mercredi 4 janvier 2012

Le strabisme de l’austérité (142eme épisode)


"chomage = humiliation" (Chili-2009)

3 janvier 2012


« L'euro sera peut-être la première monnaie mondiale dans dix ans si ses membres avancent dans la résolution des problèmes », déclarait le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, dans une tribune libre parue le 1er janvier 2012 dans le Journal du Dimanche. Il y égrène tous les arguments du « remarquable succès » : le rôle de l’euro en tant que deuxième monnaie de réserve internationale, derrière le dollar et la stabilité des prix. Il prophétise une longue vie à la monnaie unique

Pendant la trêve des confiseurs, les spéculateurs se désaltèrent avec du Billecart-Salmon et le volume des transactions boursières s’étiole comme rose en hiver. Mais avant l’épiphanie, ils sont de retour et leurs pupitres se remettent à clignoter de rouge et de vert, guidés par des algorithmes.

Fini les yaourts Mamie Nova. En Espagne, depuis le 13 décembre, l’alternance a ramené aux responsabilités de ministre des finances, Luis de Guindos, l’ancien patron de Lehman Brothers sur la péninsule ibérique de 2006 à sa faillite.

Mario Draghi, l’ancien patron de Goldman Sachs pendant les années d’exubérance irrationnelle, devenu gouverneur de la Banque Centrale Européenne après la prise de retraite de Jean-Claude Trichet affiche un rigorisme vis-à-vis de la planche à billets dans le discours mais vient de proposer 489 milliards d’euros de prêts à 3 ans à toutes les banques d’Europe impécunieuses ou prises en tenaille.

D’autres échéances électorales auront lieu en Europe en 2012, notamment les élections présidentielles et législatives en France, mais pour quelle autre politique possible ? La ruse du diable est de faire croire qu’il n’existe pas. Les gouvernements sont-ils condamnés à s’aplatir devant les spéculateurs ou à mourir fusillés sur le mur de l’argent ?

L’austérité est un mauvais moment à passer. Il faut serrer les dents, comme du temps, où on n’avait pas encore inventé l’anesthésie générale. L’économie est gangrénée par la dette, il faut couper une jambe. Au lieu de maugréer, mords ton bâton…

Mais on parle d’apurer 25 points de PIB ! Comment peut-on sérieusement promettre de venir à bout de cet effet de stock de déficits en deux ou trois ans ? 25 points de PIB c’est l’équivalent des dettes générées au cours d’une guerre mondiale.

Il y a quatre manières d’apurer une telle montagne de dette :

- Comme après la deuxième guerre mondiale, l’inflation. Ce serait la mort lente pour les détenteurs de revenus fixes (propriétaires, retraités, rentiers etc.). De toute façon, il faudrait passer sur le corps mort de la BCE, après avoir transpercé le colosse Talos, occis les deux Harpies, broyé les rochers broyeurs Symplégades, et tué l'Hydre de Lerne, qu’il resterait encore à tuer un par un l’armée d’agiles squelettes de Francfort.

- On met les « actifs avariés » dans une « mauvaise banque européenne », et on rembourse pendant 30 ans avec en partie ce qui rentrera de revenus liés aux actifs, auxquels on ajoute une tranche des dividendes de la croissance retrouvée. Cela s’assimile à un défaut partiel (sur les intérêts, pas sur le principal), et doit être négocié au plan international.

- Une agonie interminable. C’est ce qu’Eva Joly appelle dans une formule un peu mélodramatique la « tiermondisation de l’Europe », attirant l’attention sur le rôle croissant du FMI en Europe. Le Diable, dans son rôle de père fouettard, c’est l’image traditionnelle du FMI. Puisque l’UE refuse de créer des ‘eurobonds’, les banques centrales des Etats membres vont abonder le capital du FMI. Le diable en personne, ira prêter secours aux pays européens tombés dans le besoin, avec comme contrepartie le superprivilège sur tous les autres créanciers, les politiques d’ajustement structurel et la mise au pas des gouvernements qui n’auraient pas compris la bonne politique spontanément.

- Un jubilée. Comme chez les Juifs de l’Antiquité, quand tous les cinquante ans, les dettes et les peines étaient pardonnées. Ne rêvons pas.

Et bien si justement, on pardonne bien aux banques qui nous ont offensés. Alors pourquoi ne nous pardonnerait-on pas aussi ?

Gabrielle Durana


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