lundi 6 octobre 2008

Chronique n° 9 Un week end agité

Ça aurait dû être «chouette, le Plan Paulson a été adopté !», ce fut chacun sa bouée et sauve qui peut! La Bourse devait réagir par une euphorie proportionnelle à la dégringolade de 777 points du lundi d’avant, quand le Congrès avait joué à «Touche pas à mon élection». A la place, elle passait largement en dessous de la barre des 10.000 points pour atteindre son cours le plus bas depuis le 26 octobre 2004. La signature de Bush à peine séchée, le plan Paulson a-t-il déjà échoué ?

Non.

Rappelez-vous quand fin août, Barack Obama a prononcé son discours d’investiture à Denver devant 70.000 personnes réunies dans un stade, le jour du 45ème anniversaire du discours de Martin Luther King «I have a dream». C’était un événement historique dont ont aussi été témoins 40 millions de téléspectateurs. Mais le lendemain, McCain annonçait la nomination de Sarah Palin comme sa colistière. En un flash, le coup de théâtre éclipsa le souvenir et la portée du discours.

Ce week-end, McCain n’a pas annoncé qu’il s’était trompé et que finalement il allait prendre quelqu’un d’ autre, mais l’équivalent en matière économique d’un coup de théâtre vient de se produire qui fait oublier le plan Paulson, au moins temporairement. Ce n’ est pas vraiment un coup de théâtre, ce n’est pas un coup de Jarnac –chacun joue aussi honnêtement que possible compte tenu des cartes qu’ il a en main, c’est un coup manqué.

Samedi, les quatre économies principales de l’UE, la France, l’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni se sont retrouvées à Paris pour coordonner leur action face à la crise financière qui maintenant frappe l’Europe de plein fouet. Après avoir posé devant le perron de l’Élysée et défini une vague doctrine commune, chacun est retourné sauver ses banques chez soi. Il n’y aurait pas de plan de sauvetage pan-européen. Angela Merkel a expliqué que les problèmes étaient isolés et que les fondamentaux de l’ économie-allemande-sont-solides. Brown déclarait que la Banque d’Angleterre déciderait de sa politique des taux en toute indépendance.

Ça, c’était samedi. Dimanche, on apprenait que le jeu non-coopératif avait connu quelques coups supplémentaires : après la Grèce et le Danemark, l’Autriche mais aussi l’Allemagne étaient forcés de s’aligner sur le petit égoïste de l’Irlande et de déplafonner la garantie des dépôts.
L’Islande, chaloupée dans une mer d’indifférence, voyait son système bancaire imploser avec pour tout espoir une aide du FMI.

L’Allemagne découvrait qu’Hypo Real Estate avait maquillé son carnet pour moins se faire engueuler par ses parents. Mais son petit camarade Deutsche Bank l’a dénoncé dans une note d’analyse. Quand une de des filiales d’Hypo, la branche irlandaise, n’ a pas réussi à se refinancer, il ne restait plus aux parents qu’à faire un autre chèque de 15 milliards d’euros, après celui de 35 milliards d’euros du week-end dernier. De leur côté, les gouvernements français et belge mettaient en place un montage financier compliqué qui terminait de nationaliser la banque Fortis tout en élevant l’État Belge au rang de premier actionnaire de la banque privée française BNP-Paribas.

Il est minuit. Sur la chaîne Bloomberg, les marchés européens ouvrent. Tout de suite, le CAC 40, le Footsie et le DAX encaissent un gros 5% dans l’ index. Quand je me réveille, le Dow Jones est en baisse de 456 points. Je crois mal lire. C’ est bien un moins, ce n’ est pas un signe plus. Elle est où, ma surprise annoncée: «Chouette, le plan Paulson est arrivé!»?

Bon, j’ essaie de faire sens du -456 qui continue de s’afficher. Je me dis que c’est la fin du trimestre, les hedge funds sont obligés de vendre parce que leurs clients veulent récupérer leur argent. C’est le moment où beaucoup de contrats à terme arrivent à expiration. En anglais, ça s’appelle la « rédemption » et visiblement c’est en train de nous conduire droit dans le précipice. ll faut sans doute que la finance connaisse une near death experience pour accepter de changer de comportement.

Une bonne catharsis et ça ira mieux ? Ce n’ est pas si simple. L’ Etat de Californie se demande bien comment il va payer ses factures à la fin du mois. L’économie réelle des deux côtés de l’Atlantique est au bord de la déflation. Demain, si le monde existe encore, je parlerai de l’insoutenable lourdeur du credit crunch.

Chroniques du tsunami financier Gabrielle Durana All rights reserved

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