jeudi 20 janvier 2011

110ème épisode : l’euro est-il sauvé ?

20 janvier 2011

Le texte de cette chronique a été modifié de sa version originale.

Pour se replonger dans cette chronique, il faut se remémorer les événements du printemps dernier, quand la Grèce, en proie à des raids spéculatifs qui rendaient difficile le refinancement de sa dette publique sur les marchés internationaux avait d’abord été abandonnée puis secourue deux mois plus tard par l’Union européenne. De la cessation de paiement à la contagion, il n’y a eu qu’un petit fleuve qui forme la limite entre l’égoïsme moralisateur et la dislocation de l’euro et que les voisins créanciers n’ont pas jugé opportun de sauter.

Voici un récapitulatif du dispositif crée après la crise grecque :


Le 24 novembre, quand j’ai atterri à Chantilly en Virginie, en quittant le parking d’Avis sous un soleil dardant, j’ai allumé la radio. A Los Angeles, MTV fait office de journal télévisé. A Washington, les enceintes déversent leur coulée de débats politiques. La station ce matin-là prononçait les « i » comme des « oïlle », les « th » comme des « d » et les « l » lapaient les haut-parleurs. Nous étions transportés au Dáil Éireann, le Parlement irlandais. Nulle éloquence habile, dans un brouhaha scandé de silences, le Premier ministre essayait de persuader sa majorité d’accepter un plan de sauvetage, recommandé par l’UE et le FMI, et dont le pays ne voulait pas, malade à l’idée des propriétés curatives de l’austérité.

Quelques jours de négociation aboutirent à un compromis : l'aide forcée de 85 milliards d'euros de la part de l'Union européenne et du Fonds monétaire international était acceptée. L’Irlande qui avait tant lutté pour sa souveraineté ferait voter une loi de finances rectificative, visant à ramener le déficit budgétaire de 32% en septembre 2010 à 12% au 1er janvier 2011. Grande première, l’accord prévoyait la possibilité, la possibilité seulement d'imputer des pertes aux détenteurs d'obligations, à partir de 2013. On n’avait pas touché à la Dexter sacrée irlandaise : l’accord laissait intact, à 12,5%, l’impôt sur les sociétés.

Sur les 85 milliards d’euros (112 milliard $), le gouvernement irlandais s’aiderait lui-même à hauteur de 17,5 milliards d’euros, le FMI apporterait un écot de 22,5 milliards € et le reste, soit 45 milliards € proviendrait de prêts bilatéraux et de fonds communautaires.

L’Irlande qui s’était tellement défendue pour affirmer sa souveraineté nationale venait de la perdre, à cause des risques inconsidérés pris par son secteur bancaire, dont la punition était la nationalisation. James Connolly et Michael Collins se retournaient dans leur tombe.

La mise sous tutelle n’améliora que partiellement la situation de l’Irlande. Le 20 décembre sa note souveraine était dégradée de cinq crans par l'agence Moody's, de Aa1 à Baa1, faisant peser un poids supplémentaire sur des banques déjà en grande difficulté. La BCE signait à la suite un accord pour une facilité de swap de 10 milliards de livres sterling avec la banque d'Angleterre pour tenter de limiter les problèmes du système bancaire irlandais.

Lorsque le 5 janvier le Portugal a réussi à lancer ses bons du Trésor à six mois pour un montant de 500 millions $ et que les marchés financiers ont répondu présent, la prime de risque était élevée, puisque le taux d’intérêt obtenu s’élevait à 3,69% (contre 1% pour des bons allemands aux caractéristiques comparables et 2,05%, payé le 10 Septembre 10 2010 pour un appel d’offres du même type) mais les voisins européens respiraient. Le risque de contagion était temporairement endigué.

3,69% contre 2,05%, certes les sommes sont importantes mais la différence est-elle si notable ? La semaine suivante, l’Etat lusophone a enchaîné avec la vente de bons du Trésor à 10 ans pour 1.25 milliards €. Cette fois-ci le taux d’intérêt s’élevait à 6,72%, avec un « spread » ou écart par rapport aux bonds allemands équivalents de 3,60% ; un niveau difficilement soutenable.

La question aujourd’hui est la nécessaire recapitalisation du Fonds Européen de Stabilisation Financière. En effet, pour être crédible, celui-ci doit être capable de se porter au secours demain d’un grand pays. Or si on retranche les 45 milliards promis à l’Irlande, on est loin des 350 milliards dont on aurait besoin pour porter secours à … On comprend bien pourquoi l’Allemagne commence à trouver que les créanciers aussi pourraient perdre quelques plumes. Les élections en Irlande sont prévues le 11 mars.

Gabrielle Durana



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