jeudi 18 décembre 2008

Chronique # 50: : les 3 Grosses et la Maison Blanche sont dans un bateau


18 décembre 2008
Nous nous étions quittés dans la nuit de jeudi à vendredi dernier, au moment où la cloche du Sénat américain sonnait la fin de la législature. Boitant, les canards battus rentraient à la maison, les cartons dans le coffre de la Prius, avec le sentiment du sabotage accompli. Une majorité de la chambre haute venait de refuser de ratifier le prêt-relais de 14 milliards de $ ; les 3 Grosses iraient mariner au tribunal de commerce. Maintenant, si vous n’aimez pas les fêtes, n’en dégoutez pas les autres, pardon, je dois aller faire mes courses de Noël.

Puis, le lendemain une rumeur enfle, court, sprinte jusqu’ à Wall Street. Dick Cheney, qui quelques jours plus tard se vantera sans ciller d’avoir autorisé l’utilisation de la technique de la noyade simulée (waterboarding) comme méthode d’interrogation (« Was it torture ? I don’t believe it was torture » = était-ce de la torture ? Je ne pense pas que c´était de la torture) dans les oubliettes de Guantanamo s’inquiète de son souvenir dans le futur.
Bush décroche son téléphone : « Allo, Hank, Dick dit qu’il faut refaire l’électricité avec l’argent de la plomberie pour ne pas s’électrocuter ».

- Comment ça, c’est toi qui décide ? Diiiiiick !

- Tu crois que j’ai pitié, peut-être ?…

- Je sais, mais sinon on ira tous rejoindre Herbert Hoover au dépotoir de l’Histoire. Dick, il dit, toi compris.

Hank pose son combiné. La petite souris sur son bureau descend sur le tapis, se faufile dans l’entrebâillement de la porte.
La fiction s’arrête là.
Quinze minutes plus tard, le Dow Jones repassait dans le vert.



Le même jour, le prix Nobel d’Economie Joseph Stiglitz publie une tribune libre dans le Financial Times. Selon lui, le mal est fait, l’anticipation de la possibilité de la faillite a déjà dissuadé les acheteurs potentiels de choisir une Chrysler, une Buick ou une Chevrolet. Donc, autant aller trouver le juge des faillites qui a le pouvoir d’effacer des dettes. Je sais que ce n’est pas drôle, mais cela m’a fait rire parce que quand je préparais l’agrégation, le directeur de notre département nous avait donné le conseil suivant. Si à l’oral, on nous demandait de citer un économiste de référence sur un sujet particulier et qu’on séchait : « Répondez Stiglitz » avait-il conseillé, « vous ne pouvez pas vous tromper, il a écrit sur tout ».

Finalement la bourse, après avoir démarré la séance avec une chute de 3%, clôturait ce jour-là sur une hausse inespérée de +0,75%.
Tout le monde part en week-end en pensant que l’argent du TARP (Troubled Assets Relief Program) va servir à financer les 14 milliards dont Chrysler, General Motors et Ford ont besoin pour arriver au 6 janvier, quand la nouvelle majorité s’installe à Capitol Hill.
Lundi, mardi, mercredi, le facteur n’est pas passé, passera-t-il un jour avec le mandat ?
Mercredi, Robert Reich, un conseiller économique de Barack Obama (parmi un panel aussi varié que les parfums chez un marchand de glaces) peste contre l’utilisation de l’argent du TARP. En démocratie, le Parlement vote le budget. S’il refuse de voter les 14 milliards, le pouvoir exécutif n’a pas la légitimité pour défaire la décision. De plus, le pouvoir législatif a décidé que le TARP était pour les banques. Il faut donc s’incliner : dura lex, sed lex (la loi est dure mais c’est la loi). Enfin, plaide-t-il, si on commence à distribuer de l’argent pourquoi pas aussi aux journaux ? Ils vont bientôt disparaître, malgré leur utilité, vu que tout le monde fraude, comme des passagers clandestins (free riders) et lit en ligne mais refuse de payer. Et quid des Etats, comme la Californie qui sabrent dans les dépenses sociales et les emplois non statutaires, puisqu’ ils sont à court de plusieurs milliards de rentrées fiscales ? Sans parler des villes qui avaient investi dans les titres pourris comme les CDO.
La bourse attend, elle espère.

Juste pour garder la pression Chrysler annonce qu’elle fermera 30 de ses usines pendant un mois à partir de vendredi. Quant à Ford, 9 usines sur 15 seront placées en chômage technique, la première semaine de janvier.
Aujourd’hui jeudi, coup de torchon, la Maison Blanche communique. « Le Président ne s’est pas encore décidé ». Un redressement judiciaire « méthodique » (‘orderly’) pourrait être la solution, si … les syndicats ne font pas des concessions.
Maintenant ma partie préférée de tout ce théâtre.
Sur la tête des 3 Grosses ont été passés des contrats d’assurance-décès. Vous n’avez pas oublié les produits dérivés qui couvrent le risque de faillite ? Il y en a pour 290 milliards de Credit Default Swaps.
Voilà, pour les queues, maintenant parlons des chiens.
Sur le marché des junk bonds, ces obligations pourries qui rapportent un taux d’intérêt plus fort parce que les entreprises qui ont emprunté avaient reçu une mauvaise note, les constructeurs automobiles et leurs satellites de financement aux consommateurs représentent 10% du volume total.
Les Cassandre annoncent que la faillite d’une, deux ou trois Grosses entrainerait l’ouverture du volume deux du tsunami à cause des pertes subies par les détenteurs de ces obligations pourries, principalement des banques et autres investisseurs institutionnels.
En fait, répond l’amant de sa mère tout ça c’est beaucoup de bruit pour rien. Comme dans certains CDS, la banque A promet de payer à la banque B mais que dans d’autres la banque B promet d’indemniser la banque C, qui elle a des CDS où elle est l’assureur, et d’autres où elle est la contrepartie, quand on aura consolidé tout ça, ce n’est plus 290 milliards, mais juste 16 milliards qui changeront de mains.
16 milliards, ce n’est pas plus que 14 milliards ? Donc si je résume : soit on donne 14 milliards du TARP, soit les banques et AIG qui ont reçu les 335 milliards de la moitié du TARP devront dédommager quiconque leur présentera un CDS en bonne et due forme. Sauf qu’on aura perdu 3 millions d’emplois et qu’on a déjà vu ce qu’avait coûté le règlement de la faillite de Lehman Brothers. 6 milliards en CDS. Vous êtes sûrs ?

Gabrielle Durana
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Le plus haut responsable du climat aux Nations unies, Yvo de Boer essaye une voiture solaire suisse au sommet sur le réchauffement climatique à Poznań, (Pologne). Le taxi solaire vient de terminer un tour de du monde de 40.000 km.

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