Ligne de Kármán
8 octobre 2010
Les 11.000 points aspirent l’argent qui s’ennuie, le Dow Jones grimpe comme l’eau descend mais la crise n’est pas finie. Avec 9,6% de taux de chômage et 17% de sous-emploi, l’économie réelle américaine est anémiée. Malgré la création de 64.000 emplois dans le secteur privé, l’arrivée à expiration des CDD des agents du recensement et les licenciements massifs par les collectivités locales, dont les recettes fiscales sont atrophiées et le fond de réserve pour jours de pluie asséché, ont causé une destruction nette de 95.000 emplois en septembre. La durée du chômage a cessé de s’allonger mais elle est deux fois plus longue qu'avant la crise.
En Europe, les politiques d’ajustement structurel continuent de se mettre en place à la périphérie avec d’autant plus de brutalité que la dévaluation n’est pas possible, pour cause de monnaie unique et que les poids lourds qui se trouvent aussi être les principaux créanciers mènent un ajustement beaucoup plus modéré chez eux; dont le principal, l’Allemagne, qui tire sa croissance des exportations hors zone euro. Justement, cet été, la Chine a dépassé pour la 1ere fois le Japon comme 2eme puissance mondiale mesurée par l’évolution trimestrielle de son PIB. Les deux pays sont donc au coude à coude avec 5 trillions de $ de PIB mais la Chine croît à raison de 10% par an et le Japon de 0,37%.
Fin septembre, je suis allée à City Lights écouter Robert Reich présenter son dernier livre « Aftershock ». Selon lui, la Chine ne nous sauvera pas. En effet, dans le pacte fordiste qui a assuré ce que de ce côté-ci de l’Atlantique on appelle « La Grande Prospérité » (‘the great prosperity’) et qu’en France on surnomme « Les Trente Glorieuses », il faut qu’à une production de masses corresponde une consommation de masses, or il est impossible selon lui que la classe moyenne chinoise puisse croître à la vitesse nécessaire pour absorber ce qu’elle produit, tout en continuant à absorber un exode rural qui fait de Tianjin un New York chinois et de Qingdao son Los Angeles[1].
En clair, on ne videra pas le grand atelier du monde par le trou de la consommation de 477.000 millionnaires[2] et de 120 millions de membres de la classe moyenne.
Et pendant ce temps, l’atelier continue de se remplir, de nouveaux produits, d’autres ouvriers. Alors, soit ça exporte, soit ça déborde.
Ce qui nous amène à la rencontre très amicale de ce week-end à Washington sous l’égide du Fonds Monétaire International pour traiter des taux de change. Les Américains en la personne de Timothy Geithner, ministre des Finances voudraient que les Chinois réévaluent leur devise de 20%. Aujourd’hui, le yuan cotait 6,6706 $, soit un gain de 2.3% depuis juin, et c’est-bien-le-maximum, répond Beijing. Dominique Strauss Kahn propose une “initiative de stabilité systémique” pour éviter les dévaluations compétitives entre pays en mal de croissance, à commencer par le Japon. Avec une politique monétaire déjà à taux zéro et un déficit budgétaire à taux stratosphérique, il reste soit la traversée de la ligne Kármán avec un nouveau plan de relance, soit l’ajustement par la valeur externe de la monnaie. Il faudra bien que quelque chose cède.
Gabrielle Durana
All rights reserved
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire