dimanche 4 mars 2012

Pacte budgétaire : solidarité, responsabilité, ratification ? (148ème épisode)

4 mars 2012


Le nouveau traité européen visant à inscrire une « règle d’or » d’équilibre budgétaire dans chacune des constitutions des Etats membres a été signé par les 17 pays de la Zone Euro et par 6 pays de l’UE, soit 25 des 27 pays de l’Union, vendredi 2 mars à Bruxelles. Le Royaume-Uni et la République Tchèque n’ont pas souhaité participer à cet approfondissement du fédéralisme budgétaire et ne sont pas signataires. Le nouveau traité est prévu pour entrer en vigueur à la 12e signature d’un des 17 pays membres de la Zone Euro.

L’accord international ainsi conclu se présente comme la dimension « responsabilité » et la contrepartie du volet « solidarité », institué par le traité du MES (Mécanisme Européen de Stabilité).


Il y aurait beaucoup à dire sur une solidarité qui prête aux Etats pour rembourser des banques des pays prêteurs et laisse la population locale exsangue.

Au delà, qui n’est pas pour la responsabilité en matière budgétaire ? Y a-t-il des hommes politiques qui se présentent au suffrage en promettant de dilapider les finances publiques ?

Sous couvert de sagesse, le traité du Pacte budgétaire pose un dogme : que des finances publiques pour être bien gérées ne doivent jamais être en déficit. Cette thèse est contestée depuis la publication de la « Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie” par Keynes en 1936.

Sans refaire 80 ans d’histoire de la pensée économique, il est intéressant de constater ce qui se passe quand ceux qui croient avec la foi du charbonnier à la validité du dogme se retrouvent dans la situation où la réalité ne suit pas. Il est difficile de soupçonner M. Rajoy, nouveau premier ministre espagnol et ancien patron de Lehman Brothers Péninsule Ibérique d’inclination keynésienne. Unarticle dans le Wall Street Journal le même jour, vendredi, titrait pourtant : « L’Espagne défie l’UE sur le déficit ». Il explique qu’une « situation économique en rapide détérioration et un important dépassement budgétaire en 2011 ont rendu la déviation [de l’objectif originel de déficit de 4,4% à 5,8%] nécessaire ».

De même, le bureau néerlandais d’analyse économique prévoit que le déficit du pays dépassera les limites imposées par la zone euro en 2013.

D’ailleurs, si la règle d’or doit être gravée dans le marbre des Constitutions, selon ses défenseurs, c’est qu’avant elle, il y avait déjà le Pacte de Stabilité, continuation des Critères de Convergence de Maastricht, qui interdisait des déficits de plus de 3% et que presque personne n’arrivait à le respecter ; pas même l’Allemagne. CQFD ! A moins que comme estimait le chancelier allemand Bethmann-Hollweg, à la veille de la Première Guerre mondiale, au sujet du traité de 1839 garantissant la neutralité de la Belgique, les traités ne soient que des « chiffons de papier ».

En application de sa propre constitution, l’Irlande a tout de suite déclaré qu’elle organiserait un referendum pour ratifier le traité de “Stabilité, coordination et gouvernance dans l’Union Economique et Monétaire”, puisque celui-ci conduisait à un abandon partiel de sa souveraineté en matière budgétaire. Mais se voulant rassurant le Premier Ministre Enda Kenny a annoncé « un soutien massif » de son pays au traité.

Les cosignataires n’étaient pas si ravis, mais Herman Van Rompuy déclarait « Vous devez maintenant tous aller convaincre vos parlements et vos électeurs que ce traité est important pour ramener l’euro durablement dans des eaux sures. J’ai tout à fait confiance que vous y parviendrez. Le traité est court et clair, ses avantages sont clairs, et surtout, vous êtes des politiciens talentueux (« gifted ») –sinon vous ne seriez pas là. »

Avec les délais d’organisation, le référendum ne pourrait pas avoir lieu avant au moins trois mois. Les sondages les plus récents pronostiquent une victoire du “oui” en Irlande.

La ratification dont personne ne parlait vendredi mais qui risque de faire souci est celle de… la France.

En effet, François Hollande, favori dans les sondages face au président signataire, M. Sarkozy, déclare son intention, après les élections des 22 avril et 6 mai 2012, de renégocier le dit traité.

Or depuis la victoire historique de la Gauche au Sénat en septembre 2011, la France vit en situation de quasi-cohabitation. Certes pour tous les sujets de politique interne, les mécanismes du parlementarisme rationalisé permettent de passer outre une obstruction de la chambre haute, mais pas sur les questions européennes ou les traités internationaux, pour lesquels une majorité des 3/5 est requise.

Donc, quelle que soit le résultat des urnes le 6 mai au soir, c’est bien le Parti Socialiste qui détient la faculté d’empêcher la signature du traité par la France. Il y aurait bien la possibilité de contourner le Parlement en organisant un référendum comme les Irlandais, sauf que l’enthousiasme européen s’est bien érodé depuis le « non » å la constitution européenne en 2005.

Certes le traité peut entrer en vigueur sans la ratification de la France mais aura-t-il la même valeur psychologique aux yeux des marchés pour qui il avait été rêvé et aussitôt fait ? Les cyniques disent tout bas que M. Hollande se couchera après les élections et que sa rhétorique n’est faite que pour plaire au Front de Gauche, dont il a besoin pour gagner le 6 mai. Les optimistes croient dans l’ouverture d’un nouveau cycle politique, où les progressistes retournent aux responsabilités d’abord en France, puis en Allemagne ; les élections ont des conséquences.

Gabrielle Durana