mercredi 16 juin 2010

99eme chronique :Tchernobyl-les-bains

Marée basse en Bretagne

16 juin 2010

Combien vaut un cormoran créole? Pendant longtemps, le forage en eaux profondes était comme la liposuccion, un mal nécessaire d’après l’industrie du pétrole pour libérer toute cette cellulite noire qui dormait enkystée sous la calotte. Depuis le 20 avril qu’une plate-forme de BP a explosé le long du Golfe de Louisiane, tuant 11 salariés et que l’heureux propriétaire n’arrive pas à reboucher le puits, se déverse un joli bleu pétrole, l’équivalent d’un Exxon Valdez tous les cinq jours. Ce cargo-citerne échoué en mars 1989 sur les côtes de l’Alaska était considéré jusqu’alors comme la plus grave catastrophe écologique de l’histoire des Etats-Unis. Elle avait marqué les consciences autant que l’accident d’Union Carbide à Bophal en Inde. Au total, l’entreprise dont le siège se trouve dans le New Jersey (tous les magnats ne sont pas Texans !) avait dû abonder 3,5 milliards de dollars pour indemniser les victimes et réparer le dommage à l’environnement.


Hier, le Président des Etats-Unis avait menacé de bloquer les comptes ou de saisir les actifs de BP pour s’assurer que l’indemnisation arriverait aux victimes, hôteliers, marins-pécheurs et riverains dans un délai raisonnable. Les spéculations sur la possible faillite de BP allaient bon train. Sur Wall Street TV, sur une petite fenêtre, on voyait le cours de l’action dégringoler et dans une autre, l’image de la caméra qui diffuse en temps réel le déferlement de cette boue funèbre. Sur le reste de l’écran, d’aucuns criaient à l’atteinte à la propriété privée. D’autres à la stupidité présidentielle : pourquoi tuer la poule aux œufs noirs ? Il ne faut pas l’égorger, laissez-la pondre. Les premiers reprenaient la parole pour avertir que si on rerégulait l’industrie pétrolière états-unienne, elle partirait forer le long des côtes du Brésil et d’Afrique. Adieu, veaux, vaches, emplois. Le badinage était interrompu par le président qui rappelait que si les Etats-Unis consomment 20% du pétrole de la terre, ils possèdent 2% des réserves. Ce qu’il veut c’est la révolution des énergies propres, par delà le songe en vert et jaune, les couleurs du logo de Beyond Petroleum (1).

Aujourd’hui, le PDG de BP a annoncé que la firme, dont l’action a perdu 50% de sa valeur depuis la marée noire ne distribuerait pas les 10 milliards de dividendes trimestriels prévus et qu’elle allouerait 20 milliards à un fonds de réparation des torts (ce mot anglais pour dire « responsabilité civile » ; il y a plus de mots français en anglais que de franglais en France).

Faites le calcul : 58 jours divisé par 5… cela fait 12 petites apocalypses. Et maintenant, une inéquation : 3,5 milliards $ multiplié par 12, combien de profits à ne pas distribuer aux actionnaires, dont 40% sont de nationalité britannique, -« British Petroleum », cela fait tellement mauvaise foi- et 39% américains ? Sur le site web, les formulaires pour se faire rembourser sont aussi disponibles en espagnol et en vietnamien. Le cormoran cherche un écrivain public.


Gabrielle Durana

All rights reserved



[1] Slogan de BP. Littéralement « au-delà du pétrole ».



Aucun commentaire: