La Stuyvesant Town et le Peter Cooper Village (premier plan)
Le courrier des lecteurs est à la fin.
Mardi 26 janvier 2010
La première fois que j’ai vu un rat mort, c’était sur le pavé de Buenos Aires. J’allais avoir quatre ans. Ma mère l’a enjambé, je l’ai contourné. Nous avons poursuivi notre chemin vers le manège. La deuxième fois, il était vivant et se dandinait entre les rails du métro Abbesses. Ne comptent pas les rencontres avec La Fontaine, La Peste ou Ratatouille de Pixar. La fois suivante, une amie me prêtait son appartement. J’étais arrivée en taxi par les quais. J’avais déposé mes valises et malgré le mot sur la porte du réfrigérateur, j’avais préféré sortir. « Tu verras, Chelsea c’est comme le quartier de Castro ». Je n’avais pas déréglé ma montre ; elle marquait 21h00. Au lieu de prendre la 9ème avenue, j’ai marché d’Ouest en Est sur la 30eme rue, à la recherche d’autre chose qu’une pizzeria. Les pâtés de maison sont longs entre les avenues. Nonobstant les poubelles empilées jusqu’à un demi-étage, je ne reconnaissais pas le Lower East Side dépeint par Jean-Michel Basquiat dans « Downtown 81 ». Les parterres étaient décorés avec des choux-fleurs et des pensées. Personne ne m’a proposé des amphétamines. J’ai tourné puis retourné pour me retrouver nez à nez avec un rongeur dodu. A l’orée d’une forêt amazonienne d’immeubles identiques, il ne bougeait pas, sauf la queue. Si Giuliani avait déplacé les pauvres, comment se fait-il qu’il restât des rats en Egypte ?
Le week-end dernier, la plus grosse opération d’immobilier résidentiel jamais réalisée aux Etats-Unis a capoté. Les 56 immeubles du Peter Cooper Village et de la Stuyvesant Town, là où habitait mon museau pointu avaient été achetés par un consortium en 2006. Tishman Speyer Properties et le hedge fund Blackrock avaient investi 100 millions de leur argent et emprunté 4,4 milliards en deux tranches au nom de divers investisseurs très sages comme la Caisse de Retraites des Enseignants de Californie[i], un fonds de pension de Floride, le fonds souverain de Singapour, l’Eglise d’Angleterre. Le complexe immobilier aux tours roses avait été bâti par Metlife au lendemain de la Deuxième Guerre Mondiale pour loger les soldats victorieux. Les loyers étaient plafonnés, les espaces verts généreux ; ce qui avec l’embourgeoisement de Manhattan à partir des années 80 avait transformé les appartements en « HLM du 5eme ». Lorsque Metlife a voulu se désengager, il a trouvé un repreneur. Les locataires auraient aimé devenir propriétaires mais Tishman Speyer Properties et Blackrock l’emportèrent. Les premiers, bien marris firent un procès au seconds, qui avaient eu le cœur d’augmenter les loyers quand quelqu’un partait.
En 2009, les loyers new-yorkais ont baissé de 5,6%. Partout, des logements sont vacants. Ajoutez les hôtels, les immeubles de bureau et c’est tout l’immobilier commercial qui se dégonfle et boit la crise. Le Peter Cooper Village et la Stuyvesant Town est aujourd’hui évalué à 2 milliards, contre 5,8 milliards en 2006. Il y manque chaque mois 5,3 millions de $ pour couvrir le service de la dette. Dans cette partie de la ville, où un studio se loue pour 3.500$ et les trois pièces commencent à 5.500$, certains locataires sont subventionnés aux frais de la banque. On a du mal à pleurer sur le grand capital, sauf quand il s’agit des retraites des instituteurs de Los Angeles.
Des chômeurs font la queue à 7h00 du matin pour une foire de l’emploi qui ouvre à 11h00.
NDLR : il manque toujours le 89eme épisode.
Courrier des lecteurs :
Depuis Bruxelles :
« Bonjour Gabrielle
Tu as bien raison de terminer ce 90ème épisode par cette mise en exergue du manque de reconnaissance des banques.
Mais il n’y a aucune raison pour que la reconnaissance soit une caractéristique essentielle d’une banque d’affaires.
C’est au moment du sauvetage des banques qu’il fallait proposer déjà une nouvelle régulation comme par exemple le rétablissement d’une manière ou d’une autre d’une plus grande étanchéité entre les activités de banques d’affaires et celles de banque de dépôts ou encore l’interdiction de certaines pratiques douteuses. Mais cela se passait à la fin de l’ère BUSH et il importait d’abord d’éviter une trop forte crise systémique
Maintenant pour empêcher la prochaine crise systémique, cela ne va pas être si facile que cela car les banquiers sont archiconvaincus que l’Etat viendra toujours à leur rescousse en cas de nouvelle secousse et que le casino financier international pourra toujours être réouvert, même si cela doit provoquer une désolation généralisée car chacun voit toujours midi à sa porte…il faut bien que les « eaux glacées du calcul égoîste » restent interminablement « glacées ».
Merci pour cette nouvelle rubrique
Richard »
NDLR : Tu as raison sur le fond, le risque moral est là. Il ne partira plus. Mais je ne crois pas qu'on aurait pu au milieu de la panique rétablir une nouvelle version du Glass-Steagall Act.
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