mercredi 17 décembre 2008

Chronique # 49: Les américains débarquent sur la planète ZIRP


16 décembre 2008


Regardez le graphique. Vous ne trouvez pas que la Fed cherche à imiter la grande vague d’Hokusai ? A la fin de ces 9 ans de variations des taux de base, nous sommes le point microscopique rouge en bas à droite. Nous essayons de contrer la violence de la crise en comptant sur le yang des banquiers centraux. Peut-on leur faire confiance pour ramener l’économie à bon port ? Aujourd’hui, le Fed a abaissé son taux de base de trois-quarts de point. Il est maintenant si bas qu’au lieu d’être un taux fixe, il est devenu un taux-cible (target rate) ou taux-pivot, entre 0 et 0,25%.

Bienvenus sur la planète ZIRP (Zéro Interest Rate Policy). Mais avant que vous vous alarmiez, comprenez bien ce qui vous alarme. Que l’argent soit devenu presque gratuit n’est pas la raison pour laquelle retentissent les sirènes. Tremblez plutôt devant les chiffres du chômage : 500.000 personnes ont perdu leur emploi en novembre 2008 et 400.000 ont arrêté de chercher. Transpirez quand vous constatez que les banques arrosées par la moitié du TARP ne poussent toujours pas à prêter. Titubez car en un mois, l’indice des prix à la consommation a baissé de 1,7%.

Maintenant, au cas où vous n’auriez pas peur, permettez-moi de lever votre voile de l’inconscience sur l’heureuse année 2009 qui nous attend.

