18 janvier 2012
Tandis que le parfum pénétrant de faillite grecque nage autour des pits et des salles claires, qu’il pose sur tous les produits financiers structurés le sceau d'une si secrète intimité entre les nouveaux dirigeants européens et les anciens responsables privés, il convient de s’arrêter au seuil d’un interdit. Les mémoires du saccage des finances publiques françaises restent à écrire.
Comment en est-on arrivé à un déficit de 7,5 % par an, à une dette cumulée de 1,725 milliards d’€ ? Si vous êtes Français, votre ardoise s’élève à 26.000 € ? Que tout Américain doive 48.000$ en plus de ses 15.799$ en moyenne de carte bleue par ménage, ne vous console pas. Sérieusement, avons-nous vraiment vécu au-dessus de nos moyens et si oui, depuis quand ?
Il n’y a pas d’histoire financière neutre. Même un tableau comme celui ci-dessus s’interprète.
D’abord un peu de vocabulaire pour se comprendre : le solde (positif ou négatif) des Administrations publiques est plus large que les seuls comptes de l’Etat. Il inclut les collectivités territoriales et un de nos trésors nationaux méconnus : la Sécurité Sociale.La dette publique est la somme de tous les déficits cumulés, qu’on essaie de rembourser au fur et à mesure. Chaque année, on essaie d’en payer une partie, c’est « le service de la dette ».
Le déficit primaire, c’est ce que les administrations publiques n’ont pas pu payer de dépenses compte-tenu des rentrées d’argent pour une année N. Le déficit public (le « déficit constaté » sur le graphique), c’est autre chose. C’est le déficit primaire plus le service de la dette. Autrement dit, si la dette publique était nulle, le déficit public serait égal au déficit primaire.
Maintenant, reprenons le premier graphique.
Cachez ce déficit que vous ne sauriez voir.
La ligne rouge illustre les talents de gestionnaires d’un gouvernement, compte-tenu d’une conjoncture économique donnée et comme si le passé n’avait jamais existé. Ainsi, il est permis de dire que M. Chirac (la dernière fois qu’il fut Premier Ministre), M. Rocard, et M. Jospin, énormément, savaient équilibrer un budget. M. Bérégovoy après 1983 et pendant le virage de la désinflation compétitive était prêt du seuil mais sans parvenir à rester dans le vert. Pour le reste de la ligne du temps, nous avons été soit victimes soit d’une conjoncture moins favorable, soit les sujets de gouvernements imprévoyants. Chacun son interprétation, n’est-ce pas ?
Il est certain que la ligne noire, elle, montre, qu’on finit toujours pas être rattrapé par son passé dispendieux, même quand on pense qu’il ne s’agit que d’une négligence passagère.
Elle n’est jamais complètement bénigne. En effet, les gouvernements veulent être réélus et les peuples veulent pouvoir se desserrer la ceinture, après les années de vaches maigres. Alors quand la croissance revient, au lieu de se désendetter (l’œil rivé sur le déficit constaté) on ripaille en louchant sur le bel excédent du déficit primaire.
Encore une définition et un graphique pour vous faire votre propre opinion de qui doit être pendu dans cette vilaine affaire de comptes publics qui ne sont pas bons.
Les prélèvements obligatoires sont toutes les sommes que les administrations publiques aspirent puis réinjectent dans le système économique (moins le cout de la bureaucratie, et encore les fonctionnaires outre que la plupart prodiguent un vrai service … public dépensent leurs revenus et font donc marcher la machine économique).
Si on jette un coup d’œil au deuxième graphique, on constate que les prélèvements obligatoires ont commencé de baisser en France en 1999 et que cette baisse s’est accélérée depuis 2007.
Le dogmatisme plutôt que le pragmatisme.
Si on rapporte ces chiffres à la colonne des taux de croissance, on s’aperçoit que dans la première période la France était en expansion. Autrement dit on prélève moins mais la taille du gâteau augmente donc on collecte plus de manière indolore. A partir de 2007, alors que le gâteau de la richesse nationale créée se réduisait pour cause de crise, la part prélevée par les administrations publiques se réduisait plus que proportionnellement. C’est la vieille pensée magique libérale du « trickle down economics », qui croit avec la foi du charbonnier qu’en cas de crise, il faut rendre aux riches, non parce qu’ils sont oisifs mais justement parce qu’ils sont industrieux et qu’ils créeront des emplois. Un cercle vertueux s’enclenchera et il y aura un sursaut de croissance. La machine repartira, la richesse dégoulinera (« trickle down ») sur le reste de la société et le pays sera sauvé par ses riches. Sauvons les riches !
Mais où sont les emplois ?
Pour un audit de la dette publique
Un tsunami financier comme il en arrive une fois par siècle, plus une gestion de la dette ric-rac pendant des lustres, plus des cadeaux fiscaux aux riches parce qu’on les étouffait, choisissez votre équation du saccage… En tous les cas, si l’état de nos entrailles publiques est à l’image de notre sein social, il va falloir plus que de simples amortisseurs naturels (assurance chômage, etc.) pour guérir de notre cancer.
Avions-nous besoin que Standard & Poor’s nous tende un miroir ?
Gabrielle Durana