Aussitôt rentré en Autriche, l’ami que j’avais revu dimanche vient de se faire licencier. Les actionnaires de sa PME dans le secteur du bois ont perdu beaucoup d’argent en bourse et cherchent à comprimer les coûts. Bertrand est la première victime de la crise autour de moi.
L’annonce du plan Brown en Europe avant-hier et l’aggiornamento du plan Paulson hier étaient censés produire un «choc de confiance» et stabiliser l’économie. Mise à part la bourse de Tokyo qui pétillait encore à + 1,06%, le reste des marchés a recommencé à déguster. C’est un peu comme cette technique d’interrogation des suspects, autorisée par le locataire en partance du 1600 Pennsylvania ave., le washboard. On vous noie jeudi, on vous noie vendredi, puis on vous retire la tête de l’eau lundi et on vous renoie mercredi : Hong-Kong :-4,96%, Francfort : -6,82%, Paris : -7,16%, Londres : -7,16%. , Sao Paolo : -13,6%.
Qu’est ce que nos dirigeants vont bien pouvoir annoncer pour inverser la tendance ? Un astéroïde? Le débarquement des extra-terrestres? Je ne suis pas à New York mais quiconque me lit depuis Manhattan, s’il vous plaît, allez vérifier, je ne serais pas surprise si le gros taureau à côté de la pharmacie est encerclé par les traders, se cognant le front sur le pavé. Vous ne pourrez pas les confondre avec des SDF, la police de M. Bloomberg veille.
Ben Bernanke déclarait ce matin devant le Club Economique de New York : «Crisis will end when trust is restored» (=La crise se terminera quand la confiance sera revenue). Le PDG de Bank of America qui avait été convoqué comme ses huit autres collègues de grandes banques par M.Paulson lançait au PDG de Wells Fargo qui hésitait à accepter l’argent public : «Anyone who doesn’t have a healthy fear of the unknown isn’t paying attention» (=quiconque n’ a pas une saine terreur de l’ inconnu ne prête pas attention à ce qui se passe). Le baromètre de la peur, le VIX termine aujourd’hui à 55,1. Cela fait 22 jours de suite qu’il oscille au-dessus de la barre des 30, déjà considérée comme une fourchette haute. C’est aussi le 7ème jour consécutif qu’il termine à plus de 50. Un peu d’espoir tout de même : les puts (option qui confèrent le droit de vendre à un prix fixe) sur les actions des banques étaient à un bon prix, ce qui prouve que les traders n’anticipent pas une baisse.
Le prix du pétrole continue lui à glisser de séance en séance : -5% aujourd’hui et -17% en six cotations. C’ est une bonne et une mauvaise nouvelle. Bonne, car toutes les économies développées sont pétroliques et donc une baisse du prix du baril en dessous de 75 $ comme aujourd’hui, ou même à 50 $ comme le commanderait un équilibre plus réaliste entre l’ offre et la demande, réduit le coût de la dépendance pour les pays importateurs. Mais cette baisse reflète aussi des anticipations pessimistes dans le secteur productif.
Sur les marchés des devises, de drôles de choses sont en train de se passer au sein et entre les membres de la Triade.
Le Japon voit le cours de sa monnaie remonter. Les taux d’intérêt ayant été très bas, 0,5%, beaucoup de gens, des fameuses ménagères aux hegde funds avaient emprunté en yen et étaient allés investir ailleurs en Asie. Depuis l’accentuation de la crise, on fait machine arrière et le carry-trade, c’ est le nom du phénomène, rentre à la maison. La demande de yens augmente. Sur le marché des futures, les options pour shorter le yen ont baissé de 50% par rapport à un mois. Ce qui montre encore une fois que le yen est une bonne valeur refuge dans la zone Asie.
La devise européenne a baissé de 17% face au dollar depuis juillet. Les entreprises européennes font beaucoup d’affaires en dehors de l’ Union européenne. Elles sont donc exposées au risque de change. Ex : je suis EADS, je produis en euros et je suis payé pour mes Airbus en dollars. Les variations des cours des monnaies étrangères rendent la profitabilité des opérations à l’étranger incertaine; sauf si je peux me couvrir grâce à un marché d’ options.
Depuis la faillite de Lehman Brothers et la mise sous tutelle d’AIG, il n’ y a plus grand monde sur le FOREX, le marché des devises étrangères. Je n’ai pas de chiffre récent mais pour réaliser l’importance du phénomène, il suffit de dire qu’en avril 2007, il s’échangeait chaque jour pour 3,2 trillions de dollars. Le manque de liquidité produit soudain des variations des cours des devises beaucoup plus fortes qu’en temps normal; alors même que s’assurer devient prohibitif. (Comme il n’ y a pas beaucoup d’ offreurs et que la demande a augmenté parce que le risque de change a augmenté, le coût de l’assurance explose). Vous me reconnaissez ? Je suis la volatilité.
Les entreprises européennes peuvent se retrouver du mauvais côté de la barrière, par exemple face à une baisse brutale des devises asiatiques ou latino-américaines. Face au dollar aussi, le manque de liquidité était patent, tirant le cours du dollar vers le haut mais désorganisant les entreprises européennes. La Banque centrale européenne, pour faire face à la défaillance du privé, s’ était mise à vendre aux enchères des dollars. Lors de la vente la plus récente, 70 banques avaient participé. La demande avait été de 88,6 milliards de dollars. Seulement 20 milliards avaient pu être satisfaits.
Depuis hier, la Fed et la Banque centrale européenne ont annoncé un accord d’échanges de devises (currency swaps) illimité. Je te prête autant d’euros que tu as besoin, tu me prêtes des dollars; on fera les comptes quand on sera sorti de l’auberge. Là aussi, il s’agit de desserrer l’étau du credit chunch. On voit bien ici que le professeur Ben Bernanke a tiré toutes les leçons de la crise de 1929 et qu’il les met en application à la tête de la Federal Reserve.
Le dollar, lui, bénéficie d’un triple effet. D’abord il redevient la valeur refuge par excellence pour beaucoup de gens en dehors des Etats-Unis. Ensuite, les propres investisseurs américains rapatrient leurs capitaux, parce qu’il vaut mieux attendre la fin du tsunami en détenant du cash en dollars que des actions à la Bovespa, à la Bolsa ou à Hang Seng. Enfin, la baisse du prix du pétrole donne moins envie à ceux qui sont payés en dollars de les vendre puisqu’ils valent plus.
Alors je ne sais pas si les Martiens vont venir à notre secours mais peut-être que si Barack Obama est élu, il proposera de lutter contre le chômage en allant bâtir des barrages sur Mars. Espérons que les Martiens ne se récrient pas en disant que les envahisseurs leur font une concurrence déloyale en termes de salaires.
Erratum : à propos du 15ème épisode : M Bloomberg me fait savoir que sa chaine éponyme est diffusée sur le canal 128 et non sur le canal 130.
Chroniques du tsunami financier Gabrielle Durana All rights reserved
mercredi 15 octobre 2008
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