Nous sommes entrés en déflation. Comme au couvent, une fois entrés, il est surhumain d’en partir. Aux Etats-Unis, les prix ne sont pas tombés d’ autant, aussi vite, depuis 1947. A l’époque, le pays sortait de la guerre, il était en surcapacités et ignorait que le Baby Boom était sur le point de démarrer la plus grande course à la consommation de l’histoire moderne.
Aujourd’hui, les prix baissent en valeur absolue parce que les gens n’achètent pas. Comme me faisait remarquer le taxi qui me ramenait hier du quartier de Castro où j’étais allée voir le film de Sean Penn sur la vie de Harvey Milk -le premier homme politique américain, ouvertement gay et qui a payé de sa vie son combat pour l’égalité des droits et la vie hors du placard-, l’essence coûtait 4,50 $ les 4 litres (le gallon) en juillet, elle est retombée à 1,60$. La bonne nouvelle ne suffit pas à expliquer la chute des prix. Si les MacDonalds et les Burger Kings sont pleins et rapportent à leurs actionnaires, les courses de Noël sont aux abonnés absents. Une grande chaine de magasins de jouets vient même de faire faillite.
Anthropologie des cartes de vœux pour 2009. Traditionnellement, aux Etats-Unis, les cartes ne sont pas vierges mais tartinées de longs textes prêts-à-sentir ; souvent très poétiques ou romantiques ou bien tournés. Il vous en coûtera 7 dollars mais vous n’avez plus à penser, juste à timbrer. Les slogans sont décidés quelques mois en avance et rappelez-vous qu’à la différence de l’Europe, ici nous sommes en crise depuis août 2007. Florilège :
« Let’s spend some time together », en jouant sur le double sens du verbe to spend (=dépenser de l’argent mais aussi passer du temps).
J’ai reçu cette autre : “I wanted to say that this Holiday season you are a gift wrapped up in your own unique package with so much to give. I also wanted to say thank you for sharing your gift with me.” (=Je voulais te dire que ces fêtes-ci tu es un cadeau emballé dans ton propre papier-cadeau et que tu as beaucoup à offrir. Je voulais te remercier de partager cela avec moi).
Quant à mes cartes de vœux ? J’avais pris en novembre une photo d’un gars au début de la rue de Wall Street qui tenait un panneau en croix. Sur un fond blanc, il avait écrit : « Capitalism is dead » (=le capitalisme est mort). J’y suis retournée trois fois, il était toujours là.
Je ne suis pas convaincue que les américains aient durablement découvert que le bonheur vient de moins d’avoir et de plus d’être. A en juger par la quantité d’annonces sur les sites comme Craigslist ou Ebay qui commencent par « ma fille/mon fils vend… », les enfants lèvent des fonds pour la nouvelle console ou l’American Girl Doll du jour (=marque de poupées faites sur mesure pour la modique somme de 120 dollars et plus).
Je ne vous parle pas de San Francisco où, depuis la fermeture des hôpitaux psychiatriques par Reagan dans les années 80, les SDF (homeless ou panhandlers, littéralement agitateurs d’écuelle) sont de notoriété publique et pour la plus grande épouvante des touristes une image classique, comme la maison bleue ou le Golden Gate Bridge. A New York en revanche, j’ai vu en novembre pour la première fois des gens faire la manche dans le métro. C’était dans l’Upper East Side, sur la ligne qui menait au Guggenheim. En fait, en tant que Parisienne, j’avais toujours été épatée par la « propreté » (sic) des rues de Manhattan ; jusqu’ à ce que j’apprenne le sale petit secret de Giuliani. Il n’avait pas résorbé la pauvreté, il lui avait juste interdit de citer dans la Grande Pomme. Paul Claudel disait « La tolérance ? Il y a des maisons pour cela » ; Guiliani et Bloomberg reprennent en cœur : « La pauvreté ? Il y a Brooklyn, Harlem, le Bronx. Circulez ou je vous mets une amende ».
Nous ne vivons pas la Grande Dépression, avec les enfants vagabonds cachés dans les trains et chapardant de la nourriture. Le terme de hobo désigne spécifiquement les clochards des années 30 et Walker Evans, dont les archives sont déposées au Metropolitan Museum a immortalisé en noir et blanc les visages de ces Américains, le regard bleu douloureux.
Pour l’instant c’est la Petite Déflation, -1,7%. Avec des magasins qui liquident et des consommateurs qui s’inquiètent d’être liquidés de leur travail. De plus, tout le monde anticipe que les prix vont continuer à chuter, alors pourquoi acheter maintenant ? Comme me répétait mon premier patron dans la galerie où je travaillais : « no urgency, no sale » (=sans urgence-que le tableau soit vendu-, on ne vend rien). Donc, tout le monde attend. Et effectivement, les entreprises continuent de baisser leur prix et de licencier en attendant que les choses aillent mieux, ce qui conduit à qu’elles empirent. En économie, cela s’appelle un cercle vicieux.
Communiqué de presse cet après-midi: « The Federal Reserve will employ all available tools to promote the resumption of sustainable economic growth and to preserve price stability.” (=La Fed utilisera tous les instruments disponibles pour retourner à une croissance soutenable et lutter contre l’inflation.) Vous ne vous rendez pas compte mais dans la langue codée des banquiers, c’est l’empire contrattaque.
Avant d’arriver à la planète ZIRP, parlons de ce qui est arrivé à la Fed depuis la faillite de Lehman Brothers et le credit crunch consécutif.
Je ne cherche pas à faire de vous un expert-comptable mais lire un bilan financier c’est comme savoir changer l’huile de votre voiture, ce n’est pas si difficile quand on dédramatise.
D’ abord le B-A, BA : le passif (liabilities) c’est ce l’on doit ; l’actif (assets), ce que l’on possède. Autre règle à retenir, les deux s’équilibrent. Actif=passif+capital.
Traditionnellement, une banque centrale a des créances sur l’étranger (réserves de change), sur l’Etat (=relations avec le Trésor) et sur l’économie.
Voici l’actif de la Fed au 10 décembre 2008 :



Non, donnez-moi la main, ceci n’est pas un film de Peter Greenaway, vous n’allez pas être noyé dans les chiffres. D’ abord, comparez le chiffre marqué en bleu en bas (2.262.339) et le vert (1.377.242) sur la même ligne. En un an, le bilan de la Fed a presqu’été multiplié par trois.

Pour comprendre l’évolution, il faut chercher les plus gros chiffres sur la colonne de droite (comparaison par rapport au 12 décembre 2007). Les trois premiers chiffres en jaune montrent toutes les liquidités que la Fed a injectées dans les banques. Les ventes aux enchères (term auction credit) sont une nouveauté. D’autres postes ont été élargis.

Ensuite la ligne suivante appelée « net portfolio holdings of commercial paper » peut se traduire par « effets de commerce détenus par la Banque Centrale ». Elle montre une augmentation de 0 à 312.414 millions de dollars sur un an. C’est ce que j’ai appelé dans mes chroniques, la Fed comme prêteur en premier ressort. A cause du credit crunch, la Fed s’est mise à prêter directement à des entreprises triées sur le volet.
La dernière ligne surlignée en jaune s’appelle « other assets » (=autres actifs). Ce poste a explosé aussi : + 593,133 millions en un an. Il existe une polémique actuellement sur la qualité de l’actif de la Fed. Certains accusent la Fed de cacher la dégradation de son bilan en détenant des actifs de mauvaise qualité mais en les mettant dans la boite noire de « other assets ».
En fait, la rubrique « other assets » est un peu le coffre à jouets de la Fed dans laquelle tout est mélangé. Par exemple les swaps de devises (je te prête des dollars, tu me prêtes des euros, on fera les comptes quand on sera sortis de l’auberge) sont inscrits sous ce poste.
Une dernière remarque : regardez la colonne où aucun chiffre n’est surligné. Elle indique l’évolution par rapport à la semaine d’avant. Le bilan de la Fed a quand même grossi de 123 milliards de $ en 7 jours ! Mais on voit que c’est surtout le poste « other assets » qui explique l’enflure. Le reste, les prêts sur effets de commerce, les prêts à 24 heures, les prêts contre dépôt de garanties ou même les prêts d’urgence (discount window) se sont un peu calmés, ce qui reflète un relatif desserrement de l’étau du credit crunch.

Maintenant, un coup d’œil au passif de la Fed au 10 décembre 2008 :

Vous vous souvenez qu’un bilan est en équilibre par construction. Donc, si vous ajoutez les deux cases en bleu sur ce tableau vous obtenez le montant de la case bleue de l’autre tableau. Actif= passif+capital.

Comme vous pouvez le constater la première ligne en vert montre que les dépôts (deposits) des banques ont explosé (+1.249.038). En fait l’augmentation est beaucoup plus récente que ce que montre le tableau. Elle date du moment où la Fed a dit aux banques, si vous m’apportez des réserves non-obligatoires, je vous les rémunère. Avec le credit crunch, les banques n’osaient plus se prêter entre elles, alors même si la rémunération de la Fed est faible au moins l’Etat, lui ne fera pas faillite. Sur la première ligne, où il y a du jaune, on voit que ces dépôts ont augmenté de 112,6 milliards en une semaine. Ce qui tempère l’optimisme quant à la fonte du credit crunch.

Que conclure de tout cela ? Tout simplement que le marché monétaire a été, pour une large part, rapatrié à la FED : les banques qui ont des excès de liquidités les déposent à la FED qui, en retour, prête ces liquidités aux banques qui ont besoin de liquidités. Une situation nouvelle par rapport à celle qui prévalait avant la crise.

Maintenant que vous avez compris que vous pouvez regarder un bilan sans vous évanouir, revenons à la planète ZIRP. Sur cette planète le taux de base de l’argent est à zéro. Les banques peuvent emprunter autant qu’elles veulent à la FED sans que cela leur coûte. Une telle politique consiste à fournir au système bancaire beaucoup plus de liquidités que ce dont il a besoin via une augmentation massive du bilan de la banque centrale, dans l’espoir que les banques se mettront à prêter plus et relanceront ainsi l‘économie. C’est la politique qu’avaient menée les autorités monétaires japonaises entre 2001 et 2005. On appelle cela le quantitative easing. Les banques, dorénavant, croulent sous les liquidités, et leur pouvoir de création monétaire devient sans limites.

Création monétaire, disais-je. Avez-vous vu ‘Die Fälscher’ (2007) de Stefan Ruzowitzky qui a remporté l’Oscar du meilleur film étranger cette année ? Dans ce film basé sur des faits historiques, on voit des prisonniers dans une cage dorée de concentration fabriquer de la fausse monnaie pour les nazis.

Cette image de la planche à billets est récurrente dans l’imaginaire mais elle est anachronique. Sans doute était-ce pendant la Deuxième Guerre Mondiale que pour la dernière fois, des presses d’un pays développé ont servi à imprimer une quantité délirante d’argent (4 fois la masse monétaire britannique circulant à l’étranger et beaucoup beaucoup de faux dollars).

De nos jours, la création monétaire ne passe plus par la "planche à billets". Mais par le crédit bancaire : les crédits font les dépôts, c’est ce qu’on nous apprend en première année de sciences économiques. La masse monétaire ce sont les dépôts des clients dans les banques. Rappelez-vous une précédente chronique où je calculais combien coûterait à la France la garantie des dépôts comme en Irlande. Depuis belle lurette, M2 et M3 représentent l’essentiel de la masse monétaire ; c’est de l’argent comptabilisé sur ordinateurs et protégé par des serveurs de banques.

Pour agir sur M3, la banque centrale va se lancer dans ce que les économistes appellent des opérations d’open market. La Fed va aller sur le marché ouvert (open market) comme tout un chacun, et acheter des bons du Trésor ou des obligations et les inclure dans son bilan.

Un exemple pour bien comprendre : quand une banque commerciale se remettra à prêter et qu’elle aura besoin de transformer ces prêts en titres négociables pour récupérer du cash et continuer à prêter, en clair quand elle refera de la titrisation (rappelez-vous que mélanger les différentes salades, les déchirer et les servir en ramequins au reste des investisseurs n’est pas forcément mauvais, c’est juste qu’il faut vérifier la qualité des feuilles), donc la Fed sera là pour acheter ces titres, si personne d autre n’en veut.

Comme la racine du problème gît dans le marché immobilier, les autorités espèrent qu’en donnant le signal aux banques qu’elles pourront vendre des titres sur les emprunts immobiliers parce qu’il y aura un marché pour les faire circuler, elles recommencent à prêter. Comme en même temps, les prêts à taux fixe à 30 ans sont au plus bas et que l’immobilier a lui-même beaucoup baissé, les gens se diraient c’est le moment d’acheter. On enclencherait alors un cercle vertueux.

Ce raisonnement achoppe sur deux points qui ont un point commun : les anticipations des agents. D’ une part les gens ont peur de perdre leur emploi. D’ autre part, les mêmes et les autres pensent que l’immobilier va continuer à baisser.

Nous voilà revenus à ma Petite Déflation.

Précision liminaire : même si vous avez pu lire au moins vingt fois dans cette chronique qu’il est important de réparer la demande qui est cassée, je ne suis pas une keynésienne évangélique.

[Comme les born-again Christians, (cf : George W Bush) qui ont beaucoup pêché mais ont découvert le droit chemin grâce à la religion, les born-again Keynesians retomberaient sous le charme bêta de la relance et du soutien de la demande.]

Toutefois, quand les gens ne consomment pas, comme en ce moment, on ne peut pas faire comme si les caddies étaient pleins. Soutenir l’investissement des entreprises, fort bien. En fait, il faut les deux. L’enseignement des années 30 est que la politique de relance keynésienne est efficace pour réamorcer la pompe, mais qu’après on ne sait pas très bien comment atterrir avec elle, sur la planète croissance équilibrée. Cela, même les économistes néo-keynésiens le savent. Toutefois, comme disait l’auteur de la Théorie Générale, « à long terme nous serons tous morts ».

Je sors ma clef à molette et je répète : Sarkozy, Trichet, Merkel, Brown, Obama, Wen Jiabao, emballez-moi un vrai stimulus package, je ne me contenterai pas d’une carte de vœux !
Gabrielle Durana
Chroniques du tsunami financier, all rights reserved.



Portrait d’Allie Mae Burroughs par Walker Evans, symbole de la « Grande Crise » de 1929.

1 commentaire:

Unknown a dit…

BONJOUR.
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