15 avril 2009
Le 15 avril pour un Américain est comme le 15 septembre pour un Français, la succulente date à laquelle votre cousine Marianne et leur oncle Sam se rappellent au pacte social et exigent le paiement des trois tiers provisionnels d’un coup. Si vous faîtes partie de ces contribuables à la rationalité moins que parfaite, qui préfèrent qu’on leur confisque une partie de leurs revenus, au lieu de les placer et, à la date fatidique régler rubis sur l’ongle, vous avez jusqu’à ce soir minuit, pour réclamer votre épargne forcée moins les intérêts et sans l’inflation. Pourvu qu’il n’y ait pas une tempête de sable sur l’autoroute 101 qui mène à l’aéroport ; où le cachet de la Poste fera foi de votre nature humaine à stresser avant de commencer.
Vous auriez pu passer la journée à prendre le thé non pas chez les fous, comme Alice mais chez les Républicains. L’élection a beau transformer le plomb du pouvoir en or de la légitimité, pour protester contre le plan de relance, contre l’abolition du bouclier fiscal des über-riches, contre un premier budget qui donne la priorité à la santé, à l’éducation et aux énergies renouvelables, les Républicains en deuil avaient organisé par tout le pays des goûters anti-impôts.
Ils n’étaient pas déguisés en lièvre de Mars ni en loir, mais en Chapelier, avec des perruques ou des plumes bariolées. Ils n’allaient pas girouetter dans des soucoupes. Ils n’étaient pas à Disneyworld. Non, le temps était à la révolte, comme après l’imposition d’une taxe sur le thé, quand les sujets de sa Majesté ulcérés avaient boycotté, à l’initiative du Général Boycott le thé anglais, s’étaient mis à boire des infusions, à acheter au marché noir du thé néerlandais, et à couler dans le port de Boston les livraisons de la Compagnie anglaise des Indes Orientales ; la même qui pour équilibrer la balance des paiements avec la Chine, obérée par toutes ces exportations, à l’époque c’était du thé, imagina de forcer l’Empereur à importer de l’opium, sur lequel la Compagnie avait le monopole en Inde.
La fêlure dans le raisonnement du thé costumé est qu´à la différence de John Adams ou de Paul Revere, les Républicains d’aujourd’hui jouissent d’une représentation au Parlement. Ils y ont en revanche perdu la majorité. « Si tu connaissais la majorité aussi bien que moi », dit le Chapelier, « tu ne parlerais pas de le perdre, comme une chose. La majorité est un être vivant. »
Les élections ont des conséquences. Merci de céder la place. Laissez comme disent les Québécois, tremper vos sachets, mangez-les si cela vous chante mais que l’Amérique des « unter-riches » puisse goûter les fruits de l’alternance.
« Restez en dehors de ma tirelire » (pancarte de gauche).
« Ne me taxez pas, je suis trop jeune pour travailler »(pancarte de droite)
« Ne me taxez pas, je suis trop jeune pour travailler »(pancarte de droite)
« Le monteur Joseph Bloch, qui avait été un célèbre gardien de but, fut informé, quand il se présenta le matin à son travail, qu'il était congédié. » Peter Handke nous propose de suivre dans L’angoisse du gardien de but au moment du pénalty Joseph Bloch, plus étranger que ne l’avait été Mersault, trente ans avant lui, dans un périple qui le conduira vers l’irréparable. « Du moins Bloch interpréta-t-il ainsi le fait que seul le contremaître leva les yeux de son casse-croûte lorsqu'il ouvrit la porte de l'abri où les ouvriers faisaient la pause, et Bloch quitta le chantier. Dans la rue, il tendit le bras, mais jamais la voiture qui le dépassa – qu'il ait ou non tendu le bras pour appeler un taxi – n'avait été taxi. » Considérez maintenant le stress du banquier après la publication des résultats trimestriels – un vrai compte de fées, on a eu un tsunami et tout le monde a fait des dividendes, 3,39$ par action pour Goldman Sachs ! De quoi vous acheter une action Citgroup ou un café au lait chez Starbucks, - et avant celle des épreuves d’effort, infligées par Timothy Geithner aux 19 grandes banques américaines.
Elles sont toutes sur leur tapis roulant, 100 milliard à l’actif et combien de mauvais aloi ? Les techniciens de la crise cardiaque augmentent la pente, l’inclinaison, la vitesse. Timothy ausculte et se tait. Quelles banques seront euthanasiées ? Quelles institutions s’en sortiront avec une greffe d’argent public ? Rien, rien, rien, comme dans le roman de Peter Handke, vous ne saurez rien de ce qui se passe dans la tête du Ministre des Finances ni dans son bureau. Espérons que cela ne mène pas à l’absurde ou à l’irréparable. Pour l’instant cela conduit au boniment de circonstance, ce que les Américains appellent a white lie et les Allemands Notlüge. Le contraire de la panique n’est pas le mensonge pieux. Comment faire revenir la confiance et comment publier les résultats, vous pouvez tourner sept fois votre cuiller, le temps fond sous le plancher fin des 8029 points.
Gabrielle Durana
Chroniques du tsunami financier, all rights reserved
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