jeudi 16 octobre 2008

Chronique n°19 Joe le plombier entre en scène

Je vous présente Joe le plombier. Ce n’ est pas une chanson de Vanessa Paradis. Il existe vraiment; il n’est pas Polonais. Il a apostrophé Barack Obama lors de sa campagne et avec sa petite entreprise, qui ne connaît pas la crise, il incarne le rêve américain de réussite par le travail et l’effort. Sarah Palin lors de son débat contre le colistier démocrate avait déjà fait beaucoup de clins d’œil à Joe six packs, qui boit de la bière et qui vit dans une petite ville, loin de l’air pollué des élites. Hier soir, lors du dernier des trois débats présidentiels, McCain faisait copain-copain avec le plombier. Alors, messieurs les candidats, pour le Français moyen, comme dirait Antoine Pinay, ou pour Main Street, qu’est ce que vous allez faire pour qu’on ne soit pas tous rendus à conduire des taxis la nuit en écoutant la rumba?

"Lancer un plan de relance à échelle européenne nous conduirait très automatiquement dans certains pays à prendre congé par rapport aux règles saines du pacte de stabilité" européen, déclare M.Juncker, chef des ministres des finances de l’Eurozone. Cette phrase me fait froid dans le dos parce qu’elle me rappelle l’ étroitesse de vue, l’aveuglement idéologique de l’administration Hoover après la crise de 1929. Il est vrai que, comme disait un de mes amis, Luxembourgeois, ce n’est pas une nationalité, c’est une profession.

Le gouvernement, tous les gouvernements, ont deux leviers pour faire de la politique économique.

La politique monétaire qui a elle-même une double dimension: la valeur externe de la monnaie (on peut dévaluer ou laisser sa monnaie s’apprécier) et sa valeur interne (on peut baisser les taux d’intérêt pour rendre l’argent moins cher et favoriser l’investissement ou on peut les relever si on a peur que l’inflation s’emballe).

La politique budgétaire de son côté permet de faire du déficit pour relancer l’économie, soit en soutenant la demande, soit en favorisant l’ investissement. On peut aussi augmenter les impôts de manière sélective pour des raisons de redistribution sociale. Autre possibilité: on peut décider d’investir de l’argent public dans tel ou tel secteur considéré comme stratégique, comme le fait par exemple l’Etat américain dans le complexe militaro-industriel via le Department of Defense, le DOD pour les intimes.

En 1929, quand le krach a eu lieu, le gouvernement Hoover a continué son bonhomme de chemin budgétaire et a contracté sa politique monétaire. Au nom d’un dogme que Keynes a analysé en détail, l’administration Hoover n’a rien fait. Trois ans et demi plus tard, la situation était devenue tellement dramatique que Roosevelt a dû instaurer un plan de relance sans précédent pour sortir des millions d’Américains du chômage et de la pauvreté. Tiens, j’ai une idée pour vous, Mme Juncker: pour Noël, pourquoi vous n’ offrez pas à votre mari un exemplaire des Raisins de la colère de Steinbeck et une édition de poche de Gatsby le Magnifique? Ca se lit d’un trait dans le Thalys. Vous pouvez même l’abandonner sur le siège.

La monnaie européenne est née d’un pacte de sang entre d'une part l’Allemagne qui avait une monnaie forte (et de très mauvais souvenirs d’hyperinflation qui ont conduit au nazisme) et d'autre part les autres pays qui étaient restés exsangues après les attaques spéculatives contre le serpent monétaire en 1992-1993. L’Allemagne a dit, je vous donne la force de ma monnaie, si vous me promettez qu’ il n’ y aura jamais d’inflation. L’ Angleterre a dit: "thanks, but no thanks !" (=non merci). Tous les autres ont dit : « Merci, oh merci ! ».

Les critères de convergence étaient censés être temporaires et préparer les économies à fusionner. La BCE héritait de la politique monétaire. Quant à la politique budgétaire, elle restait le privilège des Etats mais elle était tellement bien corsetée que l’Allemagne n’ avait rien à craindre du laxisme budgétaire. Puis le Pacte de stabilité donna aux critères de convergence un caractère permanent.

J’appelle cela : je me coupe une main et je m’attache l’autre derrière le dos.

Arrive la crise de 2008, toutes les économies du monde sont au bord de la récession, le prix de la nourriture augmente de 6,1% en un an aux Etats-Unis, de 12,7% au Royaume-Uni, de 7% en France. Partout, le chômage progresse ; si on peut appeler cela un progrès. Au lieu de comprendre qu’on ne peut pas gérer les affaires comme d’habitude parce qu’on n’est pas dans une situation habituelle, M.Juncker, tel un personnage de Scott Fitzgerald, nous sert du thé avec des petits gâteaux et nous gourmande sur les saines-règles-du-pacte-de-stabilité. Où est votre saine peur de l’ inconnu? Visiblement, certains ne font pas attention à ce qui se passe autour. M.Junker, donnez-moi votre numéro de portable, je vais le donner à Kenneth Lewis. Il va tout vous expliquer.

Le Vix aujourd’hui a dépassé les 82 points. Le Dow Jones clôture à +401 points. Après la chute de 700 points d’hier, il n’ y a pas de quoi envoyer de bonnes nouvelles à la maison. Le Footsie: -5,35%, le CAC 40 : -5,92%, le DAX : -4,91%. L’ économie de casino casine et Joe six packs avale de l’ eau salée.

Chroniques du tsunami financier Gabrielle Durana All rights reserved

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