vendredi 26 février 2010

Pour un traité de non-prolifération financière (93ème épisode)


Wayne Thiebaud, Wide Downstreet, huile sur toile, (1994)

Le courrier des lecteurs est à la fin.

26 février 2010

Vivre à San Francisco offre des moments inoubliables entre deux tremblements de terre. Un peu comme jouer au petit Méliès et un jour travailler dans le Presidio avec George Lucas, ou être gay dans le placard et découvrir la normalité en dehors du Castro, ou longer Geary boulevard, les vieux immeubles coiffés de panneaux solaires avant le consulat de Chine. Il y a aussi aller au travail en voiture électrique et résoudre des équations posées par Google sur les panneaux publicitaires de l’autoroute. Hier, au Commonwealth Club, Amartya Sen dont la lecture à 22 ans, m’avait redonné des forces et la fierté de devenir économiste, face au saupoudrage technocratique de Sciences Po (c’était avant Jacques Généreux !) et au formatage néoclassique de l’ENS (« l’économie a les mains pures mais elle n’a pas de main »), cet homme de 78 ans partageait un peu de son savoir avec cent cinquante mortels. De Nobel à noble, il n’y a qu’une dyslexie d’écart, et le cerveau d’Amartya Sen est certainement câblé différemment que celui de bien des économistes puisqu’il s’intéresse aux famines, aux inégalités et au développement humain.

Sa conférence ne parlait pas de Mère Teresa. A la suite de Wittgenstein, il analysait comment la distinction entre le sens des mots « good » (=bon) et « well » (=bien) s’était progressivement gommée. Puis il exposait les deux grandes manières de voir l’avènement de la justice sociale (« the good society »): soit par des institutions idéales sur la base d’un contrat social (dans la tradition de Hobbes, Locke, Rousseau, Condorcet et John Rawls) soit grâce au comportement des personnes (Quesnay, l’Adam Smith de la théorie des sentiments moraux, Marx et Stuart Mill). Il se classait lui-même dans la deuxième catégorie. Au moment des questions, une des fiches sélectionnées par le modérateur demandait quelle était la solution pour qu’une crise comme l’actuelle ne se reproduise plus. Les penseurs du premier groupe considèrent qu’il suffit que les institutions soient suffisamment bonnes (« well ») pour éviter un tsunami financier. Mais comme il l’expliquait à Kenneth Arrow 1)au moment du déjeuner à Stanford, - j’essaie d’absorber son élixir de sagesse et qu’ecce homo a déjeuné avec « le théorème d’impossibilité » - pour « faire le bon », la seule réponse adaptative au comportement des individus est la régulation.

La crise des finances publiques européennes continue. L’euro qui cotait 1,51$ en décembre oscille à 1,36$ hier ; soit quand même 10 centimes de plus qu’il y a un an, mais en baisse de 20% sur deux mois (cf : graphique). Les Grecs sont sommés de se présenter le 16 mars avec un plan d’austérité acceptable par le Conseil Européen. En attendant la rue s’est réveillée et le ministre des Finances hellénique ne dort plus, qui doit emprunter 54 milliards € cette année. Il a déjà levé 13 milliards € ; et 22 milliards € de bons du Trésor arrivent à maturité en mars et avril. Il doit donc parvenir à payer ou à refinancer ce montant avant l’échéance. Le défi commençait d’ailleurs cette semaine avec une vente aux enchères à hauteur de 5 milliards €, qui tombait le jour de la grève générale de la fonction publique. Le grand argentier a donc préféré renvoyer le test à la semaine prochaine.


Source : New York Times

On peut bien sûr s’interroger si les institutions européennes étaient idéales et même si elles avaient caressé l’objectif de justice sociale. A en juger par le Non à la Constitution européenne, on connait la vox pupuli. Les opérations comptablesii destinées à embellir les finances publiques des différents pays de la future Eurozone égalent la foi passable des banques privées américaines qui naguère préparaient les petites verrines de subprimes et les distribuaient comme des hosties. Le moins seyant de ces montages, imaginé par Goldman Sachs avec la Banque Nationale de Grèceiii consistait à créer l’illusion d’un flux d’argent par l’émission d’obligations qui ensuite servaient d’instrument de couverture (collateral) à une demande de prêt auprès de la BCE. Au passage, le déficit national grec semblait avoir baissé et Goldman Sachs empochait 300 millionsiv. La seule différence avec les manipulations d’Enronv est la taille rapportée au chiffre d’affaire, ici au PIB, pas la nature de la manœuvre.


Si seulement l’UE était réformée et ses institutions devenaient sans cesse plus idéales, nous aurions de moins en moins de problèmes, disent les uns. La finance publique ou privée n'écoute pas la bride et les coups de poing sur la table ne la persuadent pas. Seule, elle comprend la régulation, disent les autres.


Il n’y a pas de synthèse hégélienne. Avec des marchés interconnectés, la dérégulation des uns pousse au moins disant des autres. Non pas un gouvernement mondial, fût-il idéal, mais de l’éthique - en 2009, Ben Bernanke a fait gagner 45 milliards $ à la Fed et a reçu un salaire de 190.000$, pas de bonus- et une régulation mondiale. Appelons-le, un traité de non-prolifération financière et signons-le pour éviter la destruction mutuelle. A partir de minuit, tous les CDS, et autres produits dérivés non préalablement autorisés deviennent caducs et ne peuvent plus exploser. Amartya Sen est un pragmatique.


Gabrielle Durana


----

i Né en 1921, Kenneth Arrow a reçu le prix Nobel d’économie en 1972, à l’âge de 51 ans. Sa thèse de doctorat portait sur la démonstration mathématique du « paradoxe de Condorcet » : pour obtenir la préférence d’une collectivité, on ne peut pas se contenter d’agréger les préférences individuelles, d’où le nom de son théorème dit d’impossibilité. Arrow est également le plus jeune lauréat de tous les temps.

ii Le Wall Street Journal du 25 février 2010 donnait quatre exemples : de 1997 à 2003, la Grèce a invoqué le secret défense pour ne pas déclarer 8.7 milliards d’euros de dépenses militaires. En 2001, le Portugal a minoré de moitié son déficit budgétaire en imputant des subventions aux entreprises publiques comme recettes au budget de l’Etat. En 1997, toujours dans l’optique d’entrer dans l’euro, l’Italie a conclu un swap de devises pour réduire son déficit budgétaire de 0.05%. Enfin, en 1997, la France avait reçu une soulte de France Télécoms de 5 milliards d’euros, à charge pour l’Etat de payer la retraite des fonctionnaires de l’entreprise désormais privatisée.


iii Le nom peut prêter à confusion. Ce n’est pas la banque centrale. Il s’agit de la plus ancienne banque commerciale du pays.

iv Pour une explication détaillée du mécanisme, lire le Wall Street Journal du 22 février 2010 “The Woman behind Greece’s Debt Deal”, C1.

v Si vous avez un peu oublié la chute de la maison Enron et celle d’Arthur Andersen, le cabinet d’audit et de conseil dans la foulée, vous pouvez visionner le documentaire « The smartest people in the room » (2005).

----

Courrier des lecteurs :

Depuis Bruxelles :

« Merci pour ta dernière chronique, où je fais quelques commentaires sur les 3 solutions proposées :

1) L’émission d’un emprunt obligataire européen pour lever des fonds pour les PIGS mais avec la signature des 27 et le taux préférentiel de l’Allemagne.

Je n’arrive pas à croire qu’un emprunt obligataire européen puisse avoir la signature des 27 avec des monnaies si différentes dont certaines en difficulté (Hongrie, Roumanie, Bulgarie, Lettonie, …) donc je pense que tu faisais plutôt référence à la seule signature des 16 pays de la zone Euro

(Allemagne ; Autriche ; Belgique ; Espagne ; Finlande ; France ; Grèce ; Irlande ; Italie ; Luxembourg ; Pays-Bas ; Portugal ; Slovénie ; Chypre ; Malte ; Slovaquie)

Auxquels il devrait normalement être possible d’ajouter : Le Danemark, l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie qui participent au mécanisme de change européen II (MCE II), ce qui signifie que la couronne danoise, la couronne estonienne, le lats letton, et le litas lituanien sont liés à l’euro. De manière très stable et de facto c’est quasiment la même monnaie pour les marchés financiers en tout cas. Cela ferait donc 20 pays sur 27. En l’absence de réelle politique économique et budgétaire commune, cela semble quand même peu réaliste.

2) Un prêt bilatéral. Ex : l’Allemagne, les Pays-Bas ou la Chine prêtent de l’argent à l’Etat impécunieux.

Cela semble l’hypothèse la plus sérieuse, sachant que l’Allemagne ou les Pays Bas peuvent vouloir voir de près comment un pays du club MED gère ses finances publiques de manière plus étroite. Cela aussi aurait un impact plus fort sur les marchés financiers car avec la tutelle financière d’un de ces deux pays du grand nord de l’Europe dite plus sérieuse, la confiance reviendrait plus vite et l’écart des taux de refinancement des obligations d’Etat se resserrerait incontestablement et durablement.

3) Une intervention du Diable, pardon du FMI qui arrive avec ses crédits d’urgence et impose une politique d’ajustement structurel.

Inévitable si tout le bon argent que les Pays de l’OCDE avec leurs banques centrales ont refilé aux banques en difficulté sert maintenant de munitions lourdes pour attaques les pays les plus vulnérables de la zone Euro, après l’Espagne, c’est l’Italie, la France et la Belgique en ligne de mire.

Les trois possibilités comportent des coûts politiques élevés (je ne crois pas vraiment à la 1ère car il faut un traité plus contraignant en matière économique et fiscale mais cela peut anticiper sur la conclusion d’un nouveau traité européen en matière économique et fiscale, mais cela pourrait prendre dans l’immédiat la forme d’un pacte de stabilité et de croissance DUBLIN II ultrabétonné par exemple, pour la 2ème hypothèse il s’agit ni plus ni moins de transformer tous les riches grecs en riches allemands avec un écart de 20à25 siècles de coutumes économiques et fiscales ce n’est pas facile, pour la 3ème hypothèse, il faudra bien y venir un jour si la contagion se répand déjà l’Espagne, puis après l’Italie et la France pour compléter le club MED (car le FMI a beaucoup de bon argent à placer de recommandations made in Africa, Latin America et Asia à refourguer), cela pourrait finir à terme par une zone EuroNord solide et une zone EuroMed 100% élastique, je plaisante à moitié ;-))).

Cela serait drôle (une fois) qu’avant 2012, DSK patron du FMI vienne en France pour renégocier la dette publique française avec crédits d’urgence et ajustement structurel à la clef (arroseur arrosé vu ce que la France a fait subir à ces partenaires africains francophones entre autres). La France serait ainsi aux premières loges du Club de Paris dont elle assure le secrétariat permanent. »


mardi 9 février 2010

Un air de Bear Stearns (92ème épisode)

Route à la sortie de l’aéroport d’Iqaluit, « capitale » du territoire inuit du Nunavut (quatre fois la France et 26.000 habitants).

8-9 février 2010


A trois heures et demie d’avion de Toronto, direction plein Est le Groenland, s’est tenue le week-end dernier une réunion des ministres des finances du G7. Iqaluit, 7.000 habitants, une rue principale et quelques arbres nains offrait la tranquillité nécessaire pour tacler la crise des finances publiques qui affecte depuis une semaine les pays les plus vulnérables[i] de la zone euro.

En dépit des paroles rassurantes par -40ºC, le vent est à la tempête. Cet après-midi, la bourse de New York a clôturé à son cours le plus bas depuis le 4 novembre 2009. Le Dow Jones était repassé sous la barre des 10.000 points, à 9.908. Le Nasdaq dévissait à 2126. L’euro cotait 1,37$, son cours plancher sur neuf mois.

La viande de phoque, servie au banquet, appréciée des Inuits et interdite dans l’Union Européenne n’est pas en cause. Ce qui fait trembler les places est la possibilité qu’un des pays de la zone euro entre en cessation de paiement.

On a du mal à croire qu’une telle chose puisse arriver. Au moment où sont publiées les mémoires[ii] d’Henry Paulson, le Secrétaire au Trésor de Bush qui présida à la faillite de Lehman Brothers, l’une des cinq grandes banques d’affaires américaines, qui avait survécu à toutes les crises du XXème siècle, on a aussi du mal à croire qu’une telle chose ne puisse arriver. Par accident ; ce que Nassim Nicholas Taleb appelle un « cygne noir »[iii], un événement hautement improbable, aux conséquences gigantesques, et qu’on peut assez facilement expliquer à posteriori.

Pour l’instant, la situation est la suivante : aux Etats-Unis, la reprise est enclenchée (+5,7% au dernier trimestre 2009), grâce au plan de relance de 700 milliards de $ adopté l’année dernière.

Voici un diagramme tiré du New York Times qui détaille les parts égales dévolues aux réductions d’impôt, aux dépenses de modernisation des infrastructures et au traitement social du chômage.




La machine économique américaine est repartie, mais sans création d’emplois. Un comblement partiel de la baisse de la demande globale, ce qu’en économie on appelle l’output gap a été rendu possible grâce à la dépense publique et aux exportations que favorisent un dollar faible, et des gains de productivité (« travailler autant pour produire plus »).

Tout ceci a bien sûr un coût : le plafond du déficit autorisé a dû être relevé par le Congrès. C’est désormais une coupole d’1,9 trillions $ qui surplombe le futur du contribuable américain. Obama a tout de même pris la précaution de marteler lors de son discours sur l’état de l’Union du 27 janvier qu’il ne laisserait pas filer les déficits, en 2010, au-delà d’1,56 trillions, soit 10,6% du PIB. Il expliquait ainsi que l’endettement public devrait être stabilisé dès 2011 et réduit d’ici à 2013. Pour plaire aux électeurs centristes, il proposait un « gel des dépenses non-obligatoires et non-militaires » en 2011. La gauche, dont mon émission préférée, Rachel Maddow sur MSNBC a cassandré qu’on retournait dans le fossé ! Pour se mettre en vrille, quoi de mieux que réduire les gaz, tirer le manche en arrière, et amorcer le virage de la rigueur ? Déjà que Paul Krugman et Robert Reich avaient prévenus que le plan de relance avait très été en deçà des besoins et trop au-delà des cadeaux fiscaux… La droite aussi a élevé des protestations, elle qui voulait un gel des dépenses dans tous les domaines sauf le militaire et des réductions supplémentaires d’impôts. En réalité, comme l’illustre le schéma ci-dessous, le projet d’Obama de gel de la dépense publique ne touche que 12% du budget total. Les 88 autres % augmenteront de 6,22%, par effet mécanique.


Olga Pierce, ProPublica – 2 février 2010

De son côté le Japon claudique et la Chine fait du triple saut. Le PIB de l’Empire du Milieu a atteint 4.9 trillions $, légèrement en dessous des 5,1 trillions du PIB du Soleil Levant. Le premier avait mis en place dès mars 2009 un plan de relance sur deux ans de 4 trillions de yuans (580 milliards de $).


Voici un diagramme qui détaille la part du lion vouée à l’investissement, ce qui est logique vu le stade de développement du pays.



A ce plan, s’est ajoutée une politique monétaire expansionniste de 9.59 trillion yuans en 2009 (plus d’un trillions $ en douze mois). Les banques ont fait crédit aux particuliers et aux entreprises de manière ultra-volontariste ; lesquels désirent emprunter pour un frigidaire, un joli scooter, l’atomixer et nous serons heureux.


La combinaison des deux leviers de la politique économique a permis d’amortir la crise sans relativement trop de problèmes. Ainsi, si la croissance est d’abord redescendue à un rythme de 7,5%, à faire certes pâlir le reste du monde mais qui était insuffisante pour continuer la modernisation, -en réalité c’était même le niveau le plus faible en 19 ans-, au dernier trimestre de 2009, la machine est repartie : + 10.7% marque soudain le rythme le plus rapide depuis 2007 ! Aujourd’hui, l’inconvénient de son avantage est que la Chine est en surchauffe. L’inflation et la frénésie immobilière (+7,8% en décembre en moyenne dans 70 grandes villes) s’alimentent l’une l’une. On n’amadoue pas les bulles en leur susurrant d’arrêter.


Revenons à nos cochons européens. Un an sans relance, les déficits se sont creusés et l’économie est tombée dedans. Seuls les Allemands avaient les moyens d’actionner la pompe à finances publiques, mais une relancette suffira. 23 milliards € annoncés à l’automne 2008, qui par l’intervention du ralentissement des exportations se transformèrent en 50 milliards € au printemps 2009. Aucun des pays en crise dans l’UE ne faisait partie de la zone euro ; aussi les interventions du FMI, organisme basé en Amérique en faveur de la Hongrie, la Lettonie et la Roumanie ont-elles été argumentées avec des sophismes. Le renchérissement du financement de la dette grecque, pour qui la prime de risque par rapport à des bons du trésor allemands est de 4% rappelle la question du risque moral des agences de notation qui hier donnaient des A+ à des prêts signés par des emprunteurs à bout de leurs capacités financières pour décréter plus tard que les mêmes étaient devenus insolvables. Les Credit Default Swaps sur la faillite de l’Etat grec se négociaient au même coût que la dette de Dubaï.


De la Grèce au Portugal, à l’Irlande, on parle 6% du PIB européen, si tous venaient à déchoir. Du menu fretin. Le vrai danger jaillirait d’une cessation de paiement de l’Espagne, 14% du PIB de l’UE ! Dans un scénario bien connu de déclenchement du premier tsunami financier, les banques françaises, allemandes et suisses, à la croissance dans la mère-patrie atone, mais massivement investies chez les tigres-qui- n’étaient-pas-encore-devenus-des-cochons, ces banques perdraient des sommes colossales qui les entraineraient à leur tour dans la chute de la maison commune. A combien s’élève le risque systémique ? D’après la Banque des Règlements Internationaux, basée à Bâle, au troisième trimestre 2009, les institutions françaises présentaient 75.5 milliards $ de risques en Grèce, 78 milliards $ en Irlande. Les Suisses prêtent le flanc à hauteur de 64 milliards $ en Grèce, le Royaume-Uni de 193 milliards en Irlande. L’Allemagne détient le record du risque-pays avec 240 milliards $ en Espagne. Elle a aussi 78 milliards engagés en Irlande.


C’était donc seulement une question de temps avant que les Européens interviennent pour sauver les maillons faibles. Avant le week-end, la BCE, la Commission européenne, l’Allemagne tel le coryphée informaient le public que la clause dite du « no bailout »[iv] stipulée à l’article 123-1 du traité de Lisbonne[v] s’appliquait. Tandis que Pervenche Berrès, ancienne présidente de la commission aux affaires économiques du Parlement européen invoquait l’article 122-2[iv] pour démontrer qu’une solution juridique existait, si la volonté politique aussi.


Plusieurs solutions en fait :

1) L’émission d’un emprunt obligataire européen pour lever des fonds pour les PIGS mais avec la signature des 27 et le taux préférentiel de l’Allemagne.

2) Un prêt bilatéral. Ex : l’Allemagne, les Pays-Bas ou la Chine prêtent de l’argent à l’Etat impécunieux.

3) Une intervention du Diable, pardon du FMI qui arrive avec ses crédits d’urgence et impose une politique d’ajustement structurel.


Les trois possibilités comportent des coûts politiques élevés.


Au 9 février, c’est donc une intervention à la Bear Sterns, cette petite banque d’affaire sauvée des eaux in extremis en mars 2008 qui est annoncée par le ministre allemand des finances.


Le Dow Jones célèbre. +150,25 points, soit +1.5%. Il revient à 10058.84. Les places allemandes, françaises et suisses étaient déjà fermées mais l’euro est repassé à 1,38. On a toujours besoin d’un Léviathan plus petit que soi. La solidarité budgétaire européenne est née. Il n’est pas très beau, le divin enfant.


Gabrielle Durana




[i] Les “PIGS” : Portugal, Ireland, Greece, Spain, notez l’acronyme désobligeant qui veut dire “porcs” dans la langue de la vache folle.

[ii] On the Brink: Inside the Race to Stop the Collapse of the Global Financial System, chez Business Plus (sortie le 1er février 2010)

[iii] Le cygne noir : La puissance de l'imprévisible, aux Belles Lettres (2008, 2007 pour la version anglaise). Le titre est basé sur le débat d’épistémologie lancé par Kuhn sur l’invalidation des théories et le changement de paradigme. Il suffit qu’un seul cygne soit noir pour que l’affirmation « tous les cygnes sont blancs » cesse d’être vraie. L’exemple type d’un événement cygne noir est la chute du Mur de Berlin, les attentats du 11 septembre 2001, la faillite de Lehman Brothers.

[iv] Le ‘bailout’ est littéralement la caution qu’on paie pour sortir de prison en attendant le jour du procès. Par extension, c’est quand l’Etat, tel un deus ex machina intervient pour payer les dettes d’une grosse entreprise ou d’une banque, dont les conséquences de la faillite se propageraient à d’autres dans un effet domino.

[v] "Il est interdit à la Banque centrale européenne (BCE) et aux banques centrales des Etats membres, ci-après dénommées "banques centrales nationales", d'accorder des découverts ou tout autre type de crédit aux institutions, organes ou organismes de l'Union, aux administrations centrales, aux autorités régionales ou locales, aux autres autorités publiques, aux autres organismes ou entreprises publics des Etats membres ; l'acquisition directe, auprès d'eux, par la Banque centrale européenne ou les banques centrales nationales, des instruments de leur dette est également interdite."

[iv] "Lorsqu'un Etat membre connaît des difficultés ou une menace sérieuse de graves difficultés, en raison de catastrophes naturelles ou d'événements exceptionnels échappant à son contrôle, le Conseil, sur proposition de la Commission, peut accorder, sous certaines conditions, une assistance financière de l'Union à l'Etat membre concerné. Le président du Conseil informe le Parlement européen de la décision prise."