mercredi 12 mai 2010

la panique porte conseil (97eme épisode)

Mercredi 12 mai 2010


Trois morts. La bourse grecque avait fini en baisse de 25,8% depuis début 2010 et 12,8% en une semaine. Francfort avait perdu 6,9%, l’indice Hang Seng 5,6%. Londres dit mieux : -7,7%, dépassée par Paris -11,1% et Madrid -13,8% (-24,2% en 5 mois) ; à vous donner autant de sueurs que s’il s’agissait de températures. Mumbaï serrait les dents et faisait presque bonne figure avec -4,5%. Sidney et Tokyo encaissaient -6,3% en 5 jours. Pouce !


Cette histoire, je voudrais ne pas l’écrire comme je la comprends car elle met la morale par terre. Ce que les Européens fédéralistes avaient rêvé, jusqu’à tomber du lit, la panique financière a fait en un week-end.

«Si les marchés financiers réagissent avec excès, les politiques doivent faire de même», disait Ernesto Zedillo, l’ancien ministre des finances puis président mexicain. De la réunion des chefs d’Etats européens au chevet de l’euro, sont sorties deux décisions incroyables.


D’abord, il vient de naitre un Fonds Monétaire Européen abondé à hauteur de 750 milliards d’euros, soit un trillion de dollars. En examinant le tableau ci-dessous, tiré d’un article du New York Time paru le 29 avril 2010, nous pouvons constater que dans le dispositif inventé ce week-end les contribuables et les créanciers ont quasiment la même nationalité ; sauf peut-être Chypre qui en sera potentiellement de la poche de son contribuable pour 1 milliards d’euros. Et bien sûr la Grèce, qui depuis son indépendance en 1829 est entrée en cessation de paiement ou en défaut, selon Carmen Reinhart et Ken Rogoff[1], cinquante fois.




Pour prendre une analogie avec la crise aux Etats-Unis, l’Europe vient d’adopter un programme comme le TARP
[2] pour sa zone. Remplacez la Grèce par le nom de Bear Stearns et le Portugal par Freddie Mac, l’Espagne c’est AIG. Citigroup est joué par l’Italie et la France, notre France est Goldman Sachs.


Le Fonds Monétaire Européen sera abondé par les Trésors des 27 pays de l’UE, moins les bénéficiaires. Les parlements nationaux devront approuver. Vous reprendrez bien une autre tranche de panique et une tasse de spéculation ?


La deuxième mesure incroyable est le revirement de la Banque Centrale Européenne en matière de rachat de la dette des Etats de l’Union. Aux Etats-Unis, la Fed intervient sur les marchés, au même titre que la Caisse de retraite des enseignants de Californie ou d’autres « zinzins » (nom affectueux des investisseurs institutionnels, allitération en ZIN, qui a dit que les financiers sont des poètes ?) pour acheter ou vendre des bons du Trésor. Elle le fait habituellement dans le marché secondaire (pensez au particulier qui revend sa voiture et remplacer le vendeur par un « zinzin » et l’acheteur par une banque centrale). Depuis lundi, elle le fera aussi sur le marché primaire ; un peu comme si à la sortie de l’usine, il n’y avait personne pour acheter les véhicules obligataires et que le service comptabilité ne désengorgeait le parking en se portant acquéreur. Et l’argent pour payer sort de son imprimante.


Ce n’est pas la révolution en chantant, surtout si vous êtes Grec, puisqu’on vous promet une destruction de richesses dans votre pays de 4% en 2010, de 2,65% en 2011 et peut-être un retour à la croissance en 2012. Mais c’est la révolution.


Et que les marchés capitalistes dictent des leçons d’anti-égoïsme est un comble. Le traité de Maastricht était né de la douleur des raids sur les devises européennes en 1992-1993. Les Etats-Unis ont cessé d’être une confédération après l’écrasement du Sud par le Nord à Appomatox. Il est dommage que la route vers l’Europe fédérale ne soit pas goudronnée, on pourrait défiler. La, on claudique mais on avance.


Gabrielle Durana

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[1] Carmen Reinhart and Ken Rogoff, “This Time Is Different: A Panoramic View of Eight Centuries of Financial Crises,” National Bureau of Economics, 2008

[2] Le Troubled Asset Relief Program a été adopté en octobre 2008 sous l’administration Bush-Paulson en réponse à la crise des subprimes qui avait vérolé les principales banques du pays. Dans un premier temps, il était question d’utiliser les 700 milliards de $ pour racheter les actifs toxiques, mais rapidement Paulson a changé de stratégie et a préféré recapitaliser les banques.

1 commentaire:

Auteur a dit…

J'adore le ton de tes articles, toujours entre rigueur académique et métaphores humoristiques. Très bon travail de vulgarisation des réalités de l'économie d'aujourd'hui. A quand le prochain article ? On en veux encore !

PS : on s'est rencontré à Québec (réunion MFE).