5 décembre 2012
Un par un, les campements d’Occupy Wall Street ont été évacués par la police. Au cours du mois de novembre, l’effort de normalisation s’est étendu à toutes les grandes villes ; chaque démantèlement justifiant le caractère raisonnable du suivant. «Vous voyez bien, ce n’est pas contre vous, à Los Angeles etc. aussi, ils ont été dispersés ».
Les Occupants ne sont plus autorisés à passer la nuit sur leur lieu de manifestation, mais ils ont le droit de revenir pendant la journée. Sur Zuccotti Square, le berceau new-yorkais du mouvement, le concept de « tent city » qui faisait peur aux bourgeois a évolué vers celui plus acceptable de « think tank ».
A San Francisco, maintenant qu’Ed Lee a été réélu maire il y a un mois, on peut passer aux choses sérieuses : la chambre de commerce se plaint que le campement choque la vue des touristes, déjà passablement secoués par les mendiants agressifs ; que la Municipalité ne déloge pas, car elle se mettrait immédiatement à dos les organisations de défense des droits des SDF. Futé, le nouveau maire a proposé aux Occupants de déménager dans le quartier Latino de la Mission et de les installer dans une école désaffectée dont la mairie paierait le loyer (2500$/mois) jusqu’à l’été prochain.
L’Assemblée Générale a refusé ; car loin des yeux, loin du cœur.
L’ultimatum a expiré depuis mercredi dernier. Les Occupants campent toujours entre la statue de la Chiffonnière de Dubuffet, à quelques centaines de mètres de la Réserve Fédérale, sur le terrain de pétanque construit par le maire précédent pour humaniser le Financial District. Et sous les pavés, la plage, les barrières antiémeutes ont été saisies par les Occupants et recyclées dans un carambolage engainé en monument à l’honneur de la police.
Alors, OWS, au-delà du folklore, un coup d’épée dans l’eau ?
Quand un Parisien regarde le campement d’Occupy Wall Street sur la Justin Hermann Plaza, cela lui rappelle la grève de la faim de 34 jours de 4 SDF sans-papiers sous les tentes du canal Saint-Martin pendant l’hiver 2007. Quatre ans plus tard, les mal logés se sont organisés autour de l’association Les Enfants de Don Quichotte et réclament toujours sur d’autres trottoirs leur droit opposable au logement.
Le mouvement Occupy Wall Street a juste deux mois et demi d’existence mais il peut déjà s’enorgueillir d’un bilan. D’abord, le slogan « Nous sommes les 99% » a complètement changé la donne en plaçant au centre du débat présidentiel la question de la répartition des richesses. Depuis l’élection d’Obama en 2008, le débat était totalement dominé par les thématiques du Tea Party que l’on pourrait résumer par « Sortez les sortants » et « Pour vivre heureux, payons moins d’impôts ».
La deuxième victoire du mouvement OWS, c’est justement la ringardisation de l’idéologie du Tea Party, comme réponse à la crise. Certes, au Congrès la machine démocratique est totalement bloquée par la promesse que Grover Norquist a faite signer à 270 élus du Parti Républicain de ne pas augmenter les impôts sous aucune circonstance. Mais la pression d’OWS met en lumière l’absurdité du postulat selon lequel les riches sont des créateurs d’emplois tous azimuts. « Où sont les emplois ? » scandent les manifestants. Et la question fait écho dans la population appauvrie, dont les enfants, un conjoint, un ami est en chômage, malgré leur éthique de travailler dur pour participer à la frénésie des soldes.
Il est incontestable que le slogan « Nous sommes les 99% » est entré dans l’histoire américaine, avec la même force que d’autres mots d’ordre du passé : « Give me liberty or give me death » au moment de la Guerre d’Indépendance, ou « We shall overcome » pendant le mouvement des Droits Civiques, « Bring them home » et « Stop the draft » durant la guerre du Vietnam et « Yes, we can ! », en 2008.
Reste à savoir, si justement un slogan qui capture l’imaginaire d’un peuple en souffrance peut mener à la victoire par les urnes. Le mouvement des Indignés en Espagne n’a pas pu empêcher un retour de la droite la plus réactionnaire en Espagne. Le mouvement OWS est divisé sur la mobilisation pour 2012. Sans leader, il se targue aussi de ne pas présenter de candidats, à la différence du Tea Party en 2010.
Les chiffres de l’économie américaine repartent à la hausse et Obama a de bonnes chances de l’emporter en novembre 2012. La question est de savoir s’il aura appris de sa lenteur en 2008-2010 et s’il foncera cette fois pendant l’état de grâce. Les 99% aimeraient tellement le croire.
Gabrielle Durana
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