22 octobre 2010
Les élections américaines sont dans 11 jours. Bien sûr, l’équipe Bush avait mis huit ans à lancer deux ou trois guerres et mettre l’économie à genoux. Bien sûr, Obama ne marchait pas sur l’eau et il ne pourrait pas démultiplier les emplois avec un plan de relance trop timoré. Paul Krugman ou Robert Reich s’en étaient immédiatement inquiétés. Pourtant, à mi-mandat, on ne peut pas s’empêcher la question qui ne pardonne : Obama a-t-il au moins réussi à inverser la tendance ?
Le week-end, je cours au bord de l’océan Pacifique, non pas sur des plages de sable blanc mais sur une promenade qui a remplacé l’autoroute, rendue dangereuse par le tremblement de terre de Loma Prieta. Le front de mer s’étire entre la fête foraine de Fisherman’s Wharf et le stade des Giants, qui doivent encore battre les Phillies pour aller en finale. Je passe des hangars transformés en parking à limousines, des restaurants qui font la cuisine à l’énergie solaire, la jetée de ‘Basic Instinct’, le siège de Bloomberg sur la Cote Ouest, le Ferry Building devant et derrière lequel la Vallée vend ses fruits et légumes, la fusée spatiale primée à Burning Man, d’autres docks aux rideaux métalliques immuables, une sculpture d’un arc de Cupidon planté dans l’herbe, que le fondateur de Gap a offert à la Ville de San Francisco et des pubs de supporters. Pour le joggeur qui n’admire pas le Bay Bridge mais le goudron avec ou sans ipod, il y a des citations de Herb Caen, le Paul Valéry local, gravées au sol et des graffitis républicains. « Obamarxim » dit l’un des pochoirs. « No, we can’t » ricane un autre.
J’aimerais pouvoir défendre ce président qui nous a tous fait vouloir être Américains, mais je reste perplexe : Guantanamo n’est toujours pas fermée. Les troupes sont parties d’Irak mais les mercenaires et les conseillers techniques restent. La réforme de l’assurance santé a été votée mais elle entrera en vigueur en 2017, elle ne crée pas d’assurance publique et ne limite pas la dérive tarifaire. Le bouclier fiscal de Bush arrive à expiration au 31 décembre, Obama ira-t-il au bout de sa promesse de le faire fondre au nom des économies budgétaires ?
Depuis décembre 2007, 2,5 millions de logements ont été saisis et leurs habitants délogés. Selon l’agence Associated Press, en 2010, les banques reprennent 100.000 maisons par mois. La presse a révélé début octobre que les procédures sont bâclées pour accélérer le délestage aux enchères, première étape du nettoyage des bilans des banques. Des « robots-signeurs » traitent les dossiers par milliers chaque jour. Oui, d’après les enquêtes préliminaires de plusieurs procureurs, des milliers de maisons sont vendues sans qu’un être humain intervienne dans l’analyse de la situation ou la prise de décision.
Il semble incompréhensible que le gouvernement américain ne déclare pas un moratoire sur les dettes immobilières. Devant l’indifférence ou la récalcitrance des banques, elles-mêmes sauvées des eaux par la générosité forcée du contribuable, le gouvernement devrait rétablir l’équilibre en imposant une halte des saisies immobilières et un fonds de refinancement public des prêts vérolés. C’est ce qu’avait fait Roosevelt en 1933, quand 50% des prêts hypothécaires étaient en souffrance. FDR avait institué le Home Owners' Loan Corporation (HOLC). En l’espace de 3 ans, cet organisme avait refinancé 20% des petits propriétaires du pays. Les nouveaux emprunts s’étendaient sur 25 à 30 ans et ont permis d’apurer les dettes des personnes responsables mais injustement traitées. En 1951, lorsque la HOLC fut démantelée, elle avait dégagé un léger bénéfice.
Un moratoire ce n’est pas un jubilée, cette fête juive célébrée tous les cinquante ans dans l'Antiquité et à l'occasion de laquelle les terres devaient être redistribuées de façon équitable et les esclaves libérés. Dis, maman, et le sauvetage des banques c’était un jubilée ou un moratoire ? Barack Obama mérite un moratoire avant de le juger mais l’hiver approche.
Gabrielle Durana
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