Le Dow Jones a clôturé aujourd’hui à 9.265 points, en hausse de 4,6%. Demain? Comme disait Paul Krugman dans un entretien à El País ce week-end, la bourse américaine, et par ricochet quelques autres, peut bien continuer de piquer ses crises «maniaco-dépressives». En attendant que la situation soit stabilisée, je vous propose de faire un voyage et d’aller voir comment les pays émergents écopent du tsunami financier.
L’Ukraine, le Pakistan, l’Argentine et la Hongrie sont au bord de la cessation de paiements. Derrière le caractère hétéroclite de cette liste et devant les conséquences géopolitiques très différentes, il y a un mécanisme commun: les investisseurs étrangers retirent leurs billes. Ces Etats avaient pu précisément se développer grâce à l’influx de capitaux étrangers; la même formule qui avait permis à l’Espagne et au Portugal de décoller économiquement pendant les années 1980. Mais le changement de conjoncture met soudain l’avenir de ces économies en péril.
Prenons la crise hongroise: la Banque centrale hongroise avait fixé à 8,5% son taux d’ intérêt qui sert de base aux prêts en forints. Les banques commerciales hongroises s'étaient mises à proposer des prêts à des taux plus compétitifs, en empruntant à l’étranger. En août 2008, 49% des prêts aux entreprises étaient libellés en euros, en francs suisses ou en dollars. A la même date, 62% des prêts à la consommation étaient accordés en monnaie étrangère.
Soudain, le vent tourne, les investisseurs vendent leurs actifs, se débarrassent de la monnaie locale et veulent des euros (ou pour d’ autres pays, des dollars) : le forint s’ effondre (-12% en deux semaines). Conséquence aggravante, le credit crunch: les euros se raréfient. C’ est l’effet de ciseaux.
La Banque centrale européenne s’est portée au secours de la Hongrie en offrant un prêt de 5 milliards d’euros pour qu’à son tour la Banque de Hongrie puisse prêter des euros aux banques commerciales qui ne se prêtaient plus. Cette mesure est particulièrement spectaculaire parce que la Hongrie est membre de l’ Union européenne, mais pas de la zone euro. La BCE a fait un calcul coût-bénéfice : 80% des actifs du pays étaient aux mains des investisseurs étrangers, notamment autrichiens. Alors, si on peut éviter que le manque de liquidité (les dettes ne sont payables car les actifs ne sont pas disponibles) ne se transforme en insolvabilité (les dettes ne sont pas payables car les actifs ont pourri), 5 milliards d’euros c’était peu cher payé. On limiterait les effets de contagion vers la zone euro, déjà mal en point.
La Roumanie et la Lituanie sont dans des situations similaires, tandis que la Lettonie et l’Estonie se rapprochent du cas islandais en ayant voulu jouer au hedge fund. Quid de la Pologne? Et qui se portera au secours du Pakistan et de l’Ukraine?
Autre angle d’ observation : on aurait pu penser que l’effondrement sous .points de ruines d’indice de l’économie américaine allait profiter aux gros pays émergents, les "BRIC" : Brésil, Russie, Inde et la Chine.
La théorie du découplage a la vie dure. Elle avance que les Etats-Unis ne sont plus la locomotive de l’économie mondiale. L’Europe fait la plupart de son commerce au sein de sa zone. Le Japon est un géant économique. La Chine a un immense marché intérieur. Le Brésil n’a qu’à faire du commerce avec l’Inde. Tous les chemins ne mènent pas à Rome.
En fait, l’économie des BRIC est sérieusement en train de ralentir.
La Russie a assisté à une belle panique boursière (-73% par rapport au record du mois de mai), aggravée par l’inquiétude que suscite la politique étrangère de Poutine sur ses marches. 30 milliards de dollars sont sortis du pays depuis la guerre en Géorgie. A mesure que les investisseurs étrangers se retirent, le robinet du crédit facile se referme. Certes, la rente énergétique fait de la Russie un pays riche, mais la baisse des prix du pétrole augure de lendemains qui chantent moins. La fuite face au rouble n’est pas que le fait des étrangers; la population locale thésaurise les dollars et en dehors du système financier. Les réserves de change de la banque centrale sont au plus bas depuis la crise monétaire de 1998, avec seulement 66,9 milliards de dollars.
La Russie a élaboré un plan de sauvetage de 160 milliards de dollars et a nationalisé quatre de ses banques. Elle va racheter des actions en bourse grâce à un bas de laine de 175 milliards de dollars. Le gouvernement déclare qu’il n’ y a pas de crise en vue. La croissance, au lieu des 8 à 9% des années passées, se limiterait à 5% dans ses estimations les plus optimistes.
Si le baril reste au dessus de 70$, le budget ne connaîtra pas de déficit. Sauf que la politique de puissance de Vladimir Poutine requiert une augmentation gargantuesque des dépenses militaires. On peut financer la grandeur avec un brut de l’ Oural à 150 dollars, mais à 50$? La Russie fait face à une dette de 180 milliards de dollars qui arrive échéance fin 2009. Avec un baril à 50$, la Russie connaîtrait une croissance zéro. Vous l’ avez pensé si fort que je vous ai entendu : il nous faudrait une bonne guerre…
Demain, la Chine.
Chroniques du tsunami financier Gabrielle Durana All rights reserved
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire