dimanche 1 mars 2009

Chronique # 71: le premier budget Obama, un budget de Gauche

1er mars 2009

Barack Obama est un homme pressé. Dès son arrivée, il avait voulu faire adopter un plan de relance de près de 850 milliards. Il avait dû rapidement se résoudre à mettre un tiers de réductions d’impôt dans son vin jeune, obtenir ainsi le ralliement de trois Républicains modérés pour faire passer son texte en vote bloqué ; seule manière de contourner l’obstruction systématique du camp défait. Le texte a été effectivement adopté en un temps record. Toutefois dans l’urgence, la part des grands travaux et de la relance par la consommation ont été réduits d’un tiers et la taille du plan dans son ensemble d’un gros point de PIB. Déjà peu rassurée par le maintien de Robert Gates, nommé en 2006 au poste de ministre de la défense, alors qu’on était censé changer de cap en Irak, puis par l’arrivée de l’équipe Summers-Geithner comme architectes du sauvetage du système financier, l’aile la plus progressiste du Parti Démocrate commençait à glisser dans la dépression post-partum.

Ensuite, Barack Obama a rendu public son plan pour venir en aide aux ménages surendettés, à hauteur de 225 milliards. Tandis que Barney Frank, le président de la commission des finances convoquait les patrons des grandes banques pour leur extorquer un moratoire sur les expulsions, le président annonçait ce qui sous Bush aurait été impensable : les juges des faillites auraient le droit de modifier les prêts hypothécaires en souffrance.
Mais le vrai coup de tonnerre a été la présentation du budget 2010. Miracle du suffrage universel qui transforme le plomb du pouvoir en or de la légitimité, les élections ont des conséquences. Il ne s’agit pour le moment que d’un « blueprint », une esquisse mais le changement dans le style et dans les objectifs est tellement impressionnant que le passant reste émerveillé à contempler l’objet derrière la vitrine.
D’ abord avec un accent presque mendésiste, en tout cas lincolnien, Barack Obama dresse un inventaire sans fard des « séquelles d’une gestion déficiente et de priorités erronées, d’opportunités ratées et de graves problèmes structurels, trop longtemps ignorés ». L’analyse est un réquisitoire contre huit ans d’irresponsabilité politique. Nous ne sommes pas sous le tsunami économique, social et financier par malchance.
Opération vérité, Barack Obama réintroduit dans le budget de l’Etat, pour la première fois depuis leur déclenchement en 2001 pour l’Afghanistan et 2003 pour l’Irak le coût des guerres lancées par George W Bush et Dick Cheney. 10 milliards de dollars mensuels, juste pour l’Irak, à force ça commence à chiffrer. Finie la comptabilité hors-bilan, finie la sous-traitance aux amis d’ Halliburton, des plateaux-repas à 150 dollars (ce n’est pas une coquille). L’Etat reprend ses fonctions régaliennes et assurera ses opérations de guerre lui-même. On licencie les mercenaires ; à moins qu’ils ne veuillent resigner comme engagés volontaires.
Peut-être les deux mesures les plus spectaculaires du blueprint sont la création d’une couverture médicale universelle financée par la remise en cause des abattements fiscaux en faveur des plus riches accordés par Bush (c’était la fameuse, j’allais dire fumeuse, théorie des trickle-down economics : enrichissez les riches et la richesse dégoulinera). Obama propose non l’avènement de l’Union des Républiques Socialistes Américaines mais un retour à la pression fiscale de Bill Clinton. Ayant appris de l’échec d’Hillary, il y a 15 ans, le projet de couverture santé pour tous devrait se mettre en place progressivement et autour d’une large négociation des différents partenaires. L’autre volet « Pince-moi je rêve », c’est la pénalisation économique des énergies les plus polluantes et le déploiement d’une volonté de financement de la recherche et du développement des énergies propres. John McCaïn et Sarah Palin faisaient campagne en jactant du haut de la tribune : « Drill, baby, drill » (creuse, ma jolie creuse). Bush signait quelques heures avant de partir des permis de forage au milieu des parcs naturels.
Dans un premier temps, la mise en place d’un marché de droits de polluer semble pénaliser les ménages modestes qui sont ceux qui se chauffent au fioul et dont les maisons sont les moins bien isolées, mais quand on lit plus en détail, on comprend qu’il y aura des aides accompagner la transition et éviter que la Terre ne finisse comme Vénus.
On ne lâche pas ce huitième volume d’Harry Potter : des moyens pour l’école et les universités publiques, des investissements pour internétiser, comme on électrifiait aux temps de Roosevelt, l’Amérique profonde, des fonds pour la création d’écoles maternelles, de l’argent public en faveur de la recherche sur les cellules-souche, de la transparence en matière de dépense publique grâce à un site web. La dernière fois qu’un président démocrate a fait rêver l’Amérique de cette manière, le taux d’imposition marginale maximal était de 91%. C’était sous Kennedy.
Gabrielle Durana
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