samedi 7 janvier 2012

les Etats-Unis sont-ils sortis de la crise ? [1ere partie] (143ème épisode)

Le reve americain a l'encan

7 janvier 2012

Avec un taux de chômage de 8,5% et 200.000 nouveaux postes crées en décembre 2011, la situation de l’emploi aux Etats-Unis s’améliore de mois en mois. Elle retrouve son niveau de février 2009. Au total, l’année qui vient de s’écouler a connu le plus de créations d’emplois (1,6 millions) depuis 2006, et 3,2 millions en 22 mois. Ce résultat n’est pas impressionnant : il reste 13,1 millions de chômeurs, ou 22 millions si on compte les personnes sous-employées et celles ayant renoncé à chercher. Mais une année électorale, il permet à Obama de damer le pion aux Républicains qui l’accusent d’avoir échoué sur toute la ligne économique, et d’arguer que le pays est retourné sur la bonne trajectoire. La reprise ne serait plus qu’une question de temps…

Tandis que l’Europe semble entrée en récession et que les théories du « découplage » entre les zones économiques ont maintes fois été démenties par les faits, Ben Bernanke, le gouverneur de la Fed rappelle dans un livre blanc adressé le 4 janvier au président de la « Banking, Housing and Urban Affairs Commission » au Sénat que la sortie de la crise des Etats-Unis reste conditionnée à la résorption de la crise immobilière, éclatée en août 2007. « Quand le bâtiment va, tout va ! » dit la maxime ; son contraire est encore plus vrai.

L’immobilier, boulet de la reprise

Le document prend position : « les problèmes persistants sur le marché immobilier américain continuent d’empêcher la reprise économique ». En effet, les prix de l’immobilier ont chuté en moyenne de 33% depuis leur sommet de 2006, ce qui a occasionné une perte pour les ménages de 7.000 milliards $ en revenus et en patrimoine. Pour comparer, le PIB des Etats-Unis représentait 14.580 milliards $ en 2010.

A l’heure actuelle, 12 millions de propriétaires sont titulaires d’un prêt d’un montant supérieur à la valeur de leur bien immobilier, soit un prêt hypothécaire sur cinq (source : CoreLogic et LPS Applied Analytics).

Aux Etats-Unis, l’image utilisée pour signifier qu’un ménage se retrouve à devoir plus que la valeur de son bien immobilier est celle de la noyade. Le prêt et par assimilation son titulaire sont sous l’eau (‘underwater’). Dans les Etats les plus durement frappés par l’effondrement des prix de l’immobilier, soit l’Arizona, le Nevada et la Floride, nonobstant le soleil du désert ou des Everglades près de 50% des emprunteurs sont sous l’eau.

Selon le rapport, la valeur agrégée de tous ces prêts immobiliers à rendement négatif, appelons les des « prêts maudits » se monte à 700 milliards $. Pour mémoire, le plan Paulson adopté en octobre 2008 qui renfloua les banques s’élevait aussi à 700 milliards $.

Sur les 12 millions de prêts maudits, 8,6 million d’emprunteurs, représentant environ 425$ milliards d’actifs à amortissement négatif (‘negative equity’) sont à jour de leurs mensualités. Ils cherchent désespérément à refinancer leur emprunt, car les taux d’intérêts sont tombés à des niveaux historiques. Ils souhaitent parler à leur banque pour ajuster le montant du prêt à la valeur actuelle du logement. En vain.

De leur côté, les institutions financières mettent sur le compte de la titrisation leur lenteur et leur difficulté à modifier les prêts maudits. En effet, comme il y a de nombreux créanciers partiels pour un même et unique prêt, il faudrait obtenir l’accord de chacun avant de modifier le taux d’intérêt, a fortiori pour réduire le principal.

Mais en rapprochant les deux montants de 700 milliards, il devient clair que le drame humain des uns est un problème de nettoyage de bilan pour les autres.

L’aléa moral des deux côtés

Ainsi les banques, sauvées des eaux par les contribuables refusent de renégocier les prêts avec les clients. Aujourd’hui, les ‘incentives’ sont totalement faussés : il faut qu’un emprunteur sous l’eau arrête de payer pour que son créancier daigne lui parler. Tant qu’il paie, c’est qu’il peut continuer à le faire.

Apparaît l’expression dans la profession bancaire de « strategic foreclosure », c'est-à-dire de débiteurs qui cessent de rembourser non parce qu’ils n’ont plus les moyens mais parce que cela ne fait aucun sens de payer deux fois trop cher sa maison. Autant redevenir locataire et mettre l’autre moitié de l’argent de côté tous les mois. Ou acheter la maison d’à côté pour la moitié du prix en la mettant au nom de ses parents.

De toutes les façons, les banques préfèrent vendre les maisons le plus vite possible aux enchères pour nettoyer leur bilan, puisqu’elles ont déjà provisionné pour pertes et que l’aide de l’Etat leur a évité la faillite. Démêler l’enchevêtrement des titulaires des créances de 12 ou 8,6 millions de prêts hypothécaires pour leur demander de consentir des remises de dette ? En voilà une tâche herculéenne et finalement injuste ; ces gens ont eu les yeux plus gros que le ventre. Qu’ils aient perdu l’épargne de toute une vie de travail, à chacun ses soucis.

Il y aurait beaucoup à dire sur l’aléa moral des uns et des autres. La justice rattrape seulement maintenant les plus hauts dirigeants du réassureur quasi-public Fannie Mae ; le PDG de Freddie Mac s’était suicidé le 8 mai 2009. Quant à Countrywide Financial, autrefois premier prêteur immobilier du pays, quatre ans après l’éclatement des subprimes, personne n’a encore été inquiété.

Sortir de la crise immobilière, un impératif

Le livre blanc de M. Bernanke avance de nombreuses propositions au Congrès pour sortir de la crise immobilière. Sur les 2 millions de logements vides actuels, il estime qu’environ un quart est constitué par le stock des saisies immobilières. D’ailleurs en anglais, « prêt immobilier » se dit ‘mortgage’, un mot dérivé du français qui indique par son étymologie qu’un tel contrat se termine soit par le paiement de la dette (=la mort de la dette), soit par la confiscation du bien (=le gage).

Une partie de ces biens repossedés n’est d’ailleurs même pas remise en vente pour éviter que par la loi de l’offre et la demande, les prix ne s’enfoncent dans une spirale de déclin, générant encore plus de « défaillances stratégiques ». Les maisons restent vides, sont parfois squattées. Elles constituent ‘le shadow inventory’, les stocks de l’ombre.

Le gouverneur de la Fed incite à mettre le plus grand nombre de ces biens immobiliers en location le plus rapidement possible. D’abord pour faire face aux besoins des familles sans logis, car les loyers sont repartis à la hausse. Le rapport indique quelles devraient être les modifications réglementaires pour permettre aux institutions financières d’administrer ses soudains parcs immobiliers. Certes des petits investisseurs sont déjà en train d’acheter des biens à l’encan pour les relouer, mais il suggère de passer à la vitesse supérieure en opérant une modification à grande échelle et en favorisant les financements nécessaires pour que de grands groupes bancaires s’y mettent vraiment.

Il préconise aussi des mesures législatives. Un Obama II ? Le rapport s’adresse officiellement au président de la commission M. Tim Johnson, sénateur républicain de l’Illinois. Il recommande de donner latitude à l’originateur ou à l’établissement gestionnaire (‘servicer’) de négocier une remise de dette avec le débiteur. Il note que ces changements « peuvent être bénéfiques pour la société dans son ensemble, même si ils ne vont pas dans le sens des intérêts des préteurs ».

Dans la mesure où les banques ont déjà été en large mesure indemnisées par le contribuable, il serait logique que la représentation nationale puisse décider du sort de ces logements dont elle est moralement propriétaire.

Et la croissance de long terme ? Ce sera pour une prochaine fois !

Gabrielle Durana



1 commentaire:

Habitat décor a dit…

ingthJuste une petite rectif au sujet du chomage americain :
On nous fait croire et à toi aussi des absurdités et tout le monde les gobes.. 200 000 emplois créé en decembre ( pour tenir les portes des magasins au moment de noel et qui sont viré depuis le 2 janvier .... Super)
De plus le taux réel du chomage est de 17% au USA. et oui il faut compter aussi ceux qui sont dégagés des stats car ils ne touchent plus d'indemnisations....