25 juin 2011
Un. En contrepartie du versement de la tranche suivante d’aide (sic) par le FMI et le Fonds européen de stabilité financière, le Parlement grec vient d’adopter un plan d’austérité de 78 milliards d’euros ou 111 milliards $. Le chiffre est abstrait, alors disons que si Jerry Brown était à la place de Georgios Papandreou, cela reviendrait à promettre de supprimer une année entière de dépense publique californienne. Pendant ce temps, les pays de l’UE s’essaient dans un exercice de casuistique financière à retoquer la dette grecque d’une manière que le résultat ne puisse pas être appelé un défaut de paiement ; ce qui provoquerait le versement de tous les Credit Default Swaps (voir chronique précédente). Mais une partie de cette dette devra bien être rééchelonnée (roll over) ou passée par pertes et fracas (hair cuts).
Deux. En tous les cas, après la chute de Lehman Brothers, il n’y aura plus jamais de faillite de banque à risque systémique. L’aléa moral, (ou moral hazard en anglais) désigne pour l'économiste Adam Smith un effet pervers qui peut apparaître dans certaines situations quand un agent, isolé d'un risque, se comporte différemment que s'il était exposé aux conséquences de ses choix hasardeux. Ainsi la banque qui sait que son autorité de régulation interviendra comme prêteur en dernier ressort pourra prendre des risques inconsidérés. En 2001, Anne Krueger, première Directrice générale-adjointe du Fonds monétaire international (FMI) considérait que « La question de l’aléa moral demeure préoccupante. Les institutions privées pourraient se trouver encouragées à prêter et à investir imprudemment — ou du moins plus qu’elles ne devraient— dans la croyance que le FMI fera en sorte que leurs débiteurs puissent les rembourser ». Too big too fail sera forever young.
Trois. Après la démission retentissante d’Axel Weber, le gouverneur de la Bundesbank, en février 2011, pour cause de divergence sur la ligne à adopter face aux demandes d’assistance des autres pays européens, l’Allemagne avait perdu son champion qui devait succéder à Jean-Claude Trichet à la tête de la Banque Centrale Européenne. Angela Merkel s’est donc ralliée à la candidature de Mario Draghi. Elu vendredi, l’ancien gouverneur de la banque centrale italienne, ancien patron de la division européenne de Goldman Sachs arrive donc au moment opportun pour que la main visible défende une certaine conception de la privatisation des profits et de la socialisation des pertes.
Quatre. Le canal de transmission de la panique financière entre les deux rives de l’Atlantique réside dans les money market funds, des sortes d’Organismes de Placement Collectif à moins de 2 ans. En effet, les bons MMF américains s’étaient tenus éloignés des banques grecques et autres actifs douteux. Ils avaient donc investis dans des titres de banques solides françaises, allemandes et italiennes. Si les « zinzins » (prononcez Zinsvestisseurs Zinstitutionnels : fonds de retraite, assureurs, grandes banques) américains se détournent, pas fous, de ces titres soudain risqués car leurs auteurs avaient prêté aux Grecs, on court à la crise de liquidité. Hier, 24 juin, les banques italiennes dévissaient de plus de 10% ; le NASDAQ perdait 1,26% et le Dow Jones repassait sous la barre des 12.000 points. C’est à y perdre son latin, puisque les banques italiennes n’ont aucune exposition au risque de la dette grecque, portugaise, espagnole ou irlandaise. Non, dans un accès de patriotisme, les banques italiennes ont acheté de la dette made in Berlusconi. Les 5 principales banques italiennes détiennent 145 milliards € de bons du Trésor national, soit 1,7 fois du total de leurs actifs corporels. D’ici à jeudi prochain, s’il veut résorber le déficit en conformité avec les limites du pacte de stabilité, Berlusconi doit tailler dans la dépense publique une tranche de 40 milliards €, sinon gare ; comme si Jerry Brown devait suspendre le fonctionnement de l’Etat de Californie du 1er janvier au 30 juin.
Cinq. Armés de leurs duvets, prêts à affronter la déshydratation et la police, une cinquantaine d'«indignés» sont partis ce matin de Barcelone pour faire leur chemin de Compostelle en 29 jours et à pied jusqu’à la capitale espagnole. Ils espèrent y retrouver d'autres pèlerins pour une grande manifestation le 24 juillet. Voici certains de leurs slogans : « Nous ne sommes pas anti-système, c’est le système qui est anti-nous » (« No somos antisistema, el sistema es anti-nosotros"), « J’ai trop de mois à la fin du salaire » ("Me sobra mes a final de sueldo"), mon préféré : "Error 404: Democracia not found", et celle-ci à la délicatesse exquise : « On nous pisse dessus et ils disent qu’il pleut » ("! Nos mean y dicen que llueve! "). Le plus significatif : « Ce n’est pas la gauche contre la droite, c’est ceux d’en bas contre ceux d’en haut » ("Esto no es una cuestión de izquierda contra derechas, es de los de abajo contra los de arriba").
Six. Jerry Brown a opposé son véto à la loi de finances votée par sa majorité démocrate ; elle avait été contrainte par une minorité de blocage républicaine à des coupes sombres dans les programmes sociaux. Le gouverneur veut forcer les Républicains à s’asseoir à la table des négociations et à soumettre à référendum l’augmentation des impôts pour les plus riches. En application de la Proposition 25 adoptée en novembre 2010, chaque jour qui passe, et en attendant qu’ils fassent ce pour quoi ils ont été élus, les parlementaires de Sacramento sont privés de salaire.
Gabrielle Durana
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