents, given a set of circumstances that may be similar or not similar? I mean, there’s — it’s just impossible to do. And I’m comfortable with that.”
[xi] I believe this — the phrase “burdens of the office” is overstated. You know, it’s kind of like, why me? Oh, the burdens, you know. Why did the financial collapse have to happen on my watch? It’s just — it’s pathetic, isn’t it, self-pity. And I don’t believe that President-Elect Obama will be full of self-pity.”

dimanche 11 janvier 2009

Chronique # 58 : l’émancipation d’Europe –deuxième partie-

8 janvier 2009

Au troisième trimestre de 2008, la Grande-Bretagne a connu une croissance négative. Une baisse du PIB de 0,6% veut dire qu’il s’est détruit dans ce pays plus de richesse comptable qu’il ne s’en est crée. Les données pour la dernière partie de l’année ne sont pas encore disponibles mais il semble que la situation se soit encore dégradée. Les prix de l’immobilier ont chuté de 16% en un an. A 6%, le chômage atteint un record décennal. La production industrielle s’est ralentie pour le huitième mois consécutif. Le tsunami financier est devenu un tsunami économique.

En réponse, la Banque d’Angleterre a abaissé hier son taux directeur de 0,5%. En le ramenant à 1,5%, il s’agit de son plus bas niveau depuis sa création en 1694 ; plus bas que pendant les guerres contre Napoléon ou contre l’Indépendance américaine (5%), plus bas qu’au lendemain du déclenchement de la première guerre mondiale.

Taux directeur de la Banque d’Angleterre de sa création à nos jours

Les banquiers n’aiment pas prêter sans que cela leur rapporte mais ils sont pragmatiques. Si l’économie se nécrose, si des pans entiers du système productif meurent faute de liquidités, faute de consommateurs, ils ne pourront pas non plus faire des affaires. C’est donc leur intérêt bien compris d’aider à sortir du cercle vicieux de la Petite Déflation.

Depuis le 10 décembre 2008, le taux directeur de la Banque Centrale Européenne reste inchangé à 2,5%. (Pour un historique de taux de la BCE depuis sa création, cliquez ici :
http://www.ecb.int/stats/monetary/rates/html/index.en.html). Alors que la situation économique et sociale s’assombrit, l’Europe va-t-elle aussi débarquer sur ZIRP (Zero Interest Rate Policy) ?

La plomberie européenne et américaine sont un peu différentes, dans leur terminologie et dans leur structure, mais pas tant que cela dans la forme des tuyaux. (Au fait, le meilleur endroit pour apprendre la vraie plomberie, en dehors d’un CAP de plombier c’est le rayon bricolage au sous-sol du Bazar de l’Hôtel de Ville. Il existe des solutions géniales à des problèmes que vous ne vous étiez jamais posés, le personnel y est compétent et d’une infinie générosité dans le partage de son expertise et en plus ils sponsorisent cette chronique).

Bon, revenons à la plomberie qui nous occupe… Dans une situation normale, la Banque Centrale prête des fonds aux banques à un taux appelé le taux de base directeur. Ensuite ces banques ajoutent leur « commission » et prêtent aux agents économiques. Si les banques sont à court de liquidités, elles peuvent emprunter de quoi se couvrir auprès de la Banque Centrale. Ce taux d’urgence est plus élevé que le taux normal. Les banques iront donc plutôt voir d’autres banques qui leur prêteront pour moins cher, au taux de prêt interbancaire sans garanties.

Par ailleurs, les banques doivent déposer une petite partie des fonds qu’elles reçoivent de leurs clients auprès de la banque centrale, ce sont les réserves obligatoires. Le reste, elles l’utilisent pour offrir des prêts à leurs clients (les dépôts font les crédits) en comptant sur le fait que tout le monde n’ira pas chercher son argent en même temps. A leur tour les personnes qui ont été payées grâce à ces prêts déposent l’argent reçu sur leur compte (les crédits font les dépôts), puis le dépensent, l’investissent. Bref, l’économie vie.

Depuis le credit crunch, la banque centrale a rapatrié une bonne partie de la politique monétaire en son sein, car les banques ne se prêtaient plus ; par peur que l’autre fasse faillite et ne la rembourse pas. Tel un prêteur sur gage qui garde une montre Piaget jusqu’à ce qu’on le rembourse, la banque centrale s’est mise à prêter à de grandes entreprises (commercial paper facility) contre couverture bancaire (collateral). Tous ces prêts aux banques, aux grandes entreprises et à l’étranger (crédits-swap de devises) ont fait croître l’actif du bilan. Par construction l’actif (ou assets ; ce qu’on possède) et le passif (liabilities ; ce qu’on doit) doivent s’équilibrer. Une manière astucieuse d’arriver au résultat était d’attirer le cash que les banques écureuils, par manque de visibilité, refusaient de prêter et de le recycler. La banque centrale a donc offert de rémunérer –très faiblement- les dépôts non-obligatoires. L’opération a été un franc succès et l’argent a afflué vers son passif.
Même si les termes utilisés diffèrent, les instruments sont analogues. Et pendant le gros de la tempête les deux banques centrales ont travaillé de concert afin de stabiliser le système financier mondial.

Passée l’urgence, les buts poursuivis peuvent différer. D’abord la Fed a pour double objectif inscrit dans ses statuts la lutte contre l’inflation et le soutien d’une croissance équilibrée, tandis que la BCE elle n’a reçu pour mission que la défense de la stabilité des prix. Ensuite, on peut poursuivre un même objectif de différentes manières.

Voici le bilan d’ouverture de la Banque Centrale Européenne au 1er janvier 1999 :

L’actif de l’Euzone des 11 s’élevait à 700 milliards d’euros (cf : chiffre marqué en vert). Puis, ci-après vous trouverez le bilan de la BCE au 26 août 2008, soit juste avant le déclenchement de la crise. Neuf ans et demi plus tard, l’Eurozone comptait 15 membres et son bilan avait doublé (cf : j’ai utilisé la même couleur verte pour que vous puissiez vous repérer). Les réserves obligatoires (surlignées en orange) figurent au passif et elles ont presque triplé ; alors que les réserves volontaires sont quasiment inexistantes (comparez sur les deux tableaux les chiffres en jaune). Evidemment, un banquier qui se respecte ne laisse pas l’argent se recouvrir de toiles d’araignée.

Bilan de la BCE au 26 août 2008
Maintenant, si vous prenez le bilan de la BCE à la fin septembre, vous constatez que la banque centrale regarde le tsunami avec des jumelles. A l’époque, la perception est que la crise n’a qu’un épicentre, situé aux Etats-Unis. On sort à peine des montagnes russes des cours des matières premières ; la crainte de la BCE c’est le retour de l’inflation.

En fait, la crise couve. Les prêts d’urgence dans la case jaune canari étaient à zéro, fin août. Quinze jours après la faillite de Lehman Brothers, les banques ont emprunté discrètement 6,7 milliards.



Bilan de la BCE au 30 septembre 2008
En revanche fin octobre, pince-moi je rêve, les subprimes, les CDO, les CDS n’étaient pas qu’une maladie sur la webcam. Il existe bien un deuxième épicentre du tsunami en Europe et tout le monde chavire.

Sauf Trichet, qui garde le gouvernail. Alors que le credit crunch gèle le système financier, lui l’arrose de liquidités ; presque 500 milliards, soit 5/7èmes du total du bilan d’ouverture de la BCE en 1999, en l’espace de quelques jours. Regardez sur le bilan du 28 octobre comme se sont envolés les chiffres des cases bleue et vert fluo (presque +100% pour la première et +50% pour la seconde). Ce sont toutes les liquidités offertes aux banques. Le bureau des pleurs de la marginal lending facility ne désemplit pas pour autant : la case jaune canari a encore été multipliée par deux. Trichet promet de rémunérer les dépôts volontaires. L’argent oisif des banques afflue. (cf : au passif, le montant de la case jaune fluo est pratiquement multiplié par 10).

La crise a éclaté en Europe sur deux fronts. Elle a bien sûr touché la Belgique, la France etc. Mais, elle a d’abord commencé sur les marches de l’Union, chez les pays membres de l’UE non-membres de la zone euro (soit parce qu’ils n’étaient pas assez bons pour se qualifier -ex-pays de l’Est-, soit parce qu’ils trouvaient les raisins trop verts-Danemark, Royaume-Uni).

Regardez le bilan fin septembre, soit 15 jours après la faillite de Lehman Brothers, et trouvez la case fuschia (vive les choix de palettes des concepteurs de logiciels !) dans la colonne de l’actif (assets). Elle s’intitule “Claims on euro area residents denominated in foreign currency” soit des « créances sur des membres de l’Union libellées en monnaie étrangère ».

Maintenant, regardez la même case dans le bilan du mois après. Vous constatez qu’elle a doublé d’août à septembre et de nouveau de septembre à octobre. Aux pays européens hors Eurozone, la BCE a lancé des crédits-swaps en guide de bouée de sauvetage. En clair, elle prend leur monnaie étrangère et leur prête des euros ; on fera les comptes quand on sera revenu à la berge.

Maintenant, regardez la case fuschia dans la colonne du passif (liabilities). Elle s’intitule : « Liabilities to non-euro area residents denominated in euro” soit « dettes envers des non-résidents européens libellées en euros ». La BCE aussi a bénéficié de crédits-swaps avec les autres banques centrales dans le monde : la Fed, la Banque du Japon, la Banque de Norvège, la Banque d’Australie etc.

Au lieu de rapatrier intempestivement les fonds détenus à l’étranger et advienne que pourra, les banquiers centraux, tirant les leçons des erreurs commises après 1929 se coordonnent et se prêtent des devises. Cette case (vous avez l’effort de la chercher ? Bravo, il n’y a rien de plus satisfaisant que de sentir qu’on vainc les difficultés au lieu que ce soient elles qui nous vainquent), cette case donc a plus que doublé de fin septembre à fin octobre. Elle atteint alors 283 milliards d’euros. A partir de là, les besoins en crédit swaps de devises sont assurés et ce chiffre cessera de croître.


Bilan de la BCE au 28 octobre 2008

Fin novembre, la BCE tient toujours le cap. Diable, si le mois a été éprouvant ! Au fil des jours, la BCE a décidé de prêter sans limites au taux de base directeur. Les emprunts au taux d’urgence, plus onéreux, baissent. Vous pouvez constater que les cases bleue et vert fluo continuent d’augmenter, mais à un rythme moindre par rapport à octobre, alors que la case jaune canari, elle, s’est dégonflée.

Ouf, au moins les pays non-membres de la zone euro mais membres de l’UE semblent sous contrôle. A l’actif, la case fuschia n’augmente plus.
Bilan de la BCE au 25 novembre 2008

En revanche, le marché des capitaux à court terme ne fonctionne toujours pas, pas assez bien en tous les cas pour que certaines grandes entreprises ne deviennent pas insolvables parce qu’elles sont soudain illiquides. Comme de l’autre côté de l’Atlantique, la BCE devient prêteur en premier ressort. Cherchez la case rouge sur le bilan au 25 novembre. Elle se trouve dans la colonne de l’actif et elle s’intitule « Securities of euro area residents denominated in euro » soit « titres de placement de résidents de l’UE libellés en euros ». Le Mont de piété, rue des Francs Bourgeois accepte des Picasso comme gage d’un prêt ; la BCE prend des titres boursiers (actions, obligations etc.). Voici le bilan de la BCE au 2 janvier 2009 :




Bilan de la BCE au 2 janvier 2009

La case rouge a presque triplé, de 119 milliards fin novembre à 282 milliards début janvier. Les entreprises au bord de la déshydratation se sont ruées vers le guichet pour obtenir un verre, une bonbonne, une citerne d’argent.

Maintenant reprenez la chronique « Les Américains débarquent sur la planète ZIRP », ou croyez-moi sur parole. J’y faisais une analyse du bilan de la Fed et j’arrivais à des conclusions assez semblables à celles que je viens de développer. Peut-être un timing différent, mais grosso modo, la même stratégie pragmatique et à facettes multiples. Soit dit en passant, la taille des bilans avant et après le tsunami est équivalente des deux côtés de l’Atlantique.

J’ai laissé la case magenta (du fushia en moins électrique) dans la colonne de l’actif pour illustrer une différence entre les deux banques centrales en matière de comptabilité mais aussi de pratiques. Cette case s’intitule « other assets » ou ‘autres actifs ‘.

Alors que pour la Fed la case « other assets » était un fourre-tout, sur lequel pudiquement on pose un couvercle [elle englobe les crédits-swaps accordés à des banques centrales étrangères mais aussi, disent les mauvaises langues, les actifs vérolés que les banques ont mises au clou pour pouvoir emprunter], la BCE a joué la transparence. Si vous reprenez tous les bilans (ça y est, c’est fini, je n’en rajoute plus pour aujourd’hui) depuis le 26 août 2008, la case magenta n’a pratiquement pas varié. J’ai pensé à écrire à Jean-Claude Trichet pour lui demander ce que voulait dire sa formule vague « other assets », mais je me suis dit que la réponse à la même lettre serait plus intéressante si elle était rédigée par Ben Bernanke.

Alors la belle Europe va-t-elle déménager sur ZIRP ? Elle a reçu un carton d’invitation, plusieurs mêmes. Mais, elle continue à parcourir De particulier à particulier et dire tout haut qu’il vaut mieux un grand chez soi qu’un grand chez les autres.

Au 19 décembre, le plan de la BCE était de forcer les banques à recommencer à se prêter en leur rendant la vie un peu moins facile. Elle annonçait qu’à partir du 21 janvier 2009, elle allait remonter (!!!) le taux des prêts d’urgence (marginal lending facility) et baisser le taux de rémunération des dépôts non-obligatoires (deposit facility). (Aux taux actuels, cela ramènerait le coût des prêts d’urgence à 3,5% et la rémunération des dépôts à 1,5%.) Le différentiel s’appelle le corridor. Le but affiché par la BCE en élargissant le corridor est de rapprocher le taux d’urgence de l’euribor –le taux européen de prêt interbancaire sans garantie- et que donc les banques recommencent à emprunter auprès de leurs collègues. Evidemment, la question que vous vous posez est : est-ce que cela va marcher ?

Une des formules préférées de Jerry Brown, un vieux loup de la politique californienne, qui sera probablement élu le prochain gouverneur si Arnold Schwarzenegger poursuit sa désastreuse prestation (gouverneur c’est comme acteur, ce n’est pas donné à tout le monde), « this was then, and this is now ».

‘La situation était ce qu’elle était, et elle est ce qu’elle est, maintenant’. L’euro a eu beau gagner 11% contre le dollar en décembre et arriver presqu’à parité avec la livre, les fondamentaux de l’économie européenne sont mauvais. Ils sont pires que ceux de l’Angleterre. Si on se base sur la production industrielle, c’est deux fois six à la douzaine. En revanche, quand on regarde du côté de la demande finale des consommateurs, la chute en Europe continentale est beaucoup plus marquée. Le renchérissement de la monnaie européenne n’arrange pas le carnet de commande des exportateurs. Comme a dit Sarkozy, « on n’a pas fait l’euro pour qu’on ne puisse plus construire un Airbus en Europe. » Et l’effondrement de la demande intérieure donne peu de perspectives d’espoir aux entreprises. Dans ce contexte, si vous êtes Jean-Claude Trichet et que visiblement vous voulez attirer des capitaux, vous allez interdire à Europe d’aller habiter à ZIRP.

This was then, and this is now. La Banque d’Angleterre, avec sa devise dépréciée (elle était remontée aujourd’hui à 0,88 € pour une 1 £), et son argent presque gratuit est dans une situation de dévaluation compétitive vis-à-vis du Continent. Si la BCE ne baisse pas son taux direceteur, alors que l’Allemagne traine des pieds pour faire un chèque de 2% de son PIB et financer la relance de tout le monde, alors que le futur gouvernement Obama est sur le point de lancer un « stimulus package » de 6 à 8 points de PIB, avec la panoplie complète de la relance : grands travaux, soutien de l’investissement, aide aux chômeurs et aux ménages surendettés, Europe va se retrouver à longer le corridor de son grand appartement et à toucher les radiateurs froids.

Réponse de Trichet le 21, au lendemain de l’entrée en fonctions de Barack Obama. Quelle époque trépidante !

Gabrielle Durana
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