Une chose est sûre, la Bourse ne se rendra pas un week-end. Jusqu’à dimanche minuit, on a la paix. C’est bien pratique, on peut faire son marché, son jogging, sa lessive, même recevoir des amis d’ Autriche et du Costa Rica.
Le week-end me permet aussi de rattraper l’actualité derrière laquelle je cours toute la semaine. J’ allais vous parler des vilains spéculateurs qui s’adonnent au short selling en pariant sur les actions à la baisse, j’avais bien amené la chose avec ma chronique d’hier sur les marchés dérivés, mais un lecteur me pose une question depuis Varsovie.
Après l’Irlande, le Danemark et l’Allemagne, les Etats-Unis envisagent de garantir les dépôts dans leur intégralité aussi. Il s’agit d’éviter que les gens ne courent retirer leur argent des petites banques et créent un risque pour l’ensemble du système. Ce risque est d’autant plus réel que nous vivons une période de sévère credit crunch : les banques ne se prêtent plus entre elles, ou peu et à très court terme.
Combien cela coûterait-il au gouvernement français de garantir tous les dépôts détenus par les banques françaises ?
Vous vous souvenez de la piscine dans laquelle se baignait oncle Picsou ? Suffirait-il au gouvernement de dire « Banquiers, comptez les pièces dans vos piscines ! » pour que nous puissions dormir sur nos deux oreilles ? Les Rapetouts n’avaient pas fait d’études d’ économie. Toutes les pièces et les billets de tous les oncles Picsou de France ne constituent qu’une toute petite partie des avoirs des agents économiques.
La masse monétaire d’un pays est l’ensemble des valeurs susceptibles d’être converties en liquidités. Le billet de vingt euros dans votre poche est beaucoup plus liquide que votre assurance-vie, mais les deux en font partie. Votre maison, elle n’est pas liquide du tout et ne fait pas partie de la masse monétaire, même si elle a une valeur.
Pour estimer la taille et la structure de la masse monétaire, les économistes ont élaboré des indicateurs statistiques qui s’appellent les agrégats monétaires. Les agrégats monétaires regroupent des moyens de paiement homogènes. D’où le schéma en trois cercles concentriques.
Le plus petit cercle, au centre, s’appelle M1 et contient les pièces, les billets et les dépôts à vue, c'est-à-dire les compte-chèques.
Le deuxième cercle, appelé M2, englobe le premier mais aussi les livrets, les Codevi, grosso modo toute l’épargne à terme à moins de deux ans.
Le troisième cercle, cercle extérieur, inclut M1 et M2 et ajoute les titres et les certificats de dépôt.
Garantir les dépôts, cela veut-il dire garantir M1, M2 ou M3 ? Evidemment garantir seulement M1 ne résoudrait rien.
Maintenant, vous voulez des chiffres et moi aussi. Seulement voilà, depuis la mise en place de l’euro, ni la Banque centrale européenne ni les 15 banques centrales nationales ne publient plus de statistiques par pays. La Fed a aussi cessé de publier le montant de M3 en 2006; ce qui fait dire aux mauvaises langues que c’est pour qu’on ne puisse pas se rendre compte que l’Etat fait tourner la planche à billets. Mais vous avez bien compris et maintenant vous pouvez expliquer aux Rapetouts que la planche à billet c’ est M1, pas M3.
On peut tout de même faire une approximation. Supposons que le gouvernement choisisse de garantir M3. En se basant sur l’ idée que la monnaie est un voile de l’ économie réelle, il faudrait pro-rater le PIB de la France dans l’ Europe des 15.
En 2007, M3 s’ élevait à 8,5 trillions d’ euros pour l’eurozone.
La France représente 14% du PIB de l’Europe des 27 et 22% du PIB de la zone euro. D’où M3 serait approximativement égal à 1,9 trillions d’ euros ! On comprend que le gouvernement y pense à deux fois avant de signer les yeux fermés la garantie totale des dépôts. Si on voulait que ça coûte moins cher, on pourrait ne garantir que M1. La note s’élèverait alors à 0,85 trillion d’euros (22% de 3750), mais les épargnants ne seraient pas vraiment rassurés, puisque M1 ne contient que les pièces, les billets et les comptes à vue.
Evidemment, 1,9 trillion, soit presqu’autant que le PIB de la France, c’est ce que cela coûterait au contribuable si toutes les institutions financières de France faisaient faillite en même temps. Cas peu probable ! Rappelez-vous que l’Irlande a offert de garantir ses dépôts jusqu’à hauteur de deux fois son PIB ; précisément parce que son PIB est faible. Aussi quand on voit ce qui est arrivé à l’ Islande qui avait voulu jouer au hedge fund, on se dit que quelqu’un aurait dû traduire la fable de la grenouille et du boeuf en islandais.
Chroniques du tsunami financier Gabrielle Durana All rights reserved
samedi 11 octobre 2008
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