dimanche 14 août 2011

2011, l’Odyssée de la Bourse (123ème épisode)



Les journées du 8 au 12 août 2011 resteront dans les annales de l’histoire financière comme le moment où le caractère nocif du commerce automatisé des valeurs boursières (computerized trading ou flash trading) sera devenu patent, malgré ses avantages en termes de liquidité accrue. Des plongeons de 5% suivis de hausses de 4%, auxquelles succèdent d’autres chutes de 4,6% ont disloqué les marchés mondiaux. Des renversements entre les creux et les sommets de 800 points dix fois de suite dans la même journée ne s’expliquent ni par des variations fondamentales intrajournalières ni par des communiqués de presse annonçant des résultats trimestriels. Passé l’annonce de l’abaissement de la signature des Etats-Unis par l’agence Standard & Poor’s, une série de détonations ont continué d’éclater d’une place à l’autre, or comme le constatait Catherine Mann de l’université de Brandeis dans le Massachussets, sur PBS vendredi soir : “Il s’agit de recyclage des mêmes informations encore et encore, avec du saupoudrage de quelques rumeurs, d’après la Société Générale. Donc pour résumer, je pense qu’en ce qui concerne l’Europe, la machine tourne à vide. Il n’y a rien de neuf [‘There's not any new news’].

Nous avions déjà reçu un avertissement le 6 mai 2010 lorsque les marchés s’étaient écroulés de 998,5 points en 40 minutes. Tout était finalement entré dans l’ordre et la mise en place de ‘disjoncteurs’[‘circuit breakers’] avait contribué à renforcer la croyance dans la fiabilité du système, malgré d’autres signes inquiétants.

Dans « The Quandts » (2010), Scott Patterson raconte la quête par les mathématiciens de la Vérité stochastique, ou comment des hommes et des femmes ont crée des algorithmes pour trader plus vite et plus intelligemment que leur propre cerveau et gagner à tous les coups ; en quelque sorte la version boursière de la fable de Deep Blue et du joueur d’échecs.

Le paradigme établi par Eugène Fama (1939-) de la théorie des marchés efficients et de la marche aléatoire des cours (« Random walks in stock prices ») assoit cette infaillibilité : à chaque instant, le cours d’une action incorpore toute l’information disponible qui s’y rapporte. Si les gens raffolent des Ipad, les cours d’Apple vont décoller, dès que l’information sera disponible. Sur le long terme, toute irrégularité sera repérée par les ordinateurs et dévorée par des « bans de piranhas » (=les traders). Au stade suprême, ces robots-piranhas peuvent passer des milliers d’ordres d’achat et de vente en quelques millisecondes.

Aujourd’hui, le high-frequency trading représente 50% du volume des transactions, 70% les jours de grande volatilité.

Au-delà de la question de l’équité entre participants, quand les hedge funds auront déjà acheté et revendu 150 fois la même action dans le temps qu’un actionnaire de base reçoit confirmation de sa transaction, ce que nous redécouvrons ces jours-ci c’est le danger de ces opérations automatisées et leur rôle dans la dislocation du système financier, qui à son tour rétroagit sur l’économie réelle.

Dans “2001, l’Odyssée de l’Espace”, l’ordinateur HAL craignait qu’on le déconnecte. « C'est quelque chose que je ne peux vous laisser faire. ». Jeudi soir, la France, l’Italie, l’Espagne et la Belgique ont décidé de débrancher la vente à découvert (short selling) des actions des banques pendant 15 jours. En réalité, la seule chose qui pourra sauver notre système financier, c’est le retour du mot en R, comme régulation.

D’après un article de Science Daily, paru le 5 août 2011, et présentant les conclusions d’un symposium sur l’intelligence artificielle qui s’est tenu à Barcelone en juillet 2011, la stratégie dite d’”Adaptive Aggressiveness (AA)” développée en 2008 à l’université de Southampton peut générer plus de gains qu’un trader humain et que toute autre stratégie pour laquelle on programmerait un robot.

Vivement lundi !

Gabrielle Durana

All rights reserved.


Aucun commentaire: