lundi 26 janvier 2009

Chronique # 64: le Dow Jones ne marque plus l’heure de Wall Street

24 janvier 2009

Les Rois Mages ont emporté 1000 points dans leur caravane. Plus ils s’éloignent de l’étoile du Berger et plus le Dow Jones baisse. Vendredi, il clôturait à 8077 points.

Sur cinq séances que compte une semaine, Londres ne connaissait qu’un jour de hausse pour une baisse totale de 2,28%. A Francfort, mercredi était le seul jour dans le vert et le DAX perdait 4,29%. Quant au CAC40, il est resté dans le rouge et a encaissé un recul hebdomadaire de 5,56%. De passage à Paris, mes amis me disent que la seule manière dont la crise est palpable est l’assèchement du crédit. Alors les indices seraient-ils plus déprimants que le monde réel ? Portons la montre à l’oreille pour vérifier qu’elle fait tic-tac.
Le Dow Jones Industrial Average est un indice pondéré de valeurs boursières. Cela veut dire qu’on a choisi 30 valeurs jugées représentatives parmi les milliers d’entreprises cotées à Wall Street (du temps de la révolution industrielle, elles étaient 12, d’où le nom), et qu’on leur a accordé un poids relatif dans le panier global.

Oui mais en fonction de quel critère ? Le Dow Jones est pondéré par les prix. Le diviseur est 7.964782. Cela veut dire que quand une action cotée en bourse perd 1$, l’indice baisse de 7,96 points, quelle que soit la capitalisation du titre. Autrement dit, quand une action chère baisse de 1$, cela compte autant que quand une action bon marché perd un dollar, alors qu’évidemment la variation de la deuxième va représenter un pourcentage plus important.

J’ai l’air de chipoter sur des broutilles mais en ces temps difficiles, il n’y a pas qu’entre l’Ukraine et la Russie que les compteurs ne savent plus compter.
L’économiste James Bianco prend l’exemple du jour de l’élection d’Obama pour montrer qu’il y a de l’eau dans le Dow Jones. Mais d’ abord, il faut que je vous explique une règle de jurisprudence constante, au moins jusqu’au tsunami : le Dow Jones, gardien de l’indice éponyme est censé expulser du panier toute action qui tombe en dessous de 10$.

Voici les actions qui étaient tombées en disgrâce le 20 janvier 2009. Je vous ai indiqué le symbole entre parenthèses pour que si un jour vous vous embêtiez chez le coiffeur et qu’y trainât Les échos ou le Financial Times, vous puissiez vous livrer au même exercice avec d’autres cotations.
Citi (C) =2,80$
General Motors (GM)=3,50$
Bank of America (BAC) = 5,10$
Les fabriquants d’aluminium Alcoa (AA)= 8,35$

Si le cours de toutes ces actions venait à tomber à zéro, le Dow Jones perdrait seulement 157.3 points
(2,80+3,50+5,10+8,35) X 7.964782 = 157.30

Maintenant si toutes les banques importantes faisaient faillite, cela nous donne :
Citi (C)=2,80$
Bank of America (BAC)=5,10$
American Express (AXP)=15,60$
JP Morgan (JPM)=18.09$
Egale une chute du Dow Jones de 331,25 points. Juste pour mémoire, le jour de l’entrée en fonctions d’Obama, l’indice avait perdu 332.13 points, soit plus.

Ajoutons General Electric qui offre beaucoup de financements, même si ce n’est pas son identité première.

General Electric (GE)=12.93$

La chute de la maison Wall Street serait de : (12,93+2,80+5,10+15,60+18,09) X 7,964782= 434.24 points. Pas de quoi se jeter par les fenêtres si vous regardiez tomber l’indice à l’heure où tout le monde applaudit. Pourtant vous comprenez intuitivement que si les cinq plus importantes institutions financières passaient par pertes et fracas, la commotion causerait un tsunami thermonucléaire.

Comme quand vous vous promenez dans un palais des miroirs, vous êtes en train de faire l’expérience déroutante d’un indice déformé (distorted).

Au lieu de prendre ses responsabilités et de congédier les actions qui ne sont plus représentatives puisqu’ elles sont tombées trop bas et d’en prendre d’autres qui aient une cote plus élevée, le Dow Jones attend que les cours remontent. Or comme une batterie qui est déchargée, le Dow Jones ne pourra pas repartir à la hausse parce que le mécanisme entretient un effet pervers.

Si donc toutes les actions du Dow Jones en dessous de 10$ et si toutes les entreprises financières allaient à vau l’eau, soit 7 des plus grandes entreprises nationales faisaient faillite, en incluant GE, cela ferait une perte pour le Dow Jones de seulement 528,65 points.

Voici maintenant le haut du palmarès :
IBM (IBM)=81.98$
Exxon(XOM)=76.29$
Chevron (CHV)=68,31$
Procter & Gamble (PG)=57,07$
Johnson & Jonson (JNJ)=56,75$
3M (MMM)=53,92$
Wal-Mart (WMT)=50.56$

Si Wal-Mart le géant mondial des hypermarchés mettait la clef sous la porte cela nous donnerait une chute du Dow Jones de 404 points. Si la sentence de mort tombait sur IBM, la chute serait alors de 652,95 points. Cela veut dire qu’IBM a plus d’influence sur l’indice que toutes les entreprises financières, les Trois Grosses, Alcoa et General Electric réunies. Really ?

Que le Dow Jones n’ait pas éjecté de son panier General Motors ou Citigroup, cela s’explique par des raisons politiques. En attendant, l’indice sur-déprimé a un effet déprimant auto entretenu ; ce qui à son tour déprime l’économie, via le moral des dirigeants d’entreprise. C’est comme si le miroir de la fête foraine vous renvoyait l’image que vous êtes grosse, du coup, vous dites, c’est fichu et vous vous vengez en vous gavant de MacDonald’s. Et plus vous vous gavez et plus le miroir amplifie votre image de manière plus que proportionnelle.

Comprenez que d’ abord le Dow Jones baisse, parce que l’économie est en crise ; mais ensuite la baisse de l’indice, son frein à remonter, un effet de cliquet pervers entretiennent la mauvaise presse.

La solution : il faudrait remplacer les actions tombées en disgrâce par des titres plus forts.

Autre leçon à retenir : prenez les indices pondérés par les prix, comme le NASDAQ, le Dow Jones ou le DAX avec des pincettes. Le CAC 40, lui, évite ces distorsions. C’est un indice pondéré par les capitalisations (prix des actions multiplie par leur nombre) et non par les prix. Si une action tombe dans les bas-fonds, l’indice ne la ramasse pas, il la remplace. Quand l’économie repart, il n’a pas besoin de prozac.

Gabrielle Durana
Chroniques du tsunami financier- all rights reserved

Courriel des lecteurs :

Un correspondant de Montevideo m’écrit : « Il faut accepter que la houle n'est qu'a la moitié de celle du tableau d'Hokusai. Quand on prête un livre c'est presque toujours un cadeau. Quand on prête à des millions d'impécunieux c'est pareil. Les petits propriétaires vont garder leurs maisons grâce a Obama, les agents financiers vont lécher leurs blessures et s'apaiser un jour ou l'autre, et même quelques uns vont faire de gros profits. Le vrai problème c'est la récession dans l'économie réelle: chute de la production et des échanges, fermetures d'entreprises, réduction des salaires, licenciements, etc. et là je ne voudrais pas être dans les chaussures d'Obama et ses pareils; les miennes, ça suffit. J'attends tes conclusions sur le Dow Jones; ça concerne directement les petites économies de mon fils. Je regrette ne pas être parmi vous à la réunion des secrétaires, mais à la maison on a d'autres chats à fouetter: la fermeture de notre consulat en l'Uruguay. »

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