dimanche 11 avril 2010

94ème épisode: Trop petit pour faire faillite

« Oia on Santorini », Igor Medvedev


A la mémoire de Cécile Tabone.

10 avril 2010

L’accord du 25 mars dernier devait mettre un terme à la crise grecque. L’Euroland garantirait en extrême ressort et le FMI dispenserait des conseils gratuits mais bons à prendre. Le même jour, l’UE, le Diable et la Banque Mondiale s’accordaient sur une aide d’urgence en faveur de la Roumanie à hauteur de 20 milliards €. Après la Lituanie et la Hongrie, le Fonds Monétaire International intervenait dans un autre pays de l’Union mais restait devant le paillasson de l’Eurozone.

Vue des Etats-Unis, la crise qui secoue toute l’Union Européenne depuis trois mois pourrait être assimilée à une cessation de paiement du Dakota du Nord, pour laquelle le Texas refuserait de payer. La Californie, la main sur le portefeuille vide dit qu’il faut pourtant faire quelque chose, pendant que l’ancienne Nouvelle Amsterdam se tait. A Washington, le Président déclare que d’après la charte fondamentale ce type de désagrément relève des compétences étatiques. Et il écrit le numéro de téléphone de Bismark sur un petit bout de papier qu’il donne à Austin. Pour la Californie, l’enfant n’a pas de père mais on ne saurait le laisser en haillons. Le Texas répond que le troupeau impécunieux peut certes vendre le Mont Rushmore[i] à la découpe. Pendant ce temps, les capitales européennes inquiètes que les marchés qui reprennent ne tanguent se demandent si cela ne vaudrait pas le coup de dispatcher le FMI.

En réalité la Grèce n’est pas le Dakota du Nord. Elle a le même PIB que le Massachussetts (357 milliards $), berceau de Harvard et du MIT[ii]

Mais le double de population, répond le Texas, à qui on ne la fait pas.

Après des semaines de palabres, le taux d’intérêt des bons du Trésor grec à 2 ans dépasse les 7% et celui des bons à 10 ans caracolait vendredi à 7,38% ; contre 3,17% pour les bons germaniques soit un différentiel (le « spread ») de 4 points.

Entre temps, la panique s’est propagée aux quatre principales banques privées ; les petits épargnants retirent leurs euros mais nous ne sommes pas en Argentine, il n’y aura pas de dévaluation.

Alors demain, les ministres des finances de l’UE se réunissent en conférence téléphonique depuis leur living room pour préciser « les détails techniques » du plan de sauvetage.

Si l’Allemagne devait prêter à la Grèce, le coût politique pour Angela Merkel serait certainement élevé car sa politique d’austérité compétitive a laissé son pays avec des exportations mais sans charité protestante. L’opération pourrait pourtant s’avérer juteuse car emprunter à bon taux et prêter plus cher est le B.A-BA du métier de banquier. Par exemple, le Trésor public américain a gagné 10 milliards de $ en aidant les 15 plus grands banques[iii]. Quant à la baisse de l’euro causée par la crise, elle favorise les exportations de toute l’Eurozone.

Si le FMI prêtait à la Grèce, l’Allemagne et la France la main sur le portefeuille pourraient clamer qu’elles ne récompensent pas les cigales de Corfu ni d’ailleurs.

Pendant que les puissances régionales débattent si le Christ doit s’arrêter à Mykonos, si le Diable peut débarquer à Athènes et faire ce qu’on attend de la BCE, l’avion qui transportait le président polonais, sa femme, le gouverneur de la banque centrale et 83 autres officiels s’est écrasé dans la forêt russe, nous rappelant que certaines catastrophes sont réversibles.

Gabrielle Durana

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Le courriel des lecteurs sera publié au prochain épisode.


« Bells of Patmos » Igor Medvedev

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