lundi 29 septembre 2008

Chronique n°5 "You broke it, you own it"

A l’ heure où je rédige cette chronique, la Bourse de New York enregistre une autre journée destructrice, avec une baisse de 528 points. Depuis dix jours, les agents économiques attendaient le plan de sauvetage du système financier américain négocié par le Trésor, la Fed et le Congrès. On attend, on attend, bon il arrive ?

Le plan est là. Il a une saveur amère pour les milieux d’ affaires et âcre pour les parlementaires qui retournent aux urnes dans trente-huit jours. L’ incertitude plane quant à son adoption. Je revérifie sur mon écran et découvre que le vote de rejet vient de l’ emporter par 228 votes contre 205 (il en fallait 218). Les marchés plongent de 700 points. Petite explication à chaud : que s’ est-il passé ? La semaine dernière, le Monde parlait d’ Union sacrée. Aux Etats-Unis, ils appellent cela le bipartisanship et si vous n’ aimez pas le concept au moins officiellement, vous êtes un égoïste.

Tous s’accordent à juger que la situation est critique et que plus on attend, plus les dégâts des eaux se répandent dans le reste de l’ économie (General Electric a dû emprunter 5 milliards auprès de la Fed parce qu’ elle ne trouvait pas les moyens de financer ses besoins en liquidités) et dans le reste du monde (la Banque centrale européenne vient d’injecter 120 milliards sur les marchés européens).

Pourquoi le plan n’a-t-il pas été adopté ? Dans les pays anglo-saxons, il y a souvent dans les bazars un panonceau qui dit : «You broke it, you own it» (=vous l’ avez cassé, il est à vous). L’économie américaine après huit ans de Bush traverse la crise économique la plus grave depuis 1929. Bush a perdu toute crédibilité pour gouverner aux yeux de son propre camp. Petraeus, le général «victorieux» en Irak maintenant redéployé en Afghanistan a de facto les pleins pouvoirs à l’ extérieur. Paulson, le président du Trésor, s’occupe de gérer la pagaille intérieure. Dans ce contexte, les Démocrates avaient les moyens de faire adopter une loi sans l’accord des Républicains. Mais le plan de sauvetage de Wall Street a un coût de 700 milliards de dollars et le Parti Démocrate n’ a pas l’ intention d’ assumer seul l’ impopularité de la mesure quand ce n’est lui qui a fait un enfant à la bonne.

Avant même que McCain vienne ajouter son grain de sel, la semaine dernière, quand il a déclaré comme Batman qu’il retournait à Washington pour sauver l’économie, les Républicains étaient déjà récalcitrants.

Ils sont fondamentalement en désaccord idéologique avec le contenu du plan : limiter les salaires des dirigeants, interdire les parachutes dorés, reréguler l’économie, donner au juge des faillites le droit de changer les termes des prêts hypothécaires, et à l’Etat des parts dans le capital des entreprises secourues est une hérésie. Comme disait le Sénateur Républicain Shelby, «We are going down the road of France». (“On va bientôt ressembler à la France”).

Il aura aussi manqué des votes démocrates pour faire passer la loi. Ceux qui retournent devant les électeurs dans moins de quarante jours préfèrent être trucidés par Nancy Pelosi, la Présidente de la Chambre des Représentants que de commettre la faute politique de voter une loi certes indispensable mais très impopulaire. L’argent va à l’ argent, hurle la foule en colère.
Voilà, pendant que le renard libre saccage le poulailler, les élus des poules libres ne veulent pas qu’ on leur reproche de faire des cadeaux immérités. Ainsi va le fabliau, les œufs sont piétinés et on joue Brahms.

Chroniques du tsunami financier Gabrielle Durana All rights reserved

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