Tokyo était fermé hier pour cause de jour férié. Le deuxième lundi d’ octobre, les Japonais célèbrent Taiiku no Hi, le jour de l’ Education Physique. Les Américains pourraient mettre à profit un autre jour férié surtout s’il s’appelait Health Sports Day. En tous les cas, à son retour le Nikkei était en forme, clôturant en hausse de 14,2%! La Bourse de New York de son côté reste un patient fébrile. La charte aux lignes rouges montre qu’elle a connu des variations de 700 points lors de la séance d’aujourd’hui. Elle avait atteint +404 points juste après l’ouverture, était descendue dans les affres d’un -302 vers 15h ; elle termine en baisse de -76 points.
Les bourses européennes semblent aller gaiement après l’annonce du plan Gordon Brown, malgré son coût stratosphérique de 1,8 trillion d’euros (un petit peu moins que le PIB de la France). Londres se réjouissait avec +3,2%, Paris +2,75%, Francfort +2,70%. La petite Islande qui voulait être aussi grosse que le bœuf a rouvert sa place après trois jours de fermeture forcés. Elle a poussé un long coassement avant de kracher à - 66%.
Suivant l’exemple britannique, Bush et Paulson ont décidé de dépenser un tiers des 700 milliards de dollars votés par le Congrès, afin d’ acquérir des parts dans les neuf plus grandes banques américaines. Ce matin, Bush cherchait à rassurer que cette mesure hétérodoxe avait pour "but non d’ abattre l’ économie de marché mais de la préserver". Les hedge funds, quant à eux, avec des étoiles dans les yeux imaginaient que Citigroup et Golman Sachs allaient être soviétisés et péroraient sur la Chaîne du Maire : «my dream is to compete with a bureaucracy» (=c’est le rêve si nos concurrents deviennent des ronds de cuir»).
Ayons le triomphe modeste, il y a nationalisation et nationalisation. Celles de Paulson ou de Brown ne sont pas celles de Pierre Mauroy.
D’abord, il ne s’ agit pas de nationalisations totales. Le Trésor américain va injecter 25 milliards de dollars dans quatre banques : Bank of America, J.P. Morgan et Citigroup et Wells Fargo. Goldman Sachs et Morgan Stanley vont recevoir 10 milliards chacune, State Street et Bank of NY Mellon, deux ou trois milliards aussi. Dans le cas britannique, si les actionnaires ne mettent pas la main à la poche, l’Etat pourrait se retrouver avec 60% des parts de Royal Bank of Scotland en ayant payé 20 milliards de livres et avec 40% du capital du conglomérat Lloyds-HBOS pour une facture de 17 milliards. Le Trésor français aussi va injecter, par exemple, 1 milliard d’euros dans Dexia, mais cela ne lui donnera ni une majorité de contrôle ni une minorité de blocage.
En effet, les différents pays sont en train d’acheter des preferred stocks, aussi appelées preference shares au Royaume-Uni. Les actions privilégiées, -c’est leur nom français- confèrent à leur détenteur un rang supérieur pour le paiement des dividendes mais elles ne s’accompagnent pas de droits de vote. Comme l’annonçait le couple britannique dans sa conférence de presse d’avant-hier: «We are not in the business of running banks» (=Nous ne sommes pas là pour gérer les banques). Ben Bernanke, le directeur de la Fed aujourd’hui, ne disait pas autre chose avec cette formule tellement anglo-saxonne: «We are not going to micromanage the banks» (=nous n’ allons pas gérer les banques au niveau microscopique).
A la différence des golden shares, qui sont des actions avec un droit de veto et que les gouvernements européens ont beaucoup utilisé lors des privatisations pour garder un contrôle, une faculté d’empêcher, la solution adoptée aujourd’hui fait de l’Etat un actionnaire passif. Dans le cas américain, le Trésor n’obtient même pas de sièges dans les conseils d’ administration.
Idéologiquement, il ne s’agit donc pas de nationalisations, mais plutôt de l’arrivée d’un chevalier blanc, qui se trouve être l’Etat; au lieu que ce soit Warren Buffet, George Soros ou un fonds souverain d’un pays des Mille et une nuits. D’ailleurs Warren Buffet a mieux négocié que l’Etat américain car ses preferred stocks dans Goldman Sachs lui rapportent 10%, contre 5% au Trésor (9% après 5 ans de présence). Mais justement l’Etat n’a pas l’ intention de faire de vieux os dans ces banques. Elles peuvent et sont incités à rembourser le contribuable et le faire sortir du capital.
La Fed a annoncé aujourd’hui qu’elle commencera à prêter à partir du 27 octobre à certaines entreprises triées sur le volet en prenant leurs effets de commerce comme garantie. Une mesure comparable en Grande-Bretagne a été annoncée lundi et entrera en vigueur lundi prochain. La Banque centrale européenne avait déjà suivi le pas. Aujourd’hui, la Bourse de Paris annonçait qu’elle allait créer un marché pour échanger les effets de commerce et les certificats de dépôt, toujours dans le but de ramener de la liquidité à court terme.
Les taux du Libor –prêts interbancaires- sont encore élevés même si le taux au jour le jour a, lui, baissé à 2.46875% contre 2.18125% vendredi dernier.
Les Européens peuvent se réjouir d'avoir évité l’effondrement de leur système financier mais les perspectives macroéconomiques sont très sombres. Certes, les taux d’intérêt peuvent encore baisser en Europe, là où la Fed a plus ou moins épuisé toutes ses cartouches. Mais le degré d’endettement des Etats avant le 1,8 trillion du plan Brown rend les marges de manœuvre en matière budgétaire quasiment inexistantes. L’économie a certes besoin d’un système financier pour fonctionner. Elle a aussi une impérieuse nécessité de consommateurs; sinon la pompe est réamorcée mais il n’en sort rien.
Gordon Brown apparaît comme l’ homme qui a rencontré son destin. Cependant, les risques d’inflation, l’éclatement de la bulle immobilière britannique et le ralentissement du secteur financier annoncent des fins de mois difficiles.
Aux Etats-Unis, les Démocrates retiennent leur respiration jusqu’à la Présidentielle, le 4 novembre. Un plan de stimulation de la demande de 150 milliards de dollars est en discussion. Nancy Pelosi déclarait hier que la classe moyenne ne pourrait pas attendre jusqu’à l’ entrée en fonction du prochain Président le 20 janvier et qu’elle espérait le faire passer juste après la victoire.
Chroniques du tsunami financier Gabrielle Durana All rights reserved
mardi 14 octobre 2008
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