samedi 29 janvier 2011

112ème épisode : les émeutes de l’inflation


Le Chicago Board Options Exchange, où est calculé l’indice de volatilité ou VIX


28 janvier 2011


CNBC diffuse les images des affrontements avec l’armée en continu. Le peuple égyptien réclame le départ d’Hosni Moubarak, arrivé au pouvoir la même année que Mitterrand. Il y a deux semaines, Ben Ali, le chef de l’Etat tunisien avait dû se réfugier en Arabie Saoudite. La Révolution de Jasmin est en cours et le domino égyptien, voire yéménite tombera ou ne tombera pas ; qui vivra verra. Si les soulèvements chassaient d’autres dictateurs, qui les remplacerait au Maghreb et au Moyen Orient ? Une opposition démocratique, l’armée, l’Onu, Al Qaeda ?

Aujourd’hui, la Bourse a chuté de 166,13 points soit 1,39 % ; le Dow Jones clôture à 11.823,70. Le panier de titres Standard & Poor's 500 a baissé de 23,20 points. L’indice des valeurs technologiques finit la semaine à 2.686 et perd 68,39 points, soit 2,48 % en une seule séance. Tous les pneus calcinés du Caire, de Tunis et de Sanaa mènent aux troittoirs du 400 South LaSalle Street à Chicago, où les ordinateurs du Chicago Board Options Exchange calculent l’indice de la peur. Premier de cordée sur le Mont Blanc : le Vix culmine à 20,04.

L’allumette qui a mis le feu à ces régimes sclérosés n’est pas Facebook ou Twitter. Les réseaux sociaux ne sont que la mèche par laquelle la colère se répand. L’amadou s’est enflammé parce qu’il y avait eu trop d’inflation sur les produits de première nécessité. En Egypte, principal importateur au monde de blé, elle a atteint officiellement 10% en 2010. C’est le doublement du prix du boisseau en dix-huit mois (cf graphique), qui a battu le briquet. Il ne manquait que le geste de désespoir du marchand de fruits qui s’immole pour qu’éclate la frustration.




Au total, le cours des produits agricoles (‘commodities’) ont tous dérapé : l'indice Reuters-CRB qui porte sur un panier de 19 matières premières caracole aux niveaux d’octobre 2008. Le bétail, le café, qui atteint des sommets jamais vus en 13 ans, le coton, le sucre ont doublé de prix en six mois.

Les incendies en Russie pour le blé et la sécheresse en Argentine, mansarde mondiale à soja, suffisent-ils à expliquer la hausse de 40% des cours en un an ? Si les Etats-Unis ont prévu de produire du maïs à leur niveau le plus bas en 15 ans, il est difficile de croire que l’inélasticité -réelle- de la demande provoque un renchérissement de… 61%. Certes, la croissance des BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) tire les cours vers le ciel, mais les marchés d’instrument de couverture à terme, (« les marchés à option ») étaient censés parer le mauvais temps et garantir la prédictibilité des cours.

En 2007 le Chicago Mercantile Exchange a fusionné avec le Chicago Board Of Trade. Puis en 2008, ils ont absorbé leurs concurrents new-yorkais, le NYMEX[1]et le COMEX[2]. La théorie économique professe que le mécanisme le plus efficient est l’émergence d’un seul marché qui centralise toutes les demandes et toutes les offres portant sur un même type de produit. La fusion de ces places boursières qui toutes proposaient des produits dérivés sur les matières premières aurait dû représenter un progrès en termes de couverture.

A partir de ce constat de « market failure », certains font porter le blâme sur la politique monétaire plus qu’ « accommodante » de la banque centrale américaine : un loyer de l’argent négatif (Quantitative Easing 1) combiné à un rachat de la dette publique avec des dollars créés ‘ex nihilo’ (Quantitative Easing 2) sont les facteurs permissifs de la spéculation.

D’autres sont convaincus que la politique monétaire actuelle est souhaitable car l’économie réelle est atone (plutôt vivre sur ZIRP[3] que mourir de nécrose par déflation). Ils se résignent à ce que le déficit budgétaire arrose le reste de la planète en dollars, car ce « privilège exorbitant », pour reprendre la formule de Barry Eichengreen [4] présente quelques avantages à la maison.

Le chômage en France a atteint 4 millions. En Allemagne, l’inflation est à son plus haut niveau depuis deux ans. Sur les étals de Safeway, les bananes sont passées de 79 à 89 centimes la livre, en un mois. Nous regardons la révolution dans l'oeil de CNN, mais voyons-nous le tsunami s’éloigner depuis Davos ? Il ne reste plus alors qu’à prier les ingénieurs de Chine et de Californie, de Saclay et de Boston pour que la prochaine révolution industrielle arrive. Car le yuan, lui, surchauffe ou pas surchauffe ne bougera pas.

Gabrielle Durana

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[1] Né du marché à terme du beurre, du fromage, des œufs et de la nourriture en boites (1882). Au départ c’était un marché à la criée.

[2] ou Commodities Exchange, crée en 1933.

[3] Zero Interest Rate Policy. Si besoin, relire la chronique numéro 49.

[4] “Exorbitant Privilege: The Rise and Fall of the Dollar and the Future of the International Monetary System” (vient de paraître)


Le Chicago Mercantile Exchange

Le Chicago Board Of Trade

Le NYMEX et le COMEX ont fusionné en 1994

1 commentaire:

A garota poética a dit…

bom seu log não tem nada a ver se eu fosse vc melhorava,,, quaiquer coisa visete o meu blog www.nossaquepoesias.blogspot.com



Eu sou do brasil ok??